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Music

Tyree Cooper vient reprendre ce qui lui appartient

Le taulier de Chicago nous explique comment l'Histoire de la house résume à elle seule le problème racial qui ronge les USA depuis des Siècles.

Tyree Cooper n’y va pas par quatre chemins pour dire ce qu'il pense. Mais en même temps, pourquoi se géner quand vous êtes une figure de la house qui a marqué l'Histore du mouvement avec des morceaux comme « Nuthin Wrong » et « Acid Over »?

Cooper a quitté Chicago au tournant du siècle dernier pour Berlin. Il est parti de la ville qui a vu naitre la house pour celle qui a adopté la techno. Il est arrivé dans la capitale allemande bien avant que fleurissent tous les nouveaux producteurs. « J’étais là avant que ça devienne un endroit cool et branché, raconte Tyree. Avant 2003, 2004, Berlin était une ville morte. Vraiment morte. Il ne s’y passait rien. Mais en 2006 les choses ont commencé à bouger. En 2008, c’était parti, c’était le Berlin qu’on connait aujourd’hui. En 2009, j’étais entre les USA et Londres et les gens ne parlaient que de Berlin. J’étais surpris que des choses sérieuses commencent à se passer là-bas. »

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Il n’y avait pas que la population qui se stratifiait et changeait chaque année. « La ville est passée de la techno hardcore avec des percussions et des basses super fortes et des tonalités house, à la techno hardcore avec des sonorités plus hip-hop, quelques percussions, quelques basses et un peu de house. Ensuite, il n’y a eu que des trucs hip-hop, pas de techno, pas de house. » Aujourd’hui, selon Cooper, c’est la house et la techno qui dominent à Berlin. On reparlera de Berlin mais pour le moment concentrons-nous sur la ville où tout a commencé : Chicago.

Une bonne partie des grands morceaux house US ont été créés par Tyree Cooper sur le label de Ray Barney,

Dance Mania

. Cooper est fier de son investissement dans le label et c’est justifié. « La musique de Dance Mania représentait la jeunesse de l’époque : la jeunesse Noire. Tout allait très vite dans les 90's. Dans le ghetto, les gamins dansaient à un rythme effréné, donc la musique devait s’accorder avec cet environnement. Des mecs comme Deeon, Milton ou Funk ont alors accéléré le rythme de leur musique, qui était en relation directe avec la danse. Quand tu combinais les deux, ça donnait un truc vraiment authentique, brut, avec une énergie hardcore à laquelle personne n’était préparé. La dance music devait bouger dans tous les sens, comme les gamins des rues. Tu pouvais trouver 200 gosses en train de s’amuser dans une cafétéria. Ça se passait comme ça et ça reflétait la culture dance. Des mecs comme Dj *Slugo, Deeon, Waxmaster* ont fait de la super, super bonne musique. Les petits étaient à fond dedans. »

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Entre les anthologies éditées par le label et les sets à répétition de Cooper et Paris Mitchell en Europe, Dance Mania vit depuis deux ans une véritable résurrection. Quand on demande à Cooper pourquoi tout le monde rejoue soudainement des morceaux de DJ Funk, il répond que « c’est une autre caractéristique de Chicago, un autre visage de cette ville qui regorge d’énergie. C’est le berceau de la house. Si tu veux de la vraie house, tu dois aller à Chicago. Quand les gens veulent écouter la house authentique de Chicago, ils savent vers qui se tourner. »

Durant les quinze dernières années, Cooper a vu la house et la techno passer de Chicago à Detroit pour ensuite être « délocalisées » à Berlin.

Pour lui, ce transfert de la musique d’une ville à une autre puis d’un pays à un autre a été quelque chose d’intéressant à étudier. Au fil de notre discussion, on se rend très vite compte que Cooper ne considère pas la house comme un simple moyen de faire danser les gens, mais comme une véritable culture, riche et profonde. Selon lui, la house est une des nombreuses preuves que le public américain à du mal à accepter la musique afro-américaine dans sa forme originale.

Cooper et ses compères de Chicago, (Marshall Jeferson, Jesse Saunders, Farley « Jackmaster » Funk) n’ont jamais pensé que la house évoluerait ainsi. « Comment aurai-je pu l'imaginer ? A cette époque, le monde se résumait à Chicago pour moi. Et puis petit à petit, des mecs venaient me voir pour me dire: ‘Yo, il y a des mecs qui passent ta musique à l’étranger.’ » Et il a malheureusement fini par se passer la même chose que pour le jazz ou le rock’n’roll : la house est devenu un style musical populaire américain. En d'autres termes, des mecs se sont approprié le style et ont revendu la musique aux blancs des quartiers.

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Pour Cooper, tout ça résume parfaitement le problème racial qui ronge les USA depuis maintenant plusieurs Siècles. « Quand ils ont remplacé le mot House par Dance dans les années 90's, les choses ont commencé à changer. A partir du moment où la musique est devenue un business, on a supprimé l’appellation ‘house music’, car ça faisait trop black. Alors ils ont appelé ça la ‘dance’. » Un tour de passe-passe qui va au-delà de la simple stratégie marketing. « C’est toujours le même problème en Amérique. Les USA ont un vrai problème avec les Noirs qui font des choses. »

Selon lui, tout ça a mené à ce que Bok Bok a désigné il y a peu sur Twitter sous le nom de « Colonisation Techno », c’est à dire que la musique a été enlevée à l'environnement qui l’avait vu naître et qui l'a influencé, pour être vendue comme quelque chose d’autre, à un public plus large. Ce qui nous amène aujourd'hui à Berlin. « Je ne vois pas Berlin comme un résultat de la 'Colonisation Techno'. Berlin est une ville où les gens célèbrent l’art et la culture sous toutes ses formes. Toutes les formes d’art trouvent leur place dans la ville, que ce soit de la house ou les claquettes. Quand la house a voyagé des US vers l’Europe c’était encore quelque chose de pur, mais quand elle a fait le chemin inverse, la musique était comme contaminée. »

« On a volé ce style de musique et les personnes qui l'ont inventée n’ont rien reçu. Et quand cette musique est revenue aux USA, ce sont les mecs qui avaient pompé notre style qui étaient crédités. C’est l’histoire de l’Amérique et de sa musique. Une fois que quelque chose est créé, on l’attribue à quelqu’un d’autre. Tout ce qui est créé par les Noirs, est attribué aux Blancs. »

Suivez Tyree sur Facebook et Josh Baines sur Twitter.