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Une discussion autour du polar des années 80 avec The Hacker et David du label ZONE

« La légende dit que Patrick Eudeline a acheté son premier perfecto à Gérard Lanvin. »

De gauche à droite, Michel Amato, David Rimokh et Mike Levy.

Michel Amato alias The Hacker possède quasiment le même timbre de voix que Richard Berry, David Rimokh est fanatique du look maître-chien, Mike Levy alias Gesaffelstein fume autant que les acteurs de la génération Mitterrand. Tous les trois (avec Alexandre Reynaud) ont fondé un label qu'ils l'ont appelé ZONE, et qui renvoie directement à leur amour des terrains vagues, aux films des années 70/80 et aux accents de titis à couper au cran d'arrêt. Ils étaient donc les meilleurs clients pour une interview exclusivement axée sur les polars des années 80. Discussion autour du Belmondo Funk, du look EBM et de Buffet Froid, le film le plus techno qui soit, dans un troquet désert du 10ème arrondissement avec David et le Hacker. Kesta ta ? Noisey : Bon, on va pas faire de promo, parlons plutôt de polars des années 80, ok ?
The Hacker : Le polar 80's ultime pour moi, et c'est pas vraiment un polar en fait, c'est Buffet Froid. C'est du Yves Adrien ce film. La première partie, tournée dans la cité, avec les barres d'immeubles, c'est exactement Növövision.
David Zone : Voilà, sauf qu'ils sont moins bien habillés qu'Yves Adrien, plus pourraves.
The Hacker : Ouais, c'est pas des dandys nucléaires.

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Les deux acteurs principaux de Buffet Froid : le couteau et le manteau. Vous avez vu Garde à Vue de Claude Miller ?
The Hacker : Je le connais par cœur.
David Zone : Non. Mais je vois bien les répliques d'Audiard.
The Hacker : J'adore le face à face Serrault-Ventura, en plus c'est deux acteurs qui n'avaient jamais tourné ensemble avant ce film là, et c'est les deux opposés. Ventura, tout dans la réserve, et l'autre… Bon, c'est Michel Serrault quoi. Et les répliques… Après oui, évidemment, c'est Audiard… Mais quand même.
David Zone : Pour moi, Audiard c'est magnifique.
The Hacker : Et puis une Romy Schneider…Nébuleuse. Complètement fantomatique, elle passe comme ça, puis elle essaye de faire plonger son mari.
David Zone : Bon, je suis neutre puisque je l'ai pas vu, mais balance des répliques.

« On cesse d'être en sécurité dès qu'on passe la porte d'un commissariat. »
David Zone : Bah là ils vont être contents avec les élections ! Faut les remettre au goût du jour, les répliques. N'empêche ça pourrait être un excellent slogan pour Marine Le Pen.

Oh la la oui, Ne Réveillez pas un Flic qui Dort, avec Delon.
The Hacker : Après y'a les films que moi j'appelle « Belmondo Funk », première moitié des 80's. Il a des blousons en cuir de fou. Des Avirex, etc.
David Zone : Ouais, des blousons en cuir de mecs qui mettent des tartes dans les bars. D'ailleurs il se bat tout le temps dans les bars.
The Hacker : Belmondo, mon héros. Dans celui où il se fait muter à Marseille [Le Marginal], y'a une scène où il passe devant une salle de jeu, et t'as une musique electro-funk de fou. J'ai jamais su ce que c'était.
David Zone : Ah ouais ? Genre Afrika Bambaataa ?
The Hacker : Ouais un peu, avec un gros synthé. Et avec Mike [Gesaffelstein] on se disait, mais ouais, c'est le Belmondo Funk.
David Zone : Haha. Mais ce qui est bien avec les films de Belmondo, c'est qu'il fait le con, il fait le bagarreur, etc, mais à la fin, y'a toujours 15 minutes de morale, de truc dur, une revanche sur la vie. Des instants dramatiques.
The Hacker : Y'a un pote à lui qui meurt. Et c'est là que la B.O. de Morricone intervient.
The Hacker : Voilà, c'est ça.
David Zone : Et il est toujours bien dans ces scènes. Faut le jouer quoi, parce que tu passes souvent pour un con dans ce genre de plan. Delon ça marche pas du tout par exemple.
The Hacker : Autant j'accroche au Belmondo funk, autant les Delon 80's, j'arrive pas. J'ai du mal avec Delon.
David Zone : C'est vrai qu'il y a son personnage hors cinéma, bon… Il est moins bon acteur que Belmondo, il peut faire moins de trucs, mais il est beau. D'ailleurs il fait plus italien que français non ?
The Hacker : Y'a ce film là, je me souviens plus du titre, où il joue le rôle d'un gitan, et il est frisé ! Il a une tête improbable.

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The Hacker : Ah tiens sinon, y'a un film avec Depardieu que j'aimerais bien revoir : Les Chiens. J'ai un souvenir de ce film, quand j'étais gamin, il m'avait choqué. À un moment, ils attrapent un clébard et ils l'attachent pour lui faire peur… Ça m'avait traumatisé gamin. Glauque.
David Zone : Et puis les tenues de maître-chien.
The Hacker : Un truc à la Kebra un peu, la banlieue 70's.
David Zone : Tout à fait zonard. Je redécouvre le look maître-chien depuis quelques temps.
The Hacker : Pas très loin du look Front 242. On reste dans le sécuritaire.

Treillis-bomber.
David Zone : Voilà, mais y'a un tel retour du bombers là…
The Hacker : C'est un peu chaud à porter quand même, avec l'extrême-droite qui est bien pêchue…
David Zone : Tout dépend de tes lunettes de soleil. Si tu mets des « 4 saisons » avec, c'est très très chaud.

On continue sur Garde à Vue : « Les putes sont des femmes qui vous donnent beaucoup de choses pour relativement peu d'argent. »
The Hacker : Oui…
David Zone : C'est tragiquement ou heureusement vrai… mais bonne phrase quoi, juste.
The Hacker : C'est Serrault qui dit ça, en fait il s'enfonce grave. Il est bizarre ce film. Tu te demandes pourquoi il se laisse accuser, à la fin il abandonne. J'ai toujours eu du mal à me l'expliquer. Il veut mourir ? Quelque part c'est une espèce de suicide. C'est super bizarre.
David Zone : Y'a Gainsbourg qui disait, « Je prends les femmes pour ce qu'elles ne sont pas et je les laisse pour ce qu'elles sont ». Voilà ça rejoint un peu. J'ai pas vu le film alors il faut bien que je trouve des trucs.

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« On ne tue pas une femme qui aime les fleurs. »
David Zone : Ouais, pas mal.
The Hacker : Comme dirait mon ami Jeremy Irons : l'image est curieuse.
David Zone : Haha.
The Hacker : C'est une connerie que je sors tout le temps, parce que dans le troisième Die Hard, il y a un passage où Bruce Willis dit un truc à Jeremy Irons, qui joue le méchant…
David Zone : Ah oui, il a un look très EBM vénère, allemand, teint en blond, à la Front 242.
The Hacker : Voire plutôt OFF, le premier groupe de Sven Väth, Munich style.
David Zone : D'ailleurs il a un petit côté Sven Vath dans ce film.
The Hacker : Techno allemande 88/89. Genre client du club Dorian Gray à Francfort… Et donc à un moment, Bruce Willis l'insulte au téléphone, et Jeremy Irons répond : « l'image est curieuse » avec l'accent allemand.
David Zone : Ahah, typiquement la phrase de méchant.
The Hacker : Et depuis, je me suis approprié le truc.

Photo inédite du side-project Trance-EBM de Sven Vath et Jeremy Irons, qui n'a malheureusement jamais vu le jour. C'est quoi l'expression la plus 80 que vous utilisez ?
The Hacker : « Génial ce Flanby ? » Non je sais pas. J'dois en dire hein, parce que j'y étais. J'essaie de ne pas trop parler en verlan quand je viens à Paris. C'est dur.
David Zone : On le fait sans faire exprès.
The Hacker : Oui, mais c'est pour ça que je rentre vite à Grenoble. J'suis resté une semaine à Miami avec toute la bande Bromance…
David Zone : Ils disent « ouf, c'est ouf, tout est ouf, truc de ouf, c'est une soirée de ouf, c'est un beat de ouf »…
The Hacker : Il y a moment où je me suis entendu parler et je me suis dit « hola hola hola, stop ». Non, je ne me rabaisserai pas à ce niveau de vulgarité.
David Zone : C'est un mot à bannir.
The Hacker : D'ailleurs je mets un point d'honneur à chaque fois que je mange avec Herman Dune à ne parler en verlan à aucun moment.
David Zone : C'est normal, il y a un certain respect à avoir vis à vis d'Herman. Vous êtes flippés ?
David Zone : Très très 80.
The Hacker : Ah bah attends, tu veux un mec 80, tu prends Gérard Lanvin dans ses films des 80's. Il enchaîne les « kestaaaa ». C'est Martin Lamotte version rue.
David Zone : Et c'est là que tu t'aperçois que l'époque était beaucoup moins violente que maintenant. Parce qu'un mec en boîte où ailleurs qui te sort « Kesta ta ? », t'as juste envie de l'embrasser, de lui payer un verre, y'a pas de problème.
The Hacker : J'aimerais bien bannir le mot « la prod ».
David Zone : Il y a un truc que je supporte pas en ce moment, c'est « du coup ». C'est une expression que les gens utilisent quand ils sont mal à l'aise ou quand ils veulent te gratter un truc, style « bah du coup tu me mets sur la liste »
The Hacker : Haha.
David Zone : C'est tout le temps annonceur d'un truc qui va me faire chier.
The Hacker : « La prod » et « fat », j'en peux plus.
David Zone : Le pire c'est les combos, « la prod est fat de ouf ».
The Hacker : En général quand j'entends ça je quitte la pièce. Je quitte l'Europe, même.

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Richard Berry, Gérard Lanvin, deux conceptions très différentes du blouson. Haha. Et donc, vous êtes plutôt Gérard Lanvin ou Richard Berry ?
David Zone : Richard Berry, dans le film de mafia feuj, Le Grand Pardon. Avec ses 4 saisons Carrera XXL. Il est beau ! Y'a rien à dire.
The Hacker : Moi j'ai un meilleur souvenir des films de Lanvin. Y'a un film 80's extrême aussi…
David Zone : Les Frères Pétard ?
The Hacker : Bah oui. Avec Alain Pacadis dedans, pas longtemps avant qu'il meurt d'ailleurs. Et si tu regardes, t'as toute la faune de Paname de l'époque, ils sont tous dans le film, et ont tous plongé dans l'héroïne d'ailleurs, assez rapidement.
David Zone : Il n'en reste pas beaucoup. Y'a Ardisson, le survivant, je sais pas comment il fait d'ailleurs.
The Hacker : Y'en a quelques uns des comme ça, qui, peut-être, n'en ont pas fait autant qu'ils le disent. Regarde Eudeline, Daniel Darc, tous ces mecs là, à un moment donné tu payes la note.
David Zone : Donc, moi je vais dire Berry.
The Hacker : Moi j'suis plus Lanvin, pour sa tchatche. Et pour sa collection de vestes dans Tir Groupé.
David Zone : Ouais, c'était son premier job, fripier à Clignancourt. Il ramenait les Levi's, les Chevignon, Avirex… Il était réputé apparemment.
The Hacker : La légende dit que Patrick Eudeline a acheté son premier perfecto à Gérard Lanvin.
David Zone : Exact ! J'ai lu ça je sais plus où. Il vendait à Coluche, etc. C'était un des premiers mecs à vendre des jeans Levi's à l'époque, y'avait pas d'importateur, pas de magasins, et donc il habillait les branchés. Il avait des tatouages de camionneur, un vrai quoi.

Il y a une bande-son dans ce créneau-là qui vous a marqué, sans citer Bernard Lavilliers ?
The Hacker : Ah il y en a une super badante, c'est Charlélie Couture dans Tchao Pantin, mais elle est super.
David Zone : Toute en dépression.
The Hacker : La descente. « Dans les vapeurs d'esseeence… » Ce qui m'avait énervé avec ce film c'est que c'était devenu un passage obligé pour les comiques ensuite. Fallait faire son Tchao Pantin. Mais le film reste vachement bien, Anconina, Léotard en flic déglingue. Et la meuf qui est bien 80's.
David Zone : Agnès Soral ! Avec son perfecto punk.
The Hacker : Alors elle, elle est plein de « mais arrêêêteeeuuu »
David Zone : Et puis la motocross de Anconina, elle m'avait marqué.
The Hacker : Et la bande de punks avec qui elle traîne.
David Zone : Ouais, au Gibus, à République.

Oui, niveau décor urbain et zone, il se pose là.
The Hacker : Pour revenir sur Buffet Froid, la scène du début, avec Serrault et Depardieu dans le métro, désert.
David Zone : C'est beau. Non mais c'est beau de ouf !
The Hacker : Et les dialogues, avec le cran d'arrêt : « posez-le, j'le veux pas votre couteau ». J'adore. Et après il le recroise dans un couloir avec le couteau dans le ventre : « Qu'est-ce que vous faites là ? – Ben j'meurs, ça s'voit pas ? »
David Zone : Ce film est super.
The Hacker : Il y a une scène que j'adore, quand Depardieu rentre chez lui, il se met à table et il garde son manteau. Et sa femme lui dit « enlève ton manteau on dirait que t'es de passage ! » Et il lui répond : « On est tous de passage ! »
David Zone : Le manteau il joue un rôle incroyable dans le film, il ne le quitte jamais.
The Hacker : Ah Depardieu… Dewaere aussi a fait des trucs dans le style. Série Noire
David Zone : Série Noire il est vraiment trash.
The Hacker : D'ailleurs c'est un super titre « Série Noire », je devrais peut-être le réutiliser un de ces quatre. Série Noire c'est « ça va pas, et ça va aller encore moins bien ».
David Zone : La pochette du maxi de Maelström vient de Série Noire, quand il zone sur le terrain vague.
The Hacker : Il fait croire à sa femme qu'il va bosser, et en fait il zone. La scène où il met des coups de tête dans la bagnole, tout est vrai, c'est réel, c'est pas un cascadeur, c'est des vrais coups de tête… Dewaere quoi. Le nouvel album de The Hacker, Love/Kraft, est sorti le 21 avril dernier et on en avait déjà parlé avec lui ici. Rod Glacial est né bien trop tard. Chaque lundi soir, il organise un ciné-club Polar80, et le reste du temps il est sur Twitter - @FluoGlacial