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Personne n'a filmé Kanye West, Jay Z et Action Bronson comme Robert Lopuski

On est allés passer un moment avec le réalisateur de deux des meilleurs documentaires rap de ces dernières années : « Watch The Throne » et « We're Gonna Be Lords ».

Photo - Jeff Kim

A 33 ans, ce fils d'immigré polonais vit le rève américain entre New-York et le New-Jersey : après avoir réalisé un documentaire très intimiste sur Jay Z et Kanye West lors de l'enregistrement de leur album commun Watch The Throne, Robert Lopuski revient aujourd'hui avec We're Gonna Be Lords, un reportage sur la nouvelle scène rap de New-York. Ses documentaires sont à son image : authentiques et directs. On pourrait croire que ce surdoué des effets spéciaux qui a travaillé avec les plus grands, est un de ces prodiges aux chevilles bien enflées, mais en réalité, c'est tout l'inverse. Robert incarne la simplicité.

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A l'occasion de la sortie de We're Gonna be Lords, on a posé quelques questions à Robert sur ses documentaires, sa rencontre avec Kanye West et ses projets à venir.

Photo - Jas Lopuski Noisey : Tu n’as produit que des courts métrages jusqu’à présent, pourquoi ? C’est parce que tu n'avais pas les budgets pour un long ?
Ça tombe bien que tu m'en parles car je suis justement en train de travailler sur un long métrage en ce moment. Ce sera un film sur les vampires. Mais quand tu es un jeune réalisateur, les courts métrages sont un bon moyen de s'entrainer. Personnellement, j’ai beaucoup appris grâce à la post-production et aux courts métrages.

Tu as également été superviseur des effets spéciaux pour les films Cadillac Records et The Missing Person. Une facette de ton travail qui est mise de côté dans tes documentaires.
Et pourtant il y en a dans les deux documentaires ! Mais si tu ne les a pas remarqués c’est que ce sont des bons FX et ça veut dire que j’ai bien fait mon travail. [Rires ] Pour moi c’est plutôt bon signe.

Je suis arrivé à New-York à l’époque où l'infographisme explosait et tout le monde travaillait en utilisant des fonds verts. Donc, j’ai très vite appris comment me servir des effets spéciaux, et comme j’avais déjà un pied dans le monde de la réalisation, on m’a demandé de m’occuper de FX sur différents projets. Avant tout ça, j’avais déjà remporté de nombreuses récompenses dont deux Emmy Awards, de nombreux Telly, des titres au Pomax, au BDA et six nominations aux MTV VMA.

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Le hip-hop représente quoi pour toi ?
En ce moment, le rap se rapproche de la pop, mais j’ai toujours aimé l‘énergie, la rage et l’authenticité de ce style.

Quand on parle de rap, les gens pensent souvent à la drogue, aux filles, aux liasses de billets. Mais tes documentaires montrent complètement autre chose.
Personnellement, je ne m'intéresse pas à tout ça. Souvent, c’est simplement un style qu’ils se donnent tu sais. J’ai toujours préféré ce qui était calme et tranquille aux trucs bruyants qui en mettent plein les yeux. Le calme et la tranquilité sont des choses bien plus puissantes à mes yeux. Et quand je suis avec un artiste, peu importe son statut, son âge et sa notoriété, je vais m’attarder sur ces moments.

Les gens communiquent en permanence, pas besoin de mots. Dans mes documentaires je me sers de ces instants de calme pour mieux comprendre les artistes.

Dans Watch The Throne, tu avais les tauliers du rap de ces dernieres années. Dans We’re Gonna Be Lords, tu as suivi des mecs moins connus comme Action Bronson, Le1f, Underachivers et Flatbush Zombies. Quelles différences tu as noté entre eux ?
Pour être honnête, ils sont pareils mais ne jouent pas forcément dans la même cour. The Flatbush Zombies va enregistrer ses morceaux dans une petit studio, alors que Kanye va le faire dans un studio plus grand, c'est la seule différence. Ils ne travaillent pas les mêmes endroits, ils le font peut-être un peu différemment mais ils ont la même passion.

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Avant Watch The Throne, tu avais déjà travaillé avec Kanye West pour son clip « Power ». Comment es-tu entré en contact avec ce mec qui semble inaccessible ?
A l’époque, j’avais un blog sur lequel je postais mes vidéos. Et le hasard a fait qu’un jour, je suis tombé nez à nez avec Kanye dans une rue de New-York. Douze heures plus tard j’ai reçu un coup de fil de son staff qui me demandait de venir travailler sur « Power ».

C’est toi qui leur a soumis l’idée de Watch The Throne ou c’est eux qui t’ont appelé pour te dire « Mec on a besoin de toi »?
Ceux sont eux qui m’ont contacté. Ils m’ont appelé et m’ont dit « Tu peux être en Australie demain matin? » [Rires] Et j’ai tout de suite accepté.

Watch The Throne est un reportage très brut, on dirait limite un film de famille enregistré par un vieil oncle pendant les fêtes. J’ai entendu dire que tu avais eu quelques problèmes pour le tournage, tu peux nous ne dire plus ?
On a tourné le docu dans un manoir de Sydney. Quand je suis arrivé, il y avait Jay, Kanye, Beyoncé, deux ingénieurs du son, un producteur et Don C, le manageur de Kanye. J’étais le petit nouveau et il m’a fallu un peu de temps pour gagner leur confiance et les filmer.

Cétait vraiment une grosse opportunité pour moi donc j'ai tout fait pour que ça se passe au mieux. J’ai vraiment du m’adapter à différents paramètres pour le film — je tournais en off, j’utilisais mon téléphone quand ils ne voulaient pas que j’utilise ma caméra, ou alors je tournais quand tout le monde pensait que la caméra était éteinte.

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J’ai réalisé ce court avec vraiment peu de matériel. Je n’avais pas eu le temps de préparer mon matos pour partir en Australie au lendemain de leur appel. Donc une fois sur place, j’ai essayé de récupérer tout ce qui pouvait me servir. C’était un vrai défi : comment faire quelque chose à partir de rien quand tu as en face de toi, les deux plus grandes stars du hip-hop actuel ?

Ce côté brut et authentique, c'était ton idée de départ ?
Pas du tout, je voulais faire un truc complètement différent. J’aurai adoré avoir de belles images bien cadrés et un bon son. Mais au lieu de ça, ça a été un vrai bordel. Même au montage je n’ai pas réussi à améliorer les images, donc j’ai du les intégrer telles quelles. En fin de compte, c’est tout ce coté brut qui donne l’âme et l’énergie du docu, donc j'en suis content.

Photo - Jas Lopuski

Au début de Watch the Throne, on voit Kanye offrir une peinture et une grosse bague à Jay Z pour son anniversaire. Tu lui as offert quoi toi?
[Rires] Rien.

Après avoir eu la chance de vivre sous le même toit qu'elle, tu peux nous dire à quoi Beyoncé ressemble en vrai?
[Rires] Elle est super. C’est l’une des plus grosse bosseuse que j’ai vu de ma vie.

En dix minutes dans des documentaire tu arrives à nous donner plus d’information et d’émotion que certains reportages d’une heure ou plus. C’est quoi ton secret ?
J’ai réalisé ces deux films avec très peu de moyens, et quand tu te retrouves dans ce genre de situation, le seul truc que tu peux faire c’est de travailler sur les émotions. En tant que réalisateur, je pense que j’ai cet instinct, cette petite pulsion qui me permet de capter ce que je veux et d’en faire ce que je veux. J’essaie simplement de trouver le bon équilibre dans mes vidéos. Sur quoi essaies-tu de te concentrer ?
Quand j’étais gosse, j’adorais les films qui sortaient du commun. Robocop, Total Recall, Legend avec Tom Cruise et plus tard Le Ballon Rouge. Ces films m'ont fait voir des images — ou, dans le cas de Le Ballon Rouge, des émotions — qui m'ont suivi pendant des années et que j'essaye aujourd'hui de faire ressortir, d'une certaine façon, dans mon travail.

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Dans We’re Gonna Be Lords, on voit des petits qui prient pour que leur « rêve » se réalise. A leur âge, tu rêvais de quoi toi ?
De pouvoir proposer des choses nouvelles à travers mes films. De nouvelles images, de nouvelles émotions.

Dans une interview tu as dit que la vie était « une série de rencontres fortuites avec soi-même ». Tu peux nous expliquer ce que tu entends par là ?
Quand tu es artiste, tu évolues et tu t’obliges à te dépasser, constamment. Parfois des opportunités se présentent à toi comme si c’est toi qui les avaient provoquées. Tu réalises « Hey, en fait c’est grâce à moi tout ça. Grâce à une partie de moi que je ne connaissais pas encore. » Et tout au long de sa vie, on découvre différentes facettes de sa personnalité.

Quand est-ce que tu as commencé le tournage de We’re Gonna Be Lords?
Il y a un an et demi.

Tu as eu du mal a approcher ces gars, ou le fait que tu ais travaillé avec Jay et Kanye t’a facilité la tache ?
Bizarrement, ça a été beaucoup plus dur de les avoir. Et une fois le contact établi, on a eu très peu de temps pour tourner.

Au début du docu, on voit une photo de Ol’Dirty Bastard que les gosses adulent comme un Dieu. Pourquoi ?
Le hip-hop est une religion pour ses fans les plus fervents. Les gosses regardent les superstars du rap comme si s'étaient des Dieux. Et ODB est un Dieu.

Pourquoi dans We’re Gonna Be Lords, as-tu justement choisi d’illustrer le parcours et la détermination des rappeurs à travers des enfants ?
La musique et les stars sont des choses qui font rêver les gosses, et je voulais jouer là-dessus.

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Tu as revu les gens que tu as filmés : Jay Z, Kanye West, Action Bronson, les mecs de Flatbush ?
Oui, j’en ai revu quelques uns.

Ils ont changé depuis la diffusion du documentaire ?
Ils sont toujours en train de travailler pour progresser. La plupart d’entre eux ont gravi des échelons depuis le tournage. Ils le méritent, donc c’est cool.

Ton premier reportage s’appelait Watch The Throne, le deuxième, We’re Gonna Be Lords, Ce sera quoi le prochain? Here We are, We Did It, We Reign on The Whole Fuckin Rap Game?
[Rires] Exactement.

Merci Robert.
Merci à toi, c’était un plaisir.

Salim Jawad est sur Twitter - @Salim_msw