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Music

De la provocation à la méditation : l'impossible retour de Pitboss 2000

Comment John « Lockjaw » Tole est passé du chanteur le plus détesté du hardcore à un comique sympa.

Dans les années 90, John Tole (que la plupart connaissent sous son pseudonyme John Lockjaw) a été membre du groupe hardcore hautement controversé One Life Crew, avant qu'il ne quitte Cleveland pour Colombus, Ohio, afin de former son propre projet, Pitboss 2000, un véhicule blindé tout en mosh parts et en riffs assassins chargé de mitrailler son humour hyper borderline sur toute la scène hardcore de l'époque. Lockjaw s'en prenait délibérement et gratuitement à des groupes comme Earth Crisis ou Integrity, se moquait des handicapés ou de la violence conjugale et inventait un tout nouveau vocabulaire pour l'époque, comme on l'évoquait ici.

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Tole lui-même serait le premier à reconnaître que malgré des compos imparables, des albums comme Everyone’s A Winner ou Told Her Twice —sortis en 1998 et 2002—ne pourraient plus sortir aujourd'hui. Et d'ailleurs, il ne voudrait même plus les sortir. Parce que quelque chose d'innattendu s'est produit dans la vie de John. Il a vu la lumière. Au début des années 2000, Tole a déménagé à Austin, puis sur la Côte Ouest, à San Diego, où il a monté un autre groupe, PC Death Squad. Comme son nom l'indique, PCDS reprenait le flambeau là où Pitboss l'avait laissé, mais en remplaçant la haine par le fun, à base de thraschore à bandana et d'ôdes anti-Metallica. John n'avait plus envie de se prendre la tête avec les vicissitudes de la scène mais juste de faire la teuf et de slammer sur ses potes. C'est à cette période qu'il est passé comique à plein temps, a organisé des tournées de stand-up dans tout le pays et a commencé à passer à la radio et à la télé. Bref, ne vous attendez pas à ce que The Cult Of Fuck Yeah, le nouvel album de Pitboss tout juste reformé, tire à boulets rouges sur Hilary Clinton ou les Hare Krishnas.

Pitboss 2015.

En fait, le premier album du groupe depuis 8 ans semble avoir tout misé sur la prod et la positivité. C'est un disque qui n'enfonce personne (comme Tole le dit dans l'interview) et qui se résume plutôt à une longue célébration de la bro-life à travers des chansons aussi engagées que « Stagedive Off the Roof. » On a discuté avec John depuis Los Angeles à propos de la manière dont il a transcendé sa haine en amour, des effets des substances hallucinogènes et du temps où il partait en croisade contre les armées du politiquement correct.

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Noisey : Niveau lyrics, ce nouvel album a l'air bien plus positif que tout ce que Pitboss a sorti jusqu'à maintenant.
John Tole : Je ne suis définitivement plus la même personne que j'étais en 98. Aujourd'hui, je passe la majorité de mes journées à prier, méditer et à faire de l'exercice, pour contrebalancer le fait que je bosse la nuit. Je passe mon temps à taffer mes sketchs ou à écrire de la musique. La positive attitude te donne envie de faire de la musique, et la musique te donne la positive attitude, une fois que tu as compris comment ça fonctionnait, tu t'amuses de tout. Je réalise que j'ai pris beaucoup de décisions débiles par le passé et écrit des paroles vraiment limite. En réécoutant des vieux trucs, ma connerie me fait parfois frissonner. [Rires] Ce nouvel album était vraiment simple à écrire parce que l'idée générale de The Cult Of Fuck Yeah est de vivre sa vie en prenant tout du bon côté, « ok, voilà ce qui se passe, je l'accepte, maintenant allons nous amuser ». C'est quand tu as assimilé ça que ta vie peut évoluer.

Il y a eut un tournant à ce revirement idéologique ?
C'est un mélange d'expériences hallucinogènes, de philosophie et de foi. Toutes ces choses mises ensemble m'ont lentement révélé que le changement était clairement possible et qu'une fois que tu y consacres à fond, ça t'ouvre plein de portes - et d'un point de vue créatif, ça a été de la tuerie. Tu peux passer ta vie à être vénère contre tout, mais quel est l'intérêt ? Il y a déjà des paquets de gens qui le font. On a déjà une culture qui est basée sur la haine et sur le fait que le monde ne va nulle part alors vaut mieux célébrer les frères qu'il te reste et les gens qui t'entourent ; ta famille est la chose la plus importante.

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Ton sens de l'humour était ultra présent sur les premiers diques de Pitboss ou sur l'album American Justice de One Life Crew, même s'il était réservé à un public d'initiés et délibérément provocant. C'est ton passé dans le hardcore qui t'a poussé à devenir comique ?
Je crois que l'envie de continuer à performer, au-delà de la musique en elle-même, est ce qui m'a poussé à finalement monter seul sur scène. Avoir un groupe derrière toi et dire de la merde à ton public, c'est une chose - et ce n'est pas bien différent du stand-up - mais maintenant, j'e n'ai plus personne sur qui gueuler si ce que je fais est foireux. [Rires] Je suis à l'aise sur une scène, j'affûte ma technique pour devenir un meilleur auteur et un meilleur orateur. J'ai le sentiment que chaque étape de ce processus m'a amené là où j'en suis aujourd'hui, c'est à dire pouvoir tourner à la fois avec un groupe et avec mes spectacles. On ne sait pas combien de temps il nous reste sur cette planète et avec ce temps imparti, je veux jouer le plus de musique possible, traîner et faire la fête avec mes potes autant que je peux. Si je peux faire tout ça en continuant ma carrière, je ne demande pas grand-chose de plus.

Tu as formé un groupe appelé PC Death Squad quand tu as déménagé en Californie, des années avant que le politiquement correct fasse main basse sur le monde de la comédie. C'est un truc contre lequel tu te bats toujours ?
Je n'ai plus ces pensées ou ces idées dans la tête désormais ; je n'envoie rien de négatif aux gens donc je n'ai pas de retours négatifs. Personne ne s'est plaint des trucs que je fais depuis un moment, j'ai de la chance, je n'ai jamais été pris à parti par des cyber warriors de Twitter, ce qui est plutôt une bonne chose, tu vois ? [Rires] Pour moi, si tu vis dans une société libre et que tu te sens outragée par les mots d'un individu, c'est ton choix d'être outragé, mais ça s'arrête là. On est juste des humains. On est tous là pour la même chose, après chacun a sa façon de faire. Moi je préfère faire la teuf avec mes potes.

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Dire que quand on s'est connu, on portait des baggys JNCO et des polos Tommy Hilfiger…
Si tu m'avais dit en 98, qu'en 2015, je serais en train d'écrire des trucs qui sonnent comme s'ils sortaient du crâne plein de chanvre d'un hippie à collier, je me serais sûrement foutu de ta gueule ! Maintenant que j'ai digéré cette nouvelle vision du monde, j'y crois à fond. Je crois que tout art vient du centre du coeur et c'est ce qui nous relie tous, donc maintenant j'écris de la musique, des paroles et des sketchs avec ça en tête. Même mes parents kiffent. C'est plutôt marrant.

Ça fait quoi de replonger dans les morceaux les plus abusés de Pitboss 2000 aujourd'hui ?
D'une certaine façon, les personnes à qui on filait des boutons à l'époque existent toujours aujourd'hui. Ca ne m'intéresse juste plus de chercher la merde à tout le monde. Je pense que, peu importe que tu fasses de la musique, du stand-up ou quoique ce soit, on ne devrait pas enfoncer les gens. Si quelqu'un se retrouve dans une situation où ses capacités physiques sont limitées, on devrait faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l'aider et ne pas le défoncer. [Rires] Dans les années 90, la culture PC était tellement énorme qu'on se disait, « Allez vous faire enculer, on dira tout ce qu'on voudra et qui pourra nous emmerder ? » Avec le recul, je me dis, « attendez, on a vraiment une responsabilité ici. »

C'est une façon plus gratifiante de mener sa vie.
Si t'es straight edge et que tu accèdes à une réalité tridimensionelle sans aucune substance et que c'est ce qui te permet de vivre ta vie d'une manière saine et positive, c'est bien pour toi. La plupart des trucs que je faisais dans les 90's était drivés par mon égo et quand tu vis des expériences hallucinogènes aussi profondes, ça se traduit dans ta vie de tous les jours. Que tu marches sur une plage ou que tu rides sur ta moto ou que tu parles à un pote, c'est magique, donc pourquoi ne pas tout considérer avec la même dose d'émerveillement et d'amour ? Que je sois bloqué dans la circulation, en train de répondre à cet interview ou écrire des lyrics, je vis désormais tout avec la même intensité. Allez jeter un oeil au site de John. Jonah Bayer est sur Twitter - @mynameisjonah