Lorsque vous dites adieu à votre foi, vous ne rejetez pas simplement un Dieu supposément tout-puissant. Vous tournez également le dos à vos proches, à vos amis, à votre foyer, à votre style de vie – et donc à votre identité. Ça ressemble plus ou moins à une rupture, sauf qu'il s'agit d'une rupture qui se produit en vous-même, rupture qui est susceptible de vous déchirer et de donner naissance à un être profondément bouleversé.
En France, s'il est difficile de déterminer le nombre d'individus rejetant leur religion pour en embrasser une autre, ou aucune, on peut tout de même rappeler que notre pays est l'un des plus « athéistes » au monde, comme l'expliquait Le Monde en 2015. Avec 40 % des Français qui se considèrent comme athées et un tiers qui croient en « un esprit ou une force supérieure », l'Hexagone arrive à la quatrième place des pays les moins croyants, juste derrière la Chine, le Japon et la République tchèque – parmi une cinquantaine de pays interrogés à l'occasion d'une étude établie par Gallup.Pour en savoir un peu plus sur ce qui peut pousser quelqu'un à dire adieu à une clé de compréhension de monde aussi vaste, j'ai rencontré trois anciens croyants.
Image tirée d'une publication des Témoins de Jéhovah, « The Watchtower ». Via Wiki Commons
Trishy, 48 ans
Ancienne Témoin de Jéhovah
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Au final, j'ai voulu que mes enfants mènent une vie normale. À l'âge de 38 ans, j'ai dit à mon mari d'alors que je voulais changer de vie. Lui aussi semblait avoir perdu la foi. Nous n'en pouvions plus de mentir constamment, et nous avons quitté les Témoins ensemble. Ma famille m'a complètement rejetée, tout comme mes amis de 20 ans.Après cela, j'ai commencé à fréquenter des bars, et même des boîtes de nuit ! Je n'avais jamais fait cela, et je me sentais incroyablement libre. Je ne voulais surtout pas mourir pleine de regrets. J'étais tel un enfant dans un magasin de bonbons. La communauté gay m'a accueillie à bras ouverts. Je portais des vêtements excentriques, je me suis fait refaire les sens, et je suis devenue organisatrice de soirées.Lors de ces soirées, tout le monde s'abandonne, se laisse aller. J'imagine que c'est ça qui m'a plu là-dedans. Aujourd'hui, je suis ouverte à tout. Bien sûr, certaines personnes me regardent encore de travers, mais je m'en fiche. Mon but est de réunir les gens.
Moïse brisant les Tables de la Loi. Tableau de Rembrandt, 1659. Musée Gemäldegalerie, Berlin, Allemagne
Adam, 26 ans
Ancien juif
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Je me suis mis à avoir de forts doutes au sujet de ma foi à l'âge de 16 ans. C'est au cours de cette année-là que j'ai revendiqué mon athéisme. C'est là que je me suis mis à faire la fête, à bouffer ce que je voulais, et à traîner avec des filles. Ça a été très difficile de dissimuler ce nouveau mode de type auprès de mes proches. Je conservais toujours une kippa dans ma poche, au cas où. Un jour, ma famille a compris ce que je traversais, et ça a provoqué pas mal d'embrouilles – mais pas autant que mon addiction à la drogue.Aujourd'hui, j'ai 26 ans et je ne me sens pas véritablement épanoui. Je possède et consomme tout ce que je désire : des livres, une TV, un ordinateur, des clopes, du porno, etc. Mais rien ne me satisfait vraiment. En fait, l'athéisme n'est pas vraiment bénéfique pour l'être humain, car il ne croit plus en rien. J'aurais été plus heureux de savoir que tout a un sens dans ce monde, qu'une justice divine existe.Ce qui m'a toujours plu avec le judaïsme, c'est le fait que même les croyants les plus fortunés vivent souvent dans des maisons simples. De nombreux Juifs refusent d'étaler leur richesse, ce qui contraste avec la société moderne, qui passe son temps à s'intéresser au superficiel, au clinquant : des belles voitures, des belles montres, des beaux culs.
Plafond de la mosquée du Cheikh Lotfallah, à Ispahan, en Iran