La Vie quotidienne dans un hôpital psychiatrique

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La Vie quotidienne dans un hôpital psychiatrique

À la rencontre des handicapés physiques et mentaux d’un établissement de jour.
Glenn Cloarec
propos rapportés par Glenn Cloarec

J'ai réalisé cette série sur ce centre psychiatrique de jour l'été dernier. Je m'y suis intéressé pour plusieurs raisons. Au début, je voulais simplement réaliser un documentaire classique autour de ce sujet. Avec le temps, je me suis de plus en plus intéressé à cette idée de travailler autour de la candeur et de l'impossibilité que ces personnes ont de communiquer avec le reste du monde. Cela m'a bouleversé.

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Si Helsinki, comme Paris, compte de nombreux centres pour handicapés, leur nombre n'est pas représentatif du reste du pays. Plus on s'éloigne des grandes villes et plus ils se font rares. Néanmoins, j'ai le sentiment que les handicapés sont mieux intégrés en Finlande qu'en France. On voit régulièrement des handicapés travailler dans des cafés, restaurants, etc. En France, s'il y a bien un pourcentage obligatoire pour les entreprises, j'ai l'impression qu'on les cache. Ici, au contraire, les employeurs sont plutôt fiers d'en compter parmi leur personnel.

Photos de Mickael Vis

Le centre que j'ai photographié a pour nom le « Myyrmäen toimintakeskus ». Il est situé en banlieue d'Helsinki et accueille des gens aux handicaps physiques et mentaux. Le boulot du personnel est d'accueillir ces personnes qui viennent selon leur volonté et de leur proposer des activités, de les aider à trouver du travail, etc. Il s'agit d'une structure d'encadrement, où les gens sont considérés comme des « customers » et non comme des patients. Ce centre accueille une quarantaine de « clients » et une dizaine de salariés. Au quotidien, ces derniers sont confrontés aux mêmes problèmes que dans le milieu médical classique : manque de moyens, salaires relativement bas…

Au niveau des métiers, on y trouve surtout des accompagnateurs, qui s'occupent d'organiser des activités, de cuisiner, de faire vivre le centre. Néanmoins, certains sont aussi là pour encadrer les cas plus lourds et pour y apporter un regard plus médical. Enfin, quelques-uns s'occupent de l'administration et de trouver du travail à ces gens.

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Durant les trois mois qu'a duré ce reportage – je m'y rendais trois fois par semaine –, j'ai vécu plusieurs moments très émouvants. Je me souviens par exemple de mon premier jour là-bas, jour lors duquel a été pris la photo ci-dessus où tous font une file indienne. Je suis arrivé le jour où les Finlandais célèbrent l'été, après de longs mois d'obscurité hivernale. Chaque résident du centre m'a accueilli, déguisé et maquillé à sa façon.

Je me souviens également de cette matinée passée avec Kimmo. Atteint d'une pathologie très lourde, il ne peut pas communiquer et son corps le fait souffrir à longueur de journée. Une fois par jour, on l'installe sur une machine qui ressemble à un grand robot afin de détendre son corps qui s'atrophie de jour en jour. Il souffrait beaucoup – a priori à cause de la chaleur – et a passé une bonne heure à crier et à sauter sur sa chaise roulante. Les encadrants l'ont alors emmené, seul, s'allonger sur une couverture, dans l'herbe, et Kimmo s'est calmé, dégageant une douceur incroyable, avant de s'endormir.

Plus globalement, j'ai été marqué par l'innocence de ces gens. Ce sont de grands enfants qui n'ont généralement pas vraiment de proches autour d'eux et leurs émotions sont décuplées. Il y avait notamment cette femme qui a été noyée par sa mère étant plus jeune et qui a par conséquent grandi avec un lourd handicap mental, mais qui continuait néanmoins d'appeler sa mère chaque jour.

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Aussi, les résidents créent de véritables liens entre eux, se comprennent et rient – parfois de leurs propres situations –, et cela m'a également touché.

Globalement, chaque journée se déroule de la même manière : ils arrivent relativement tôt au centre et commencent par une activité commune. Certains vont travailler dans une pièce où une entreprise externe les paient pour faire une activité relativement simple, comme par exemple couper des cordons de longueur identique. Vers 11h, ils vont tous déjeuner dans la cuisine. Le repas est préparé par un encadrant ainsi que quelques résidents.

L'après-midi, ils sont séparés en groupes et font de nouvelles activités, comme des collages, des découpages, des pâtisseries. Les activités proposées ressemblent beaucoup à celles des écoles maternelles.

S'ils en ressentent le besoin, ils peuvent également aller se reposer dans une salle adaptée ou écouter de la musique.

Je ne sais pas si parquer ces gens dans ces centres spécialisés soit la meilleure solution possible. C'est une question un peu délicate car, selon moi, de nombreux critères sont à prendre en compte. Déjà, la plupart des résidents du centre que j'ai visité ont des pathologies vraiment lourdes ; ils ne peuvent pas vivre en société. Non pas parce que la société les cache, mais parce qu'elle ne peut pas les intégrer. Ces gens ne peuvent faire que des activités extrêmement limitées et doivent être accompagnés en permanence. Dans ce cas, je pense que ces établissements sont vraiment bénéfiques pour eux.

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Dans le même temps, j'estime que sensibiliser le public sur le fait que – finalement – ces personnes sont comme nous est important. La société devrait leur permettre d'avoir les mêmes possibilités que les autres pour travailler, dans la mesure du possible, en fonction de leurs handicaps. Ici, en Finlande, ils sont assez régulièrement mis en avant, on ne les cache pas, et je trouve ça très bien.

Retrouvez les travaux de Mickael Vis sur son site.