Ce qu’il faut savoir sur le projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État
Photo : Flickr / husseinabdallah

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Société

Ce qu’il faut savoir sur le projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État

Le projet de loi 62 vise à obliger les citoyens qui offrent et reçoivent des services publics à le faire à visage découvert. Concrètement, cela veut dire que la burqa et le niqab seraient interdits dans de telles circonstances et que le tchador et le...

Alors que le débat sur le projet de loi 62 fait rage, le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, a présenté jeudi sa nouvelle position identitaire, puisqu'il juge avoir « donné l'impression que les questions d'identité n'étaient pas aussi importantes [qu'il le croit] vraiment », au cours de la dernière semaine.

Un gouvernement Lisée agirait conformément aux recommandations de la Commission Bouchard-Taylor, en interdisant le port de signes religieux aux fonctionnaires en position d'autorité, comme les juges et les policiers, a indiqué le chef du PQ. Il entend aussi aller plus loin en considérant les éducateurs et les enseignants comme des fonctionnaires en position d'autorité, ce qui ne figure pas parmi les recommandations de cette fameuse Commission.

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C'est une position identique à celle de la CAQ, à une différence près : sous le PQ, ces interdictions seraient mises en place pour tous les fonctionnaires, sauf les éducateurs et enseignants qui occupent déjà un poste. Ceux-ci auraient un droit acquis, et ce seraient uniquement leurs futurs collègues qui auraient à se conformer aux règles.

La chicane est pognée

Malgré les ressemblances entre les positions identitaires des deux partis d'opposition, la CAQ a diffusé l'affiche ci-dessous sur Twitter et Facebook quelques heures avant l'annonce de M. Lisée.

Couillard et Lisée en faveur du tchador pour les enseignantes dans nos écoles. Seule la #CAQ défend nos valeurs! #polqc #assnat pic.twitter.com/0S3xOl5WDK
— CoalitionAvenirQc (@coalitionavenir) November 24, 2016

Le fondement de cette affirmation est que le PQ, contrairement à la CAQ, a voté en faveur de l'adoption de principe du projet de loi 62 du gouvernement Couillard. Il vise à obliger les citoyens qui offrent et reçoivent des services publics à le faire à visage découvert. Concrètement, cela veut dire que la burqa et le niqab seraient interdits dans de telles circonstances et que le tchador et le hijab, entre autres, seraient permis. Le projet de loi 62 a également pour but d'encadrer les demandes d'accommodements religieux.

Lisée considère que le projet de loi libéral constitue « un pas en avant », tout en étant « largement insuffisant ». Son parti ne votera pas en faveur de son adoption à moins qu'il ne soit modifié. Le PQ avait d'ailleurs proposé huit amendements à la fin du mois d'octobre, et ils ont tous été rejetés. François Legault en a proposé trois et a aussi indiqué qu'il n'appuierait pas cette initiative à moins qu'elle oblige tous les fonctionnaires en position d'autorité, dont les enseignants et les éducateurs, à ne pas porter de signes religieux.

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Compte tenu des positions semblables de MM. Lisée et Legault sur cet enjeu, le PQ a de quoi être étonné devant la publicité-choc de la CAQ, que Lisée a par ailleurs qualifiée de mensongère.

« C'est un jeu électoral qui se reproduit un peu partout en Occident, commente le professeur de l'Université de Montréal spécialisé en politique québécoise, Martin Papillon. Malheureusement, la démagogie comme celle-là semble bien fonctionner par les temps qui courent. »

Selon M. Papillon, Philippe Couillard est « bien content » que la CAQ et le PQ commencent à se disputer, puisque l'électorat libéral n'est pas composé de personnes préoccupées par la question identitaire. « Ils ont tout à gagner à ce que ces deux partis-là s'entredéchirent sur cette question. Le danger pour l'opposition est que, s'ils oublient que le Parti libéral est leur véritable adversaire, les libéraux se retrouveront au-dessus de la mêlée », estime-t-il.

Un projet stratégique pour le PLQ

« Depuis la commission Bouchard-Taylor, on n'a pas réussi à trouver une façon efficace d'encadrer la question des accommodements raisonnables en matière religieuse », juge la professeure au département des sciences juridiques de l'UQAM Rachel Chagnon.

Martin Papillon ajoute que l'objectif primaire du Parti libéral est de clore cette question avec l'adoption du projet de loi 62, tout en espérant qu'elle ne revienne pas aux prochaines élections, en 2018. « On s'entend qu'il est peu question de laïcité dans ce projet-là. Il ne fait que codifier le statu quo en énonçant de façon claire des guides pour que les institutions publiques aient des règles plus précises quant aux accommodements, mais il n'y a rien de nouveau », explique-t-il.

Les accommodements religieux seront encadrés par certaines conditions dans la fonction publique. Ils devront respecter le droit à l'égalité homme-femme, ne devront pas compromettre le principe de la neutralité religieuse de l'État et devront respecter l'article 10 de la Charte des droits et libertés, qui assure que toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice des droits et libertés, sans discrimination.

Dans le milieu scolaire, d'autres conditions s'appliquent. Il ne faudra pas que les accommodements empêchent les élèves d'aller à l'école ou bien qu'ils aient à l'encontre du projet éducatif de l'établissement.

Le Parti libéral compte porter des amendements au projet de loi 62 et procéder à son adoption d'ici la fin de la session parlementaire. Philippe Couillard a assuré cette semaine que la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, « aura des propositions qui vont renforcer le projet de loi ». Elle s'est d'ailleurs dite ouverte à l'étendre au secteur municipal et même d'y ajouter le mot « laïcité ».

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