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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur « The Decline Of Western Civilization » - Troisième partie

De Black Flag à Penelope Spheeris en passant par X, Fear et les Circle Jerks, les protagonistes du meilleur documentaire punk jamais réalisé vident leur sac.

Toutes les photos ont été utilisées avec l'aimable autorisation de Shout! Factory. Existe-t-il plus essentiel et obligatoire en terme de documentaires musicaux que la série des Decline Of Western Civilization de Penelope Spheeris (plus généralement connue comme la réalisatrice de Wayne's World), consacrée aux scènes punk rock et heavy metal de Los Angeles entre le début des années 80 et la fin des années 90 ? Non, je ne crois pas. Composé de trois films, The Decline Of Western Civilization démarre en 1981 avec un premier volet devenu un classique absolu, consacré à la scène punk de L.A., alors en pleine période de transition entre une première vague arty et débridée (X, Screamers, Germs, Weirdos, Plugz) concentrée à Hollywood, autour de clubs comme le Masque, le Whisky-A-Go-Go et Madame Wong, et des groupes plus jeunes, issus des régions côtières alentours (Black Flag, Fear, Circle Jerks) à l’esprit similaire mais au public nettement plus violent.

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Un film qu'il n'était possible de voir jusqu'à présent que sur des VHS hors d'âge, des DVD bootlegs ou des rips lo-fi sur YouTube. Une ère désormais révolue, puisque Shout! Factory sortira le 30 juin prochain aux USA The Decline of Western Civilization Collection, un coffret contenant les trois documentaires de la série (qui comprend également l'hallucinant The Decline of Western Civilization Part II : The Metal Years, consacré à la scène hair-metal de L.A. et The Decline of Western Civilization III sur les punks sans-abris, dans lequel apparaissent des groupes tels que Naked Aggression et Final Conflict.)

L'objet proposera bien évidemment une quantité non-négligeable de bonus, parmi lesquels des scènes inédites avec Black Flag, les Germs et Fear, ainsi que des captations live non utilisées dans le film, comme celles des Gears. Et ce sont juste là les deux premières lignes du menu. En fait, il y en a tellement que je pourrais passer un article entier à les détailler.

Surexcité par la sortie de ce coffret, j'ai décidé d'aller discuter avec les groupes et artistes présents dans le premier documentaire pour en retracer l'histoire, de la naissance du projet à sa sortie en salles très mouvementée. Dans cette troisème et dernière partie d'entretiens, nous nous sommes intéressés à ce qu'il se passe quand des gamins désaxés de Huntington Beach viennent semer le chaos et le désordre dans la scène punk d'Hollywood.

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Penelope Spheeris (réalisatrice des trois volets de The Decline of Western Civilization) : Le premier Decline a été le théâtre d'un vértitable conflit de générations.

Keith Morris (chanteur de Black Flag et des Circle Jerks) : Black Flag et les Circle Jerks venaient de la South Bay, 25 miles au sud de Los Angeles. Notre environnement était peuplé de surfeurs, de skaters, de types qui faisaient du deltaplane ; c'étaient les mecs qui allaient devenir les futurs champions de BMX, de skateboard et de snowboard des années 80 et 90. Tony Alva et les gamins de Huntington Beach, Hermosa Beach et Redondo Beach, ce sont eux qui ont inventé le stagediving et le slam dancing. C'était ça notre truc et ça n'a pas vraiment plu aux gens de la scène d'Hollywood.

Penelope Spheeris : La raison initiale pour laquelle je voulais faire ce documentaire, c'est parce que je voulais voir du slam dancing et que je me suis dit que ce serait génial à filmer. Juste ça.

Nicole Panter (manager des Germs) : Pour moi, le hardcore a détruit tout ce qu'il y avait de fun dans la scène punk de Los Angeles – ça a détruit l'humour très Famille Addams qu'il y avait ici et qui nous distinguait des punks de New Tork, Londres ou San Francisco. Ça avait permis à tellement de filles de s'affirmer et de s'investir dans le truc. La première génération punk de L.A. était un matriarcat bourré d'humour. Mais ça a disparu avec le hardcore. Les gamins du hardcore n'avaient aucun sens de l'humour.

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Eugene Tatu (un des gamins des scènes d'interviews éclairées à l'ampoule de The Decline of Western Civilization) : Tout d'abord, je suis né à Hollywood. Et beaucoup, si ce n'est la majorité des gens qui fréquentaient le Masque, le club emblématique de la première vague punk de L.A., venaient de la banlieue ou de petites villes voisines. Je connaissais pas mal d'habitués du Masque vu que j'y allais régulièrement quand j'avais 13-14 ans. Mais mon vrai crew, c'était les gars de Huntington Beach. Les gens du Masque étaient juste jaloux parce qu'on était jeunes et très énergiques, qu'on n'était pas des junkies blasés à la New Yorkaise, comme certains d'entre eux. Il y avait une mauviette qui écrivait pour le LA Weekly qui nous détestait et qui racontait tout un tas de salades sur Huntington Beach et Orange County, qui sont d'ailleurs toujours reprises par les journalistes aujourd'hui.

John Doe (bassiste-chanteur de X) : Au moment où le film a été mis en boîte, entre 1979 et 1980, la scène avait complètement changé. Elle attirait un nouveau public. Et ce public cherchait les ennuis. Mais ce n'est pas comme si les Circle Jerks ou Black Flag pouvaient décider de qui pouvait venir à leurs concerts.

Eugene Tatu : Les seuls ennuis auxquels on était confrontés, c'était ces mecs à cheveux longs qui nous coursaient avec des battes de baseball. Nous, on ne leur demandait rien. Mais à partir du moment où ils se pointaient, il fallait se défendre. Et je peux te dire qu'ils perdaient à chaque fois.

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John Doe : Eugene était un brave gosse en réalité, mais il pouvait se montrer très bizarre, très sombre.

Lisa Fancher (fondatrice du label Frontier Records) : Quand ces gamins de Huntington Beach sont apparus, j'ai vu pour la première fois de ma vie un type se faire courser par une foule entière. Un seul type à cheveux longs qui tentait d'échapper à une centaine de skinheads déchaînés.

Penelope Spheeris : Je pense que c'est dû à la trop forte production d'hormones chez les jeunes hommes. A 18 ans, tu passes ton temps à baiser où à te battre à cause de ça. Dans le film, les interviews éclairées à l'ampoule avaient pour but de permettre aux fans, aux membres du public, de s'exprimer. On allait aux concerts, on observait les gens et quand on en repèrait un d'intéressant, on allait lui parler. Eugene a beaucoup hésité. Mais je le relançais sans arrêt et au final je suis contente qu'il ait accepté parce que c'est un personnage incroyable.

Eugene Tatu : Je ne voulais pas le faire, mais des gens comme Darby, Pat Smear et Malissa, la copine de Darby, ont insisté. Quand le film est sorti, les gens m'arrêtaient dans la rue pour me demander des autographes et j'avais des gamines ultra-chaudes qui m'attendaient dans mon lit le soir quand je rentrais chez moi.

Lisa Fancher : Michael X-Head [un autre des gamins interviewé sous l'ampoule dans le film] était clairement un des gamins les plus violents de cette nouvelle scène.

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John Doe : Mike X-Head était un putain de psychopathe qui s'était fait virer de l'armée. Je me souviens l'avoir vu faire tourner une chaîne de 3 mètres de long au-dessus de sa tête pendant un concert, en plein milieu de la fosse. C'était un authentique sociopathe, un gamin complètement baisé. Oui, on pouvait voir des gens faire tourner des chaînes au-dessus de leur tête dans un club bondé. Mais là, je te parle juste d'un type et d'une soirée. Imagine le reste du temps. J'imagine qu'il a été interviewé pour ajouter des scènes-choc au film. Peut-être que c'était le but du documentaire, d'ailleurs. Offrir au spectateur des frissons à peu de frais et de la controverse.

Keith Morris : Si tu vas voir Garth Brooks à un festival country, tu verras sûrement un ou deux cowboys bourrés faire des trucs débiles. Il y a des cons partout. Il n'y avait qu'une petite poignée de gars comme Mike X-Head dans la scène. Le type que tu vois dans le film avec le T-shirt croix gammée qui dit qu'il 'déteste les flics à fond', c'est juste de la pose. Je ne pense pas que Penelope ait essayé de faire un documentaire racoleur ou sensationnaliste. Elle voulait juste montrer la face cachée du truc, les parties les plus sombres.

John Doe : Je comprends les motivations de Penelope, mais c'est difficile pour moi de dire quelque chose de positif sur un film qui présente notre scène de manière si négative. Même si les choses changeaient, il se passait des tonnes de trucs géniaux à l'époque. C'est rare de trouver autant de liberté et de créativité concentrées en un seul endroit. Mais Penelope a choisi de montrer l'aspect le plus sombre et nihiliste du truc. Après, peut être que les deux ou trois trucs positifs qu'on voit dans le film ont inspiré des gens à faire des trucs cool. J'en sais rien.

Alice Bag : Après toutes ces années, j'ai fini par accepter ce film tel qu'il est. Le titre, c'est The Decline of Western Civilization, pas The Golden Age of the Hollywood Punk Scene. Il présente la vision d'un réalisateur, pas la réalité. Comme n'importe quel autre film. La première fois où je l'ai vu, je ne l'ai pas vraiment aimé. A vrai dire, je suis même parti pendant la projection de l'avant-première parce que je n'en pouvais plus de regarder ça. Mais aujourd'hui, je reconnais qu'il a pas mal de qualités. C'est un film qui a fait découvrir cette scène à un tas de gens, qui a donné lieu à beaucoup d'études et de recherches dans le domaine. L'idée que je me faisais de Penelope a beaucoup changé avec les années, elle aussi. Aujourd'hui, je trouve ce qu'elle a fait très courageux. Elle a tenu tête à un tas de gens pour faire le film qu'elle voulait faire.

The Decline of Western Civilization Collection sortira le 30 juin aux USA. Vous pouvez pré-commander le coffret en DVD ou Blu-Ray via Shout! Factory.