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Musique

Bob Dylan répond à Jonah Lehrer – Une exclusivité VICE

La pire chose qu'il puisse arriver au vieux Bob, c'est qu'un imposteur sans une once de moralité s’asseye et se branle en lui faisant dire des trucs qu’il n’a jamais dits, tu captes ?

Lundi, le journaliste Jonah Lehrer a démissionné de son poste au New Yorker après avoir avoué qu'il avait inventé des citations de Bob Dylan. Monsieur Dylan lui répond aujourd'hui, dans une tribune exclusive pour VICE.

Je te le dis mec, tu devrais pas inventer des citations. Pas des citations de moi. La pire chose qu'il puisse arriver au vieux Bob, c'est qu'un petit imposteur sans une once de moralité s’asseye et se branle en lui faisant dire des trucs qu’il n’a jamais dits, tu captes ?

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Je pense que j'aurais pu dire ces trucs. Je peux dire plein de trucs, en fait. Je crois d’ailleurs que j'ai déjà dit plein de trucs. Parfois, y’a plein de trucs à dire, alors tu dis plein de trucs. Je m'embrouille, mais t'aurais pas dû inventer ces citations où je prédisais le Wi-Fi. OK, j'ai peut-être laissé entendre que quelque chose proche du Wi-Fi allait être inventé dans les interviews que j’ai données en 1967, pour mon album John Wesley Hardling. Mais c'était juste le genre de conneries que tu sors à la presse, t’vois. Et je crois que ma « prédiction » définissait le Wi-Fi comme « un système de tubes envoyant des messages partout dans le monde, pour partager des idées et créer des processus, le tout en parfaite harmonie ». Non pas comme t'as déformé dans ton livre : « Tout réseau local sans fil (WLAN) basé sur les standards 802.11 de l'Institut des ingénieurs électriciens et électroniciens (IEEE). »

C’était pas sympa, mec. Et ma réputation en a souffert. Des types de l'Organisation internationale de normalisation viennent chez moi pour me demandent de valider des protocoles mondiaux de connectivité sans-fil. J’y connais rien à ces putains de protocoles à la con. Quotidiennement, je suis obligé d'envoyer chier les meilleurs chercheurs du monde, et je peux te dire que ça commence à me les briser menues. J’ai les nerfs, là.

Bien sûr, si y’avait que ça, j'aurais pu accepter, me sentir en paix, passer à autre chose. Mais on sait tous qu’il n’y avait pas que ça. T'aurais pas dû dire à tout le monde que pour m’endormir, je me branlais sur des photos de l'ancien ministre des Affaires étrangères des États-Unis, Warren Christopher. Quelqu'un d'aussi pointilleux sur les faits que toi aurait dû savoir que je parlais des photos de Tony Danza, comme le précise mon blog officiel. Et le blurb sur la quatrième de couv de ton bouquin, « Le candidat idéal pour le prix Nobel – Bob Dylan », a été sorti de son contexte. Je m'adressais à un rassemblement de néonazis hongrois à l’époque, et tu sais plus que bien que je parlais pas de toi, mais de n'importe quel scientifique capable d'inventer un programme eugénique valide afin de faire le ménage dans le monde.

Il y a aussi ce passage dont les médias ont parlé, où tu me cites au sujet de ma chanson « Don't Look Back » : « Je me contente de les écrire. Il n'y a pas de message derrière. » Et toi, tu rajoutes une troisième phrase : « Arrêtez de me demander d'expliquer. » Erreur de débutant, mon pote. Je ne fais jamais de troisième phrase qui viendrait souligner ou compléter ce que je viens de dire dans les deux premières phrases. Je laisse toujours ces deux phrases seules, en suspens. Trois phrases, c'est pas du Bob Dylan. Une troisième phrase, c'est aussi louche qu'un type à trois jambes.

Même si tu m'as saoulé, j'ai quand même de la sympathie pour toi. Je veux dire, on a tous traversé des mauvaises passes et été obligés de plagier. Par exemple, pour tout ce que j'ai sorti entre 1975 et 1981, je me suis contenté de prendre The Best Of Creedence Clearwater Revival et de changer les Do en Ré mineur. Pour les paroles, j’ai juste souligné des passages de romans de Sidney Sheldon et je les ai lus à l'envers. Tout le monde s'en tapait, et pour être honnête, moi aussi. C'était les années soixante-dix, t'as vu… On était cons. On votait Carter, pour l'amour de Dieu ! Enfin, pas moi, j'étais allé à la pêche à la dynamite ce jour-là. Mais j'avais dit à tous mes domestiques de le faire.

Propos rapportés par Gavin Haynes.