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Ces groupes allemands qui auraient pu être sur la B.O. de « Deutschland 83 »

On l'oublie souvent mais nos voisins ont eu une scène punk et post-punk aussi riche que passionnante.

Lorsqu'on pense punk ou post-punk, toutes périodes confondues, on pense avant tout à l'Angleterre et aux États-Unis, éventuellement à l'Australie, voire à la France ou à la Scandinavie mais finalement assez peu à l’Allemagne. Franchement, quels sont les groupes allemands formés entre 1977 et 1985 que vous pouvez citer, là, sans réfléchir ? Einstürzende Neubauten, les Spermbirds, à la limite Die Toten Hosen ou Die Ärzte, et éventuellement Sandow, à qui l'on doit « Born In The GDR », l'hymne de la chute du mur. Ce serait pourtant vite oublier que c'est le pays qui a donné naissance aux Monks, legendaire groupe proto-punk formé en 1963 par des G.I.s américains basés à Gelnhausen, dans la vallée du Kinzig. Ce serait vite oublier aussi que c'est à Hambourg qu'a vu le jour Big Balls And The Great White Idiot, pendant germanique des Sex Pistols mené par un chanteur nommé Baron Adolf. Ce serait également oublier Male à Düsseldorf, premier groupe punk à avoir chanté en allemand, à qui l'on doit les géniaux « Polizei » et « Zensur Und Zensur » et dont une partie des membres formera par la suite les célèbres Die Krupps. Ce serait oublier enfin les centaines de groupes auxquels ces trois-là ont ouvert la voie à partir de 1977, de PVC à Nina Hagen en passant par Hans-A-Plast, Abwärts ou Mekanïk Destruktïw Kommandöh. Autant de groupes qu'on aurait pu trouver sur la B.O. de Deutschland 83, série produite par RTL Television, qui revient sur la crise des euromissiles du point de vue de l'Allemagne de l'Est et qui est diffusée depuis cette semaine sur Canal +. Pas de bol : si Deutschland 83 s'en sort plus qu'admirablement côté scénario, sa bande-son tape exclusivement dans les hits internationaux du début 80 (« Sweet Dreams » de Eurythmics, « China Girl » de David Bowie, « Hungry Like The Wolf » de Duran Duran, « In The Air Tonight » de Phil Collins). On a donc composé une B.O. alternative de la série en revenant sur 15 formations phares du punk et du post-punk allemand, entre 1977 et 1983.

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PVC - « BERLIN BY NIGHT »(1982)

En 1977, la scène punk de Berlin se divise grossièrement en deux clans. Le premier est celui de la scène de Schöneberg, quartier bourgeois du sud-ouest de la ville où évoluent des groupes au son assez conventionnel, débordant largement sur le pub-rock et la power-pop, et dont le chef de file était sans conteste PVC, auteur de « Berlin By Night » qui, retrospectivement, peut paraître assez inoffensif, mais qui reste considéré aujourd'hui encore comme un des morceaux les plus emblématiques du punk allemand.

KATAPULT - « ANGST »(1979)

Le second clan de la scène berlinoise, c'est celui de Kreuzberg, quartier pauvre de la ville alors séparé en deux (une partie se situe à l'Ouest, l'autre à l'Est), aux groupes nettement plus radicaux, dans leur musique comme dans leurs paroles et leurs prises de position (la plupart boycottaient de façon agressive le SO36, club mythique de Berlin, qu'ils considéraient trop bourgeois). Même s'il n'a sorti aucun disque (sa discographie officielle se résume à une poignée de morceaux live dispersés sur plusieurs compilations), Katapult reste une des grandes figures de la scène anarcho-punk de Kreuzberg, notamment grâce au furieux

« Angst », titre aux paroles assez caricaturales (le groupe y parle d'aller braquer une banque pour pouvoir donner de l'argent à un ami incarcéré en prison) mais balancées avec une absence totale d'ironie.

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NINA HAGEN BAND - « AFRICAN REGGAE »(1979)

Ni Schöneberg, ni Kreuzberg, ni même vraiment punk, Nina Hagen est un cas à part dans la scène berlinoise de 1977. Habitante de l'Est partie à l'Ouest, elle débutera son parcours musical dans le

schlager

(spécialité locale de pop aussi tapageuse que sirupeuse) avant de s'acoquiner avec les membres de Lokomotive Kreuzberg, groupe de rock progressif en activité depuis le début des années 70, pour former le Nina Hagen Band. Un groupe résolument à part, mais sans aucun lien direct avec les scènes punk locales, renvoyant aussi bien à Blondie ou Siouxsie & The Banshees qu'au glam-rock-à-papa de Queen, Elton John ou David Bowie. Pour le coup, c'est davantage chez

Grace Jones et les Slits que le groupe ira piocher pour « African Reggae », tyrolienne d'outre-espace qui ouvre Unbehagen, le deuxième et dernier album du groupe paru en 79 et servira quelques années plus tard de bande-son à L'Année des méduses, nanar baléarique de Christopher Frank.

BETON COMBO - « BERICHT AUS BONN » (1981)

Retour à Kreuzberg avec un des groupes les plus célèbres et emblématiques de cette scène, Beton Combo, dont le chanteur Heske était également connu pour s'occuper du KZ 36, club punk monté en réaction au SO 36. Un groupe qui a marqué pour sa musique, inspirée à la fois du post-punk anglais et du hardcore américain, mais aussi et surtout pour son parcours à la Fugazi, à la fois très professionnel et complètement DIY.

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PACK - « NOBODY CAN TELL US » (1978)

On quitte Berlin, direction Munich avec une des plus grosses références du punk allemand - et une des plus controversées aussi. Formé et mené par Jörg Evers (ex-membre du groupe kraut/prog Amon Düül II), Pack se présentait ouvertement comme le

premier véritable groupe punk du pays alors que beaucoup ne voyaient en eux que trois

hippies essayant de prendre le train en marche, voire un groupe-gag monté de toutes pièces comme l'avaient été avant eux les Strassenjungs de Francfort. 38 ans après sa sortie, l'unique album de Pack est considéré comme un classique et Jörg Evers est devenu le président de la GEMA, la Toute-Puissante SACEM Allemande. Tirez-en les conclusions que vous voudrez.

THE BUTTOCKS - « BGS » (1979)

Retour dans le nord, à Hambourg, où offficiaient les Buttocks, prototype de groupe punk quasi-parfait : à peine 5 ans d'existence et une discographie se résumant à 2 EPs bourrés de tubes ultra-rapides n'ayant rien à envier

au légendaire Out Of Vogue de Middle Class

ou au premier 45-tours des Bad Brains.

ABWÄRTS - « COMPUTERSTAAT » (1980)

Hambourg toujours, avec un des plus vieux groupes encore en activité, Abwärts, véritable institution post-punk qui a signé pas moins de 11 albums depuis sa formation en 1979. Si le leader du groupe reste son chanteur Frank Z, Abwärts a vu, en 37 ans, passer plusieurs dizaines de musiciens

dans ses rangs, parmi lesquels FM Enheit de Einstürzende Neubauten. Paru en 1980 « Computerstaat » est le morceau le plus célèbre du groupe et un des plus gros tubes underground allemands.

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RAZZIA - « NACHT IM GHETTO » (1983)

On reste à Hambourg, avec un groupe qui, comme Abwärts, tient la rampe depuis 1979, dans un style un peu plus traditionnel mais nettement plus sombre que la moyenne et particulièrement radical au niveau des paroles. Pas franchement intéressé par la gloriole, Razzia attendra cinq ans avant de sortir son premier album, l'excellent

Tag Ohne Schatten

qui, de tous les classiques présentés ici, est indubitablement un de ceux qui a le mieux vieilli.

HANS-A-PLAST - « KURZ & DRECKIG » (1980)

Autre grosse référence : Hans-A-Plast à Hannovre, groupe plus tout à fait punk mais pas vraiment inscrit dans la

Neue Deutsche Welle

, mené par la chanteuse Anette Benjamin-Hadrell, et dont le premier album paru en 1979 connut un tel succès qu'il attisera la convoitise de nombreuses majors. Hans-A Plast refusera toutefois les offres, préférant monter son propre label (No Fun), sur lequel sortiront leurs deux disques suivants,

et

Ausradiert

.

HASS - « BETON MUSS HER »(1981)

Plus à l'Ouest, à Marl, on tombe sur le punk ultra-minimaliste de Hass, qui s'imposera sur la scène nationale grâce à des paroles ultra-politisées et un premier album particulièrement abrasif (

…Allein Genügt Nicht Mehr

). Le groupe sera renié par une grande partie de son public suite à sa signature sur une major en 1982, même si c'est durant cette période dite plus commerciale qu'il composera son titre le plus connu, l'hymne anti-fasciste

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« Lasst Die Glatzen Platzen » (« Laissez les skinheads exploser »).

EA80 - « KORN » (1983)

C'est encore plus à l'Ouest, à Mönchengladbach, quasiment à la frontière avec les Pays-Bas, que se sont formés EA80, autre institution nationale, en activité depuis 1980. A noter toutefois que ses derniers disques n'ont rien à envier au classique

Vorsicht Schreie

(dont est extrait

« Korn » présenté ci-dessus),

son post-punk tout en haine rentrée n'ayant pas bougé d'un iota en plus de 30 ans, comme a pu le prouver le bien-nommé

Definitiv : Nein !

sorti en 2011.

MITTAGSPAUSE - « HERRENREITER » (1979)

On s'arrête un moment à Düsseldorf, tout d'abord avec Mittagspause, une des formations les plus originales et influentes de toute la scène allemande, malgré sa très courte durée de vie - deux ans à peine. Ils laisseront une poignée de titres ultra-courts (le plus souvent en-dessous de 50 secondes) renvoyant aussi bien à Wire qu'aux premiers Killing Joke - à l'image de leur premier single « Herrenreiter » .

DER KFC - « WIE LANGE NOCH ? » (1980)

Düsseldorf encore, avec Der KFC

(pour

«

KriminalitätsFör

derungsClub

»

,

«

association de promotion du crime

»

)

. Là encore, un groupe emblématique de la scène post-punk allemande, malgré sa maigre discographie - deux albums à peine. En un peu moins de 5 ans d'existence, Der KFC a toutefois réussi à se faire amplement remarquer, aussi bien grâce à ses morceaux terriblement intenses qu'aux multiples controverses qu'ils provoqueront (le détournement d'une affiche de propagande Nazie sur la pochette de leur premier single

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Kriminal Pogo

et surtout les nombreuses bastons et émeutes déclanchées par les membres du groupe

à leurs concerts

).

MDK - « BERLIN » (1983)

Retour à Berlin, enfin, avec Mekanïk Destruktïw Kommandöh (oui, comme l'album de Magma du même nom), groupe dans lequel évoluait Alexander Hacke (futur Einstürzende Neubauten) et dont le post-punk épileptique marquera durablement les esprits. Durée de vie plutôt courte, une fois de plus, mais une poignée de EPs et pas moins de 3 albums live suffiront à en faire un des groupes les plus présents et prolifiques de la scène post-punk de la capitale, dont ils écriront un des hymnes définitifs - tout naturellement intitulé « Berlin ».

EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN - « ABFACKELN ! » (1983)

On s'éloigne du post-punk pour des contrées nettement plus expérimentales mais il n'était pas envisageable de terminer cette sélection sans citer Einstürzende Neubauten, dans lequel se retrouveront plusieurs membres des groupes cités plus haut, réunis autour du leader maximo Blixa Bargeld pour former un des

groupes phares de la scène industrielle internationale et, plus globalement, un des plus grands groupes de tous les temps. Mais ça, normalement, vous le savez déjà, non ?

Cet article vous est présenté par Canal + dans le cadre de la diffusion de la série Deutschland 83 tous les lundis à 20h50. Rendez-vous sur le site pour en savoir plus.

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