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Music

Devinez quoi ? « Green Room » est bien le film le plus excitant de ce début d'année

Des punks, des nazis, une situation désespérée et un film de genre, un vrai, comme on n'en avait pas vu depuis longtemps.

J’étais parti pour n’écrire qu’un mot : GÉNIAL, mais j’en suis déjà à dix-sept, alors tant pis. C’est d’ailleurs pas plus mal comme ça, parce que

Green Room

n’est pas un film génial, justement. Il est agressif et bancal et n'a vraiment rien d'un chef d'oeuvre. Et c'est justement ça qui est génial. On attendait énormément du troisième film de Jeremy Saulnier, dont on vous a déjà parlé à non pas

une

mais

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deux

reprises, et on a eu exactement ce qu'on voulait : un vrai film de genre, qui ne sort pas ses références de bon élève pour justifier ses dérapages et son mauvais goût (Eli Roth, tu passes à la maison

quand tu veux

, j'ai une batte de base-ball qui n'attend que toi), qui ne se vautre pas avec complaisance dans la nostalgie et l'ironie (oui,

King Fury

et

Turbo Kid

, c'est de vous que je parle) et qui se contente de taper juste, vite et fort, bref UN FILM QUI NE S'EXCUSE PAS D'ÊTRE LÀ, soit EXACTEMENT ce que plus PERSONNE n'est capable de faire en 2016.

L'histoire, vous la connaissez et pour cause, c'est le pitch le plus simple et excitant qui ait abreuvé les interwebs ces 36 derniers mois : plantés au beau milieu de l'Oregon après un plan foireux, les membres du groupe punk The Ain't Rights acceptent un plan de secours en pleine cambrousse, dans un club dirigé par des skinheads néo-nazis, où ils vont se retrouver séquestrés après que l'un d'eux ait été témoin d'un évènement funeste. Et la première question, c'est fatalement : est-ce que ce groupe punk est crédible ? Parce que qu'avec un scénario pareil, si le groupe est bidon, ça ne tient plus debout, et vous le savez aussi bien que moi :

les groupes de musique au cinéma ça ne marche jamais

. JAMAIS. Sauf que là, ça marche. À 3000 %.

Parce qu'on croit à chaque personnage (le chanteur vaguement capricieux, le batteur un peu juste au niveau des finitions, le guitariste dans le doute, la bassiste qui joue la maman pour les trois autres), à toutes les situations (le concert dans un resto mexicain devant 3 personnes rappellera des souvenirs à certains), à toutes les répliques (la pathétique interview et sa question du disque à emporter sur une île déserte, qui donnera lieu plus tard à deux des seuls moments à peu près drôles du film) et à chaque morceau qu'ils interprètent (on en trouve d'ailleurs trois dans la B.O. du film, dont une reprise que je ne dévoilerai pas, même s'il est facile de la deviner). Parce qu'avant d'en faire un groupe punk, Jeremy Saulnier en a fait de pauvres connards comme vous et moi, et c'est tout le noeud du film.

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L'enjeu de

Green Room

, ce n'est pas « comment va faire une bande de punks pour s'enfuir du repère de néo-nazis ou elle est prise au piège ? » mais « comment vont faire une poignée d'êtres faibles, lâches et dégueulasses mais foncièrement attachants pour se sortir d'une situation a priori inextricable ? » Et c'est là que le film gagne. C'est là qu'il joue tranquillement des épaules avec

Hitcher

(pour le jeu du chat et de la souris particulièrement retors),

River's Edge

(pour l'esthétique, l'ambiance et le côté désespéré de l'entreprise, mais aussi pour l'amour que Saulnier porte à ses personnages), voire

Deliverance

(le club des néo-nazis étant suffisamment sordide, crédible et hostile pour se substituer aux gorges de Tallulah). En présentant des personnages qui hésitent, se trompent, perdent du temps et enchaînent les mauvaises décisions, Saulnier prend le parti de la beigne ultra-réaliste plutôt que celle de l'horlogerie suisse et des mécaniques de gros-malin.

Parce que le réalisateur, et on l'avait déjà senti avec le fabuleux

Blue Ruin

(son film précédent), n'est pas là pour vous livrer une expérience plaisante, inoubliable, prête à ranger sur les étagères du monde-musée. Il est là pour vous faire chier. Il est là pour nuire. Peut-être pas autant que le vieux Friedkin dans ses grandes heures (71-88, à la louche) mais pas loin : il faut voir ce qu'il inflige à ses acteurs durant les 90 minutes du film. Avec des petits coups en douce, vicieux, bien placés, comme la première agression, carrément intenable, ou cette scène finale jubilatoire (restez tranquilles, il n'y a pas de spoiler) qui enchaîne la plus parfaite des répliques imaginables à un morceau de Creedence Clearwater Revival avec une sècheresse éclatante. Et ça, dans un monde où M83 est capable de pourrir un film à lui seul (

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Suburra

) et où Inarritu déclame à qui veut l'entendre que ses films mériteraient d'être projetés dans un temple, c'est plus que jouissif : c'est tout simplement salvateur.

Ajoutez à ça des acteurs absolument parfaits (mention pour Imogen Poots et le décidément imprenable Macon Blair, mascotte de Saulnier) et des morceaux de Midnight et Slayer dans la bande-son et vous obtenez tout simplement la série B la plus ravageuse de ces 5 ou 10 dernières années. Bref, un film sans génie mais

foncièrement

génial. A noter que Jeremy Saulnier décrit le film comme « un adieu à sa jeunesse et un hommage au cinéma avec lequel il a grandi ». Ce qui signifie qu'il ne refera pas

Green Room

une deuxième fois. Et qu'on peut donc à peu près

tout

attendre de ses prochains films. Et ça aussi, pour le coup, c'est génial.

Green Room

sera diffusé ce samedi 12 mars à la Gaîté Lyrique en présence du réalisateur, dans le cadre du F.A.M.E.

Le film sortira en France le 27 avril, mais on a des places à vous faire gagner dès à présent sur notre page concours.