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Music

Attention au Fantôme de la Cuite !

Le chanteur des Sleaford Mods vous met en garde : vous défoncer en permanence vous plongera pour toujours dans l'amertume.

Jason Williamson est le chanteur de Sleaford Mods. On l'a invité à s'exprimer sur tout un tas de sujets divers, et ce, dès qu'il en aurait envie. Pour cette nouvelle tribune, après le travail et le succès, il a choisi de nous parler de l'alcool, de la drogue et de la défonce en général.

Les risques qui accompagnent la prise de substances sont exactement ce qu'ils sont : des risques. Un « risque », n'a rien à voir avec un putain de jeu de société tout naze où tu joues à la guerre avec tes doigts. Un risque, c'est un putain d'ongle incarné. Tu ne le remarqueras pas tout de suite, et ça lui laissera le temps de se faufiler dans ta vie pendant que toi, tu marcheras sur la route un dimanche après-midi de 1991, encore un peu fardé, avec K-Klass à fond dans ton Walkman. Ça ressemblera presque à une bouffée d'air frais, qui dansera avec toi, qui te jettera dans un club chaque samedi soir, plein de vie, pour écouter de l'Italo-House, vomir dans les chiottes, faire le taré, traîner dans des stations-essence et rencontrer tous les gens que tu ne pensais jamais devoir rencontrer - l'odeur et la sensation d'un autre bled, d'une autre ville, des amis dignes de confiance, ils sont tous là.

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Mais la prise de substances te fera aussi passer des nuits à l'Hôtel des Gros Connards.

L'Hôtel des Gros Connards est un énorme complexe qui te fournit tout ce dont tu as besoin pendant ton séjour. Il y a un gros connard à la réception, un gros connard à l'ascenseur, un gros connard au bar et un gros connard au parking. En fait, c'est géré uniquement par et pour des gros connards, et tous tes frais sont pris en charge, donc pas besoin d'aller voir ailleurs - si seulement tu pensais aller voir ailleurs. Tu arrives à te persuader que le monde extérieur est sordide en comparaison. Tu crois dur comme fer que t'exposer au tableau pastel de la sobriété est mauvais pour la santé. Tu t'en branles de l'harmonie et de la raison, tu cherches l'amertume parce que ça te va mieux, tu te sens bien dedans. Les arbres, les ombres et les néons la nuit, le sens de l'auto-destruction, le blouson de motard en cuir, les poses tendues et angoissées avec ta guitare à côté d'un ampli à lampe : voilà ce que tu veux. Tu te branles de tout, et c'est vachement plus marrant que le camp de la raison, bien plus excitant de se vautrer dans la crasse et les conneries. La merde sur tes pompes devient petit à petit un truc normal.

En réalité, c'est l'amertume qui te rattrapera. Ça a toujours été comme ça. L'amertume, c'est ce pull trempé et dégueulasse que tu vois accroché sur le grillage d'un parc sur le chemin du boulot. L'amertume, c'est comme péter le talon de ta pompe au moment où tu marches au milieu du bus. L'amertume, c'est de la merde. Avant, je pensais qu'être jeune m'autorisait à me défoncer, que j'allais toujours m'en tirer, pour ainsi dire. Mais non, tu continues à penser et agir comme un connard. Tu ressembles toujours à un poulet tout juste déplumé. Un énorme putain de poulet qui s'appelle Gros Connard. L'amertume, c'est la lumière qui perce à travers les volets. L'angoisse du réveil, de devoir se jeter dans le bruit des moteurs encore une fois. La peur de ta vie, c'est la putain d'amertume et tu n'es pas Hunter S. Thompson. Même Hunter S. Thompson détestait être Hunter S. Thompson, tu croyais sérieusement que tu allais t'en tirer comme ça ?

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Avant d'essayer d'arrêter de te mettre des races et de gober tout ce qui passe, la clé, c'est de régler ton problème avec l'alcool. Réduire le taux de bière que tu avales est une bien meilleure solution que de l'augmenter. C'est la Lager qui te trompe, qui te dit « relax, tu peux te taper 4 traces peinard ce soir si tu veux », qui arrive à te persuader qu'un peu plus de de produits chimiques dans ton corps te fera le plus grand bien. Tu es le patron, tu as fait du bon boulot et tu te dis que tu mérites de souffler un peu. Vin, bière, Sambuca, re-bière, joint, poutre, re-re-bière. Bam, Bam, Bam. Évidemment, tu ne l'as pas du tout mérité - qui mérite ce genre d'horreurs ?

Ce moment où tu te dis que « tu le mérites », c'est tordu. Ça arrive souvent. Ça me prend 4 ou 5 heures pour redescendre d'un concert, et dans ce laps de temps, je picole. Il faut faire gaffe, tu te retrouves à marcher dans la salle sur la pointe des pieds comme Elmer Fudd, les yeux derrière la tête quand tu vas pisser, au cas où un fan serait en train de tituber à l'autre bout des chiottes, complètement speed. Tu finis par grincer des dents quand le mec se ramène pour jacter à toute vitesse comme un chanteur de grime, les pupilles énormes après s'être enfilé une autoroute de coke. T'es un gros tas de bidoche complètement ravagé, prêt à piner tout ce qui bouge avec sa Super-Bite. Un genre de World War Z où Brad Pitt enculerait les zombies avant qu'ils boulottent sa bonne femme et son gamin.

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Cela dit, boire a ses avantages. Si tu en es au point où tu as sincèrement pigé pourquoi tu prends des produits si souvent, tu as peut-être déjà commencé à les remplacer par encore plus de bibine. Médicalement, c'est une stratégie qui se révèlera vraiment pétée sur le long terme. Mais d'après mon expérience, les gueules de bois sont l'équivalent d'un mec qui tente sa chance pour chouraver deux-trois trucs dans un supermarché, alors qu'une descente de drogue sera plus comparable à un braqueur de banques armé jusqu'aux dents. Une descente est un animal féroce qui t'attaque sans relâche pendant plusieurs semaines. Tu prendras des décisions complètement surréalistes. Je préfère encore piquer du zen après une cuite monstrueuse que passer trois plombes à essayer d'empêcher ma mâchoire de trembler en essayant d'oublier l'odeur de plastique fondu qui suinte par tous les pores de ma peau.

Tu peux gérer ta consommation d'alcool, la peaufiner. Tu peux changer la Lager pour des alcools forts - habile, hein - pour un petit coup de fouet, puis revenir à la Lager et ainsi de suite. Grâce à cette astuce futée, tu peux te foutre une branlée de tous les diables mais sans vomir ni te manger le capot d'une voiture. Tu apprends à recevoir ton ennemi avec les honneurs, en même temps que tu le verses dans ta gorge. Tu t'avances, immortel, dans la lande stérile que tu t'apprêtes à gouverner, un embouteillage dans chaque rue, l'avenue principale bloquée par des usagers énervés, perchés, décérébrés, complètement à l'ouest.

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« Quand tu te drogues, le Fantôme de la Cuite est ton gardien. Il t'est assigné par les Divins Enculés du Pays des Couilles Molles. »

Tu reçois cette enflure ectoplasmique après une longue période de dopage intensif. C'est un peu comme le pack complet du club Chocapic, avec une carte et un portefeuille.

Le Fantôme de la Cuite est comme un hameçon planté dans ton cou. C'est le vautour posé sur une branche au-dessus de toi, qui se fout de ta gueule dès que t'essaies de devenir sobre, qui ridiculise tes tentatives d'adopter un comportement cognitif, parce qu'il sait qu'il finira par t'avoir quoiqu'il arrive. Si tu dois faire de la musique - ou n'importe quoi d'autre, en fait - tu dois absolument penser à gérer ta consommationd d'alccol, pour arriver, à terme, à l'effacer complètement de ton existence. Parce que tu peux être sûr qu'elle s'est bien installée en toi, et que si tu la laisses faire, elle se transformera en une énorme boule de pus au bout de ton double menton. Tu t'en rendras compte grâce à une série d'évènements qui, avec le recul, t'aura fait passer pour le dernier des cons. Et il faudra bien la retirer de là, une fois que tu seras assez lucide pour comprendre le fonctionnement de cette tumeur mentale et la raison pour laquelle elle existe. »

Tu passeras ton temps à te répéter « Pourquoi moi ? » encore et encore et encore. Tu te diras aussi « Ça sème vraiment la merde autour de moi » - mais beaucoup moins souvent.

Inévitablement, ta musique sera servie en pâtée aux chiens. Tu perdras tout - ton groupe, ton manager, ta vie privée - et quand tu essaieras tant bien que mal de recommencer avec un nouveau groupe, tu devras tripler d'efforts. L'alcoolo, le buveur fréquent, ou le mec qui boit des coups le week-end : tous des mecs remplis d'amertume, à des niveaux différents.

Une Audi A4 vaudra toujours mieux qu'un silence angoissé au milieu du chaos.

Jason est sur Twitter - @sleafordmods