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Il existe des groupes de parole pour les gens qui ont du mal à avaler

Une visite au groupe de soutien aux victimes de dysphagie nous donne un aperçu de ce que c’est de vivre avec la gorge serrée en permanence.
Image: Shutterstock

Un homme et son épouse discutent des qualités culinaires de cette dernière.

Elle : « Quand je cuisine quelque chose qu'il n'aime pas, il dit « Oh non, je n'arrive pas à manger ça. »

Lui (souriant) : « Je ne dis jamais ça ! »

Elle : « Parce que tu tiens à la vie… »

Cette conversation a eu lieu lors d'une soirée pluvieuse au début du mois de décembre, à la clinique d'otorhinolaryngologie du centre médical de l'Université de Washington. Cinq patients quinquagénaires, trois soignants et cinq médecins s'étaient réunis pour parler des problèmes de déglutition, une condition très handicapante et pourtant très peu connue. Des groupes de soutien comme celui-ci sont très rares. Les Etats-Unis n'en a que dix, dispersés à travers tout le territoire, et c'est pourtant le seul pays au monde à en posséder au moins un, selon la Fondation américaine pour les pathologies de la déglutition.

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Jan Pryor, orthophoniste à Washington, explique que ces réunions permettent aux patients de parler de leurs problèmes ouvertement et d'exprimer leurs craintes. Ils se donnent mutuellement des conseils, plaisantent, apprennent des choses sur leur maladie. Jan explique que tout cela est devenu essentiel dans leur existence, et que ces échanges les ont rendus plus solides.

La résilience est un atout essentiel pour ces patients, qui ont dû affronter des cancers du cerveau, de l'œsophage, ou des maladies auto-immunes. Deux d'entre eux sont presque entièrement dépendants des tubes qui plongent dans leur estomac et leur permettent de se nourrir. Deux autres ont de grandes difficultés à parler. Un autre est privé d'une partie de sa mâchoire, et un dernier, de sa langue.

Parmi eux, un homme est particulièrement tributaire de son tube gastrique car il mange si lentement que, sans lui, il lui faudrait se lever une heure plus tôt le matin afin d'avaler son petit-déjeuner. Parfois, il parvient à manger des aliments sans avoir à les réduire en purée ou à les écraser, même si les noix restent un problème. Le lait ou les milkshakes aident souvent à faire descendre le tout. Le White Russian ne fait pas de mal non plus, explique sa femme en souriant.

Durant la séance, Pryor pose quelques questions aux participants et explique en détail l'anatomie de la bouche et de la gorge. Les gens n'ont pas nécessairement besoin de dents pour manger de la nourriture solide, explique-t-elle. Ils peuvent l'écraser avec leurs gencives et la pousser avec leur langue. Lorsqu'ils n'ont pas de langue, cependant, ils devront compter sur la gravité pour que la bouchée de nourriture glisse vers l'œsophage plutôt que vers la trachée.

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« Il prend généralement soin de manger un repas sous forme de purée avant de sortir le soir. »

Un patient s'émerveille de ce que permet de faire une langue dans une bouche saine. Il se rappelle que de cette façon, sa fille est capable de faire un nœud avec une queue de cerise sans utiliser ses doigts. De l'autre côté de la pièce, un homme dont l'élocution est réduite par la dysphagie explique qu'il a, lui aussi, la langue liée. Tout le monde rit.

La séance prend un tour plus sérieux quand Pryor demande aux patients comment se sont passées leurs vacances. Un patient explique que les barbecues lui manquent énormément. « C'est devenu très difficile pour moi de manger lors d'un événement social. Je dois choisir entre mâcher et parler aux gens, » explique-t-il. Même s'il fait encore l'effort de sortir de chez lui de peur que ses relations amicales se délitent, c'est très dur à chaque fois. L'envie n'est plus aussi forte qu'avant.

« Je cuisine, ils mangent, » explique une autre patiente en désignant un proche qui l'a accompagnée. Elle explique qu'elle accepte les invitations à prendre le café, mais pas davantage. Et même à cette occasion, l'effort nécessaire à « la performance sociale » est tellement intense qu'il la laisse complètement épuisée physiquement.

Une femme explique de quelle manière elle prépare le repas pour des invités. Elle se joint rarement à eux à table, puisqu'ils ont terminé leur assiette avant même qu'elle en ait terminé le premier tiers. « C'est très embarrassant, » confie-t-elle. De plus, elle peut rarement manger la même chose que ses proches. Les saveurs qu'elles appréciaient auparavant lui donnent maintenant la nausée ; elle a besoin d'aliments très fades si elle veut réussir à avaler. Les plats épicés lui brûlent la gorge.

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Une autre femme s'est donné une routine très précise pour retrouver ses réflexes de déglutition. Et c'est son mari qui mange sa part des repas de fête quand elle n'y arrive pas. « Peut-être que le prochain Thanksgiving sera le bon, » soupire-t-elle.

La discussion revient sur les tubes gastriques. Pryor parle des « diminués » : les patients qui perdent progressivement du poids parce qu'ils ne mangent plus suffisamment. Certains n'ont même plus la force de faire des efforts pour se nourrir. Dans ces cas-là, le tube gastrique pourrait-il constituer une alternative raisonnable ?

Son utilisation peut être inconfortable, pénible, d'autant plus qu'il faut le nettoyer très souvent, explique un homme. Mais d'un autre côté, il peut enfin apprécier son café du matin pendant que son petit-déjeuner liquide glisse directement dans son estomac. Pryor évoque au groupe un nouveau modèle de tube qui ne sort pas de l'estomac de manière trop visible. On peut même le porter sous un maillot de bain, précise-t-elle de manière malicieuse. La salle explose de rire de nouveau.

À la fin de la réunion, j'ai parlé avec Steve McCloskey, 57 ans. Il a survécu à un cancer de l'amygdale et lutte contre la dysphagie et les difficultés d'élocution, des symptômes déclenchés par les séances de radiothérapie. Il prend généralement soin de manger un repas sous forme de purée avant de sortir le soir. « Ça ne me met plus mal à l'aise, désormais. Je dis que j'ai déjà mangé, je m'excuse, et c'est terminé, » dit-il.

Trouver le bon équilibre entre confort et vie sociale est un défi de tous les instants. Il ne peut plus manger ses plats épicés préférés, qui irritent trop sa gorge. Mais il prend encore le temps de savourer quelques plats et boissons raffinés, malgré le risque d'étouffement. Son moral a pu se maintenir grâce à son sens de l'humour, ajoute-t-il. « Si vous ne pouvez pas rire de ce qui vous arrive, autant crever. »

Cet article a initialement été publié sur mosaicscience.com. Il est republié ici sous licence Creative Commons avec autorisation de l'auteur.