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Music

Pop. 1280 est toujours le groupe le plus ingérable d'Amérique du Nord

Une interview où on chie sur Steve Albini, Thurston Moore, Henry Rollins et Vice ne peut pas être une mauvaise interview.

Toutes les photos sont de Yann Le Flohic.

Un peu comme l'aîné de la famille chargé de reprendre la boucherie chevaline à sa maturité, Pop. 1280 s'est retrouvé investi sans comprendre pourquoi d'une mission qui le dépasse totalement : perpétuer l'héritage noise-punk-déviant-new-yorkais. Une situation relativement étrange pour un groupe qui déplace peu les foules et qui, s'il titille certaines madeleines (plutôt Birthday Party qu'autre chose si vous voulez mon avis) trace finalament sa route de manière plutôt classique et sans faire tant de vagues que ça. Pour ceux qui s'imaginaient Pop 1280 en fils des âges farouches adoubés par Michael Gira, c'est un peu raté. On a profité de leur tournée européenne et de leur venue en France pour poser quelques questions à Chris Bug (chanteur mi-Adrien Brody, mi-Perry Farrell) et son groupe, dans les loges de la Mécanique Ondulatoire, avant un concert plutôt cool mais pas top non plus et une petite séance de shoot dans les toilettes (je parle de photos, gros malins).

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Noisey : Bonne nouvelle : je n'ai pas de question sur la Chine [où a vécu Ivan Lipp Le guitariste du groupe], ni de comparaisons à faire avec d'autres groupes.

[

Acclamations du groupe

] C'est donc dès à présent, et sans discussion possible, la meilleure interview à laquelle on n'a jamais répondu.

Vous pouvez nous expliquer comment vous écrivez vos morceaux ? Vous avez un M.O. ?

[

Regards perplexes

] Euh… Emo ? Oh, M.O . ! [

Modus Operandi

]

Oui, désolé, j'essaie de parler comme un américain [Rires]

Ivan Lip [Guitare] :

Je ne sais pas trop… Au départ, l'un de nous amenait juste un beat ou un riff et tout le monde bossait dessus. Mais en ce moment on bosse sur des nouveaux trucs et ça se passe différemment, on joue tous ensemble.

Chris Bug [Voix] :

Et on écrit dans un studio, ce qu'on a jamais fait auparavant. On ne joue pas les morceaux live avant de les enregistrer. Il y a une grosse part d'improvisation mais ce n'est pas non plus du « jam ».

Comment ça s'est passé sur l'album d'avant avec Martin Bisi [Producteur qui a bossé avec toute l'avant garde no-wave, punk, hip hop de la fin 70's début 80's de Lydia Lunch à Afrika Bambaataa]?

Chris Bug :

Ce n'était pas vraiment notre producteur, il jouait plutôt le rôle d'ingé son. C'est un ami, il nous connaît bien. Et puis, il a produit beaucoup de disques de musique agressive, il sait comment faire sonner ça. Ses conseils étaient bons, il comprenait ce qu'on faisait et nous guidait dans la bonne direction.

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Ivan Lip:

C'était super d'enregistrer dans son studio, là où il a fait tant de disques géniaux. L'endroit en lui même a une super vibe. C'est juste un énorme sous sol, comme une caverne. Et du coup, le lieu a aussi une superbe reverb naturelle.

Chris Bug :

C'est là qu'il a enregistré les Swans, Sonic Youth, Cop Shoot Cop. Et même Herbie Hancock !

Il a bossé avec Herbie Hancock ?

Ivan Lip :

Ouais, il a fait « Rocket » son disque hip hop, là bas.

Chris Bug :

Le truc stressant, par contre, c'est que tu paies à l'heure. Andy [

Chugg, Batteur

] est ingé-son, donc on peut tout faire tranquillement avec lui. On n'a pas à compter les minutes, ce qui nous arrange plutôt parce qu'on est hyper fauchés. Du coup, pas besoin d'arriver au studio avec les morceaux finis, on peut composer sur place.

Ivan Lip :

Il y a plein de fois où on était en studio et on payait à l'heure. Chez Bisi, c'était 40$ de l'heure par exemple. Du coup, les choses un peu trop bancales ou bizarres, on devait les jeter, parce qu'on ne pouvait pas se permettre de perdre du temps dessus. Si les choses ne marchaient pas dans l'heure, il fallait les laisser tomber. Maintenant on est beaucoup plus libres, on peut se permettre de faire des choses moins conventionnelles.

J'ai été assez surpris de constater le nombre hallucinant de groupes auxquels les journalistes vous comparent, ça vient de quoi à votre avis ?

Ivan Lip :

Tu trouves qu'on est comparé davantage à d'autres artistes que certains groupes ?

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Oui carrément, chaque article ou review de Pop 1280 est une avalanche de références… On dirait un concours de pitchs : « Le meilleur de Suicide sous codéine chanté par le mec des Liars qui écouterait de l'indus… » ce genre de trucs.

Chris Bug :

Je pense que c'est peut-être parce qu'on fait quelque chose de nouveau et que ça devient du coup un challenge pour les auditeurs et les journalistes [

hum, pas sûr les gars… - ndr

]. En même temps, s'il y a toujours de nouvelles comparaisons, ce qu'on doit faire les choses bien. Les gens ne peuvent pas nous écouter ou nous voir en concert et dire « oh, encore un groupe hardcore », ils sont obligés de trouver quelque chose. C'est peut-être de là que viennent tous ces pitchs.

Ivan Lip :

C'est surtout super rare que les gens viennent nous voir pour nous parler à la fin des concerts. Et encore moins nous dire : « dites-donc, vous ne sonnez pas assez comme les Swans à mon goût ».

Chris Bug :

Ça arrive à des concerts dans certains contextes où je sens, sans même que les gens aient besoin de le dire qu'ils ne nous trouvent pas assez « hardcore » ou pas assez « noise ». Mais on s'en fout de ce qu'ils veulent. Ça te plaît pas ? Dégage.

Ivan Lip :

Après c'est vrai qu'on a subi un retour de bâton de la part des gens qui aimaient le groupe au début, toute la fan base noise-rock. J'ai lu des trucs en ce sens sur Internet, notamment qu'on s'était « Marilyn Mansonisé », ce genre de conneries [

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Rires

]. Perso, je le prends pour un compliment.

Ici, c'est surtout les fans de The Jesus Lizard qui ont râlé.

Chris Bug :

Qu'ils râlent ! On n'a même plus de basse, donc c'est plus pour eux, c'est clair.

Jouer une musique violente et agressive, c'est un truc naturel pour vous ?

Chris Bug :

Pour moi, il y a deux types de musique agressive. Une très directe, en gros le punk, et une plus insidieuse et souvent plus violente, qu'on retrouve plutôt dans l'indus ou la noise. On a voulu jouer quelque chose d'agressif mais dont la violence ne s'exprime pas d'une manière traditionnelle.

Ivan Lip :

On veut provoquer l'intensité. Et c'est naturel pour nous de le faire de cette manière, très agressive. Mais c'est quelque chose qui change. Sur notre prochain disque, il y aura pas mal de moments calmes, voire ambient. Mais la démarche reste la même.

Votre disque précédent s'appelait Imps of Perversion. Vous avez vu Maps To The Stars, le dernier Cronenberg ? C'est une bonne interprétation de pas mal de perversions…

[

Méga bide

]. Non on l'a pas vu.

Ivan Lip :

On s'inspire pas vraiment des films qu'on voit ou même de la littérature, malgré ce qu'on peut croire. On puise dans la vie de tous les jours.

Chris Bug :

Les films ou les bouquins donnent une base, mais la vie de tous les jours est tellement fuckée et on est tellement pervertis qu'il suffit de regarder autour de nous ou de nous regarder nous mêmes pour trouver l'inspiration.

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On dirait que, passé un certain âge, beaucoup de musiciens se sentent obligés de l'ouvrir à propos de tout et n'importe quoi et de paterner les musiciens plus jeunes. Je pense notamment à Steve Albini, qui est un peu le spécialiste de cette discipline… Vous en pensez quoi ?

Chris Bug :

Je ne me permettrais jamais ça de ma vie. Quand je serai vieux, je crois que j'ouvrirai une salle vraiment cool. Je ferai jouer Ice Age, quelqu'un fera un bad trip, j'aurai un procès et on me mettra à l'hospice [

Rires

]. Non, plus sérieusement, ça ne concerne que certains musiciens… Thurston Moore ou Steve Albini, c'est sûr. Mais ces mecs ont globalement des goûts à chier en musique, de toute façon. Je finis même par me demander où ils découvrent les groupes dont ils parlent. Les gens devraient s'en foutre, quoiqu'il en soit.

Le coup d'éclat d'Henry Rollins sur le suicide après la mort de Robin Williams puis ses excuses publiques étaient pas mal dans le genre, même si pour le coup, ça n'a rien à voir avec la musique.

Chris Bug :

Henry Rollins est vraiment une baltringue, si tu veux mon avis. En voilà un bon slogan [

Rires

]. Ça ferait un beau T-shirt de groupe.

Il y a un côté assez robotique dans votre musique, vous êtes influencés par la techno et la club culture ?

Allegra Sauvage [Claviers] :

Tu sais quoi on devrait tourner uniquement dans les clubs d'Europe de l'Est !

[

Rires

]

. Non, bien sûr on est de grands fans de musiques électroniques, j'écoute pas mal de house personnellement. On a jamais fait remixer nos morceaux, mais on adorerait.

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Chris Bug :

On devrait demander à Steve Albini de nous remixer.

Vous devriez demander à Pete Swanson, il vous ferait un truc cool.

Allegra Sauvage :

Oh le gars des Yellow Swans, oui, bonne idée.

Chris Bug :

Ça va être plus facile maintenant car nos nouveaux morceaux sont tous construits à partir d'une boîte à rythmes. Avant, il n'y avait jamais de click donc ça rendait la chose un peu compliquée.

Et comment se passe la vie de votre groupe à New York ?

Chris Bug :

Eh bien, VICE rachète tous nos clubs, donc on n'a plus nulle part où faire des concerts.

Tous :

Ça, c'est embarrassant. [

Rires

]

Ivan Lip :

On travaille tous à temps plein. New York est devenu tellement chère. Personne ne peut plus y vivre. C'est devenu une ville faite uniquement pour les riches et les touristes. Nous, on peut juste y survivre. On travaille comme des chiens, puis on avale des tonnes de café pour tenir le coup et s'enfermer dans notre local de répèt le temps qui nous reste. Mais avoir des boulots complique pas mal notre vie de groupe. On a pu tourner seulement 8 semaines en tout l'année dernière, USA et Europe compris.

Vous avez reçu des marques d'affection étranges de certains de vos fans en tournée ?

Chris Bug :

Eh bien, hier à Nantes un vieux gars est venu avec un exemplaire de

Pop. 1280

[

le roman de Jim Thompson qui a donné son nom au groupe

]. Bon, c'était plutôt cool qu'il ait pigé la référence, donc on a tous signé son livre.

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Andy Chugg :

Aux Pays-Bas, un gars est venu me voir. Il ne parlait pas anglais, il m'a tout mimé genre « OH ! [

il fait de l'air guitar

] Joy Division ! » « AH ! [

il mime la batterie

] Swans ! ». C'était marrant. Il voulait tellement me dire qu'il avait aimé, mais ça en devenait plus fort que s'il l'avait fait avec des mots.

Et il sort quand ce nouveau disque ?

Chris Bug :

Normalement, cet automne. On a 6/7 morceaux finis. On vend un 45-t sur cette tournée avec 2 morceaux tirés de ces sessions. Il y aura beaucoup plus de claviers et de boîte à rythmes que sur notre précédent disque en tout cas.

Pop. 1280 sont encore en Europe pour quelques jours, vous pouvez les choper ici : 02.02.2015 Pau (FR) Localypso
03.02.2015 Lyon (FR) Le Sonic
04.02.2015 Grenoble (FR) Le Ciel
05.02.2015 Luzern (CH) Südpol
07.02.2015 Moscou (RUS) Powerhouse Moscow

Adrien Durand est le mec le plus ingérable de la ligne 13. Par chance, il vient de s'acheter une mob. Il est sur Twitter - @AdrienInBloom