(Mon) Dieu est mort – avec les gens qui ont renoncé à la religion

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Société

(Mon) Dieu est mort – avec les gens qui ont renoncé à la religion

On a rencontré une ancienne Témoin de Jéhovah, un ancien juif et une ancienne musulmane pour comprendre ce qui les avait poussés à dire adieu à leur foi et à leur communauté.

Lorsque vous dites adieu à votre foi, vous ne rejetez pas simplement un Dieu supposément tout-puissant. Vous tournez également le dos à vos proches, à vos amis, à votre foyer, à votre style de vie – et donc à votre identité. Ça ressemble plus ou moins à une rupture, sauf qu'il s'agit d'une rupture qui se produit en vous-même, rupture qui est susceptible de vous déchirer et de donner naissance à un être profondément bouleversé.

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En France, s'il est difficile de déterminer le nombre d'individus rejetant leur religion pour en embrasser une autre, ou aucune, on peut tout de même rappeler que notre pays est l'un des plus « athéistes » au monde, comme l'expliquait Le Monde en 2015. Avec 40 % des Français qui se considèrent comme athées et un tiers qui croient en « un esprit ou une force supérieure », l'Hexagone arrive à la quatrième place des pays les moins croyants, juste derrière la Chine, le Japon et la République tchèque – parmi une cinquantaine de pays interrogés à l'occasion d'une étude établie par Gallup.

Pour en savoir un peu plus sur ce qui peut pousser quelqu'un à dire adieu à une clé de compréhension de monde aussi vaste, j'ai rencontré trois anciens croyants.

Image tirée d'une publication des Témoins de Jéhovah, « The Watchtower ». Via Wiki Commons

Trishy, 48 ans
Ancienne Témoin de Jéhovah

Ma mère était bloquée chez elle pour élever ses cinq enfants lorsqu'un Témoin de Jéhovah a frappé à sa porte et l'a convaincue de le rejoindre. Le groupe s'attaque aux plus faibles et aux plus isolés, vous savez. Ma mère nous emmenait trois fois par semaine dans une salle du Royaume, et mon père la battait pour ça. Vous n'oubliez jamais ce genre de chose.

J'ai grandi en étant persuadée que l'Apocalypse allait « nettoyer » la Terre, permettant aux élus – nous, les Témoins – d'accéder au Paradis. J'étais convaincue que les gens qui ne faisaient pas partie de cette secte n'étaient pas assez bien pour moi. Je passais mes week-ends à frapper à des portes et je ne sortais avec un garçon qu'en ayant l'intention de me marier. Aujourd'hui, quand je regarde les photos prises lors de ma nuit de noces, j'ai l'impression que j'avais 12 ans à l'époque. C'est tellement triste. Au fond de moi, je savais que je n'étais pas une dévote. Je suis restée par attachement à ma famille. Au bout d'un moment, les questions que je me posais sont devenues plus qu'envahissantes. J'étais à deux doigts de tomber dans l'apostasie.

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Au final, j'ai voulu que mes enfants mènent une vie normale. À l'âge de 38 ans, j'ai dit à mon mari d'alors que je voulais changer de vie. Lui aussi semblait avoir perdu la foi. Nous n'en pouvions plus de mentir constamment, et nous avons quitté les Témoins ensemble. Ma famille m'a complètement rejetée, tout comme mes amis de 20 ans.

Après cela, j'ai commencé à fréquenter des bars, et même des boîtes de nuit ! Je n'avais jamais fait cela, et je me sentais incroyablement libre. Je ne voulais surtout pas mourir pleine de regrets. J'étais tel un enfant dans un magasin de bonbons. La communauté gay m'a accueillie à bras ouverts. Je portais des vêtements excentriques, je me suis fait refaire les sens, et je suis devenue organisatrice de soirées.

Lors de ces soirées, tout le monde s'abandonne, se laisse aller. J'imagine que c'est ça qui m'a plu là-dedans. Aujourd'hui, je suis ouverte à tout. Bien sûr, certaines personnes me regardent encore de travers, mais je m'en fiche. Mon but est de réunir les gens.

Moïse brisant les Tables de la Loi. Tableau de Rembrandt, 1659. Musée Gemäldegalerie, Berlin, Allemagne

Adam, 26 ans
Ancien juif

Alors que mes grands-parents, survivants de l'Holocauste, s'étaient peu à peu éloignés de la religion, mes parents avaient fait le chemin inverse. J'ai donc grandi au sein d'une communauté très pieuse, et du vendredi soir au samedi soir je vivais sans électricité ni argent. J'avais toujours ma kippa sur la tête à l'école et je portais des tephillin autour des bras en rentrant des cours. À l'école, les filles n'étaient pas dans les mêmes classes. Nous ne partagions même pas les mêmes aires de jeu – ce qui a eu pour conséquence de foutre en l'air pas mal de mes relations ultérieures avec les femmes.

J'ai vraiment détesté cette époque – tout comme la religion dans son ensemble, d'ailleurs. Dans la Bible, Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils, et je me suis toujours demandé si mon père aurait été capable d'une telle décision – sachant qu'une intervention divine n'est pas vraiment probable dans le monde réel.

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Je me suis mis à avoir de forts doutes au sujet de ma foi à l'âge de 16 ans. C'est au cours de cette année-là que j'ai revendiqué mon athéisme. C'est là que je me suis mis à faire la fête, à bouffer ce que je voulais, et à traîner avec des filles. Ça a été très difficile de dissimuler ce nouveau mode de type auprès de mes proches. Je conservais toujours une kippa dans ma poche, au cas où. Un jour, ma famille a compris ce que je traversais, et ça a provoqué pas mal d'embrouilles – mais pas autant que mon addiction à la drogue.

Aujourd'hui, j'ai 26 ans et je ne me sens pas véritablement épanoui. Je possède et consomme tout ce que je désire : des livres, une TV, un ordinateur, des clopes, du porno, etc. Mais rien ne me satisfait vraiment. En fait, l'athéisme n'est pas vraiment bénéfique pour l'être humain, car il ne croit plus en rien. J'aurais été plus heureux de savoir que tout a un sens dans ce monde, qu'une justice divine existe.

Ce qui m'a toujours plu avec le judaïsme, c'est le fait que même les croyants les plus fortunés vivent souvent dans des maisons simples. De nombreux Juifs refusent d'étaler leur richesse, ce qui contraste avec la société moderne, qui passe son temps à s'intéresser au superficiel, au clinquant : des belles voitures, des belles montres, des beaux culs.

Plafond de la mosquée du Cheikh Lotfallah, à Ispahan, en Iran

Shirin, 21 ans
Ancienne musulmane

Je pense avoir toujours été religieuse pour faire plaisir à mon père, mais pas à Dieu. J'ai toujours cru être la fille parfaite. J'ai grandi en me disant que je ne manquais jamais mes cinq prières quotidiennes. Je me considérais comme plus pure que les autres – même mes sœurs. Un jour, j'ai raté une prière et tout a changé. Je me suis dit : si une prière manquée me pousse en Enfer, ça ne sert à rien que je perde mon temps.

C'est à partir de ce moment-là que j'ai cherché sur Internet des trucs comme : « Dieu existe-t-Il ? » J'ai tout appris sur la théorie de l'évolution. J'ai compris que la religion n'était rien d'autre qu'un téléphone arabe étalé sur des siècles et des siècles. L'islam est devenu absurde à mes yeux. À 19 ans, j'ai assumé mon athéisme. Je l'ai dit à mes amis, mais jamais à ma famille. Les parents musulmans considèrent souvent qu'il s'agit de leur échec lorsque leur progéniture ne partage pas les mêmes croyances.

Mon père est mort il y a peu. Tout le processus lié à sa mise en bière a été extrêmement difficile à vivre. La toilette funéraire, les chants, cuisiner pour des inconnus… Tout cela était extrêmement étrange.

Je n'ai rien contre les religions, je tiens à le préciser. Les gens veulent toujours débattre à ce sujet-là. Ils sont incapables de le laisser de côté. Ils en ont besoin et sont persuadés que de grandes choses les attendent car ils croient en Dieu. Ils sont avant tout à la recherche d'un espoir qui n'existe pas dans leur vie.

De mon côté, je m'attache à des choses concrètes. C'est comme cela que je me sens en sécurité.

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