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LE NUMÉRO AU BORD DU GOUFFRE

Reviews

Cette idée de mélanger Cypress Hill et le mambo, c’est un peu comme subir une ponction lombaire et se faire taper très fort dans les couilles simultanément.

DWARR

BRIGHT EYES

TEENAGE PANZERKORPS

SOOM T & DISRUPT

TRES CORONAS

La Música es mi arma

Parcero Production

Il s’agit du pire album de rap franco-colombien que j’ai jamais entendu, ce qui en fait à la fois un prétendant au pire disque jamais sorti et une vérification de ma théorie sur le rap en espagnol – je détiens des preuves tangibles qu’il n’aurait jamais existé. Pour autant je n’ai rien contre Rocca, mais cette idée de mélanger Cypress Hill et le mambo, c’est un peu comme subir une ponction lombaire et se faire taper très fort dans les couilles simultanément.

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STOMY BALLSY

Alors oui, c’est injuste et hors sujet de dire que Mike Skinner ne sait pas rapper, que ses textes sont souvent faibles, parfois dignes de nos poètes urbains nationaux, que ses prods sont souvent laides, entre deux chaises, strictement accompagnantes, et que l’engouement autour du projet The Streets est aussi incompréhensible qu’irritant, mais en même temps, que peut-on dire d’autre ? Ce disque est fatigant, médiocre, surchargé, personne n’a envie de vraiment écouter ça, et ça tombe bien, c’est le dernier album que Skinner fera sous le nom de The Streets – mais le mercato l’annonce déjà sur le ­prochain Gorillaz.

ÉTIENNE MONOÏ

SLAUGHTERHOUSE

The Slaughterhouse EP

E1

Ce projet réunit trois one-hit ­wonder du rap (Joe Budden, Royce da 5’9” et Crooked I) et un illustre inconnu vraisemblablement dominicain – Joell ­Ortiz. Comme tous les gens qui ont côtoyé la lumière l’espace d’un instant, ils ont ­essayé de créer un semblant de « retour en fanfare » en accentuant un peu trop le côté « fanfare » et en mettant un point d’honneur à en faire des tonnes sur à peu près tous les morceaux de cet EP fanfaron. En conséquence, on a l’impression de regarder un film d’action avec des voitures qui explosent, des poseurs de bombes iraniens et un tremblement de terre global mettant en péril l’espèce humaine d’où surgirait un héros admirablement interprété par Michael Douglas – on le reverra à la fin du film dans les bras d’une latina lubrique, prêt à repeupler la planète selon les valeurs intemporelles du métissage. C’est assez chiant au bout du compte, et j’ai tout sauf envie d’écouter un disque qui ressemble au ­scénario de

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Volcano

.

KELLY SLAUGHTERHOUSE

BRICK SQUAD

Gucci Mane Presents Brick Squad Mafia

Dj Holiday/Bricksquad

Le truc bien avec Gucci, c’est que même quand il sort des tapes pour présenter ses potes du troisième gouffre, il se sent obligé de rapper sur tous les morceaux. C’est exactement ce que j’attends d’un patron, savoir être assez souple pour laisser ses poulains faire les cons en chanson et assez sévère pour ruiner le projet collectif initial en se l’accaparant intégralement. Outre un excellent album de rap ­ultra-violent, cette tape est aussi une leçon de vie en entreprise ou un aperçu de ce à quoi est réduit le concept d’individu sous un régime totalitaire.

JIMMY MORE HELL

Après vingt ans de carrière entre ­Planet µ, Rephlex, Mo’Wax et Warp, Luke Vibert réussit le transfert le moins éclatant de ce mercato hivernal en retrouvant Ninja Tune, qu’il avait quitté en 2004. J’avais d’abord pensé filer la métaphore du foot sur la longueur, par paresse et nonchalance, en évoquant par exemple la possibilité de « retrouver du temps de jeu dans une équipe qui joue le maintien » ou de « densifier le banc ». Puis il m’a semblé injuste d’écrire une chronique univoque et linéaire au sujet d’un disque qui n’est qu’un collage glauque agglutinant des samples ­vocaux cutés avec le savoir-faire Logilo sur une ligne continue de groove pour bar d’hôtel sous la supervision d’un sachet de weed.

JULIEN CRACK

CUT COPY

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Zonoscope

Modular

On peut dire ce qu’on veut de l’Australie, mais il n’y a que dans un pays où on ne connaît ni la honte ni la chevalerie que pouvait sortir un groupe qui ne s’est préoccupé de rien d’autre depuis 2004 que de fabriquer des synthétiseurs assez puissants pour déposséder les tromblons de scènes de leurs deux attributs caractéristiques, la sobriété pompière et la mélancolie tapageuse, dans le but déloyal et fédérateur de transformer ces deux étendards fantaisistes en éclatantes bannières d’une pop d’outre-rates renouvelée.

FÉLIX ATARI

SEEFEEL

Seefeel

Warp

Je tuerais pour pouvoir vous dire sans ambages que ce disque est relou, sur­estimé, que c’est juste de l’indie-truc chiant maquillé en hypnago psyché, mais il faut rester honnête ; Toro Y Moi sait composer des chansons en forme d’envolées régressives grisantes, on est attrapé à chaque minute par des tournures qui vous prennent par les sentiments les plus fondants, la production « soleil brumeux » me projette vers les délices de l’hyperespace, et l’ambiance générale du disque, issue d’un canal Beach Boys/Scritti/Stereolab, ne me fait que trop penser au sourire d’une prépubère à la chevelure blond vénitien.

ÉTIENNE MINOU

SOOM T & DISRUPT

Ode 2 a Carrot

Jahtari

Alors la cover de ce disque tue en direct le match de la pire pochette de l’année. Quand on sait qu’elle cache l’union d’un producteur allemand et d’une chanteuse ragga qui consacre les neuf dixièmes de ses lyrics à la weed, on se dit que c’est foutu, mais en réalité – comme quoi dans la vie l’inattendu surgit à chaque instant –, bah c’est un putain d’album de reggae early digital rempli de sons comme à l’époque avec juste ce qu’il faut de nouveau pour ne pas trop faire comme à l’époque. Et les meufs à dreads sont ­parfois limite dans la vie, mais au moins elles font pas chier avec leurs conneries de sacs à main et de vernis.

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BRANDADE & MONICA

En dehors de brefs moments de grâce et de sobriété, ce disque ­superpose un tas de gimmicks insupportables, glitchs, beats trip-hop et même des instruments ­inutiles comme une batterie et une guitare. Quand j’écoute de l’electro minimale, j’ai juste envie d’entendre des notes grises sur du bruit blanc étiré à l’infini vers un horizon incertain. Si je voulais entendre une putain de guitare j’irais sur le Pont des Arts.

LADY DE NANTES

Je me demande comment les gens qui sont à l’origine d’un métal aussi puissant – et qui sont les géniteurs du son de la haine au ralenti – ont pu produire cet insipide album de presque-rock progressif. C’est pas mauvais, mais putain, j’ai pas envie de me battre en écoutant ce truc, ni de porter une casquette à l’envers. À la limite, je veux bien râler un peu, faire chier ma sœur pour une raison totalement futile, mais pas plus. Ça fait même penser à Led Zeppelin à des moments. Ça a pas de bite. C’est de la pop.

STOMY BALLSY

DWARR

Animals

Drag City

Blitzkrieg-punk de type tranchées boueuses dont l’esthétique emprunte à la fois à Blank Dogs et aux chemises épaisses de couleur brune. Rythme 4x4, éthique nietzschéenne, kraut-wave, The Fall, haine, guerre mondiale et années trente, c’est le disque le moins pétillant du mois et le plus fier d’appartenir au XXe siècle. Ce groupe est tellement bien qu’il me donne envie de porter des bottes.

JIMMY MORE HELL

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Pff, comment ça défonce. Je bénis chaque jour Drag City d’avoir ressorti des décombres ce chef-d’œuvre du pire des années quatre-vingt et de le lancer à la face de notre monde hygiéniste petit-bourgeois. Dwarr était un nerd fan de ­Sabbath et Pentagram qui s’était mis en tête de reproduire les chants dédiés à Satan de ses idoles depuis sa chambre exiguë, avec des synthés pourris et un 4-pistes ­claqué, le tout en fumant un maximum de cannabis pour faire chier ses parents. ­Parfois ça ressemble aux Melvins, parfois à la musique la plus héroïque jamais inventée, et dans les deux cas c’est précisément ce que j’aurai envie d’entendre le jour du ­Jugement dernier (sous shit).

KELLY SLAUGHTER

C’est une bonne idée d’articuler des références pas du tout cryptiques à la religion rastafari, un point de vue militant sur les immigrés clandestins et une apologie de Barack Obama pour donner du relief à un album d’indie-rock mièvre et maigre comme une intrigue de

Grey’s Anatomy

. Pour compléter cette vision du monde forgée par la lecture des éditos de Laurent Joffrin et de la monographie de Bono par Michka Assayas, ils devraient penser à inclure dans leur prochain album citoyen une chanson sur ces footballeurs millionnaires qui refusent d’ôter leur casque audio pour saluer leurs supporters en descendant du bus, une réfutation de la théorie du choc des civilisations et un ­plaidoyer pour une moralisation du capitalisme financier.

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KARIM BENZEDRINE

PURO INSTINCT

Headbangers in Ecstasy

Mexican Summer

Un groupe qui intitule son album « Headbangers In Ecstasy », qui livre une twee-pop pleine de références souterraines dont le vecteur commun est « les années 1980 », soutenu par Ariel Pink et composé de deux sœurs blondes de ­surcroît, eh bien, un tel groupe a tous les arguments nécessaires pour obtenir une critique d’album positive au sein de ce ­magazine foncièrement hétérosexuel. Même si, on vous l’accorde, on a vite compris les limites auxquelles ce type d’arguments pourrait se heurter en terme d’objectivité.

ALEJANDRO DEL SOL DE LA SEXUALIDADE

THE BABIES

The Babies

Shrimper Records

Au plus fort de leur popularité, les Vivian Girls se sont trouvées au cœur d’une de ces controverses insignifiantes que les nerds réservent habituellement à ­Wavves, aux formats de compression mp3 ou au classement des meilleures saisons de

Seinfeld

, et qu’on mesure généralement à l’occurrence du terme « hipster » dans les débats. Pour tourner la page, Cassie Ramone a formé ce side-project un peu mou et téléphoné avec le bassiste de Woods, une machine à produire de l’unanimité à partir de compromis passés à travers un filtre de consensus. Elle aurait dû au contraire jouer la carte de la provocation jusqu’au bout, en montant un groupe avec Wavves, en l’appelant « Helvetica Witch » et en sortant un EP intitulé « † mediafire chill » histoire de rendre les nerds hystériques et de faire ­sauter le serveur d’Hipinion.

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JULIEN CRACK

DUM DUM GIRLS

He Gets Me High EP

Sub Pop

Ah ben voilà ce qu’elles auraient dû faire les meufs des Vivian Girls, une cover degueulasse de « There is a light that never goes out » ! Là le stade se marre ! Les nerds vont tellement se foutre de leur gueule qu’ils vont se brûler les doigts sur leur clavier. C’est encore plus casse-couilles que les films à hoodies de Zooey Deschanel et aussi provoc’ que les meilleurs plateaux de

Ce soir ou jamais

.

JULIEN CRACK

YUCK

Yuck

Fat Possum

Ce qui me plaît avec ce groupe c’est qu’il n’affiche de prétention à rien. La musique de ces types est tellement modeste que je crois que l’idée qu’ils pourraient tout à fait légitimement citer tous les meilleurs groupes du monde comme influence ne leur est même pas venue à l’esprit. Ils ont l’air d’aborder l’enthousiasme mesuré et la tristesse entraînante exactement de la même manière que si les mots twee-pop et lo-fi n’existaient pas. En fait, c’est comme si la seule ambition de ces mecs dans la vie c’était d’être l’inverse de Sofia Coppola.

HUBERT MENSCH

Thumbs up

à ce membre des Strange Boys pour faire la musique que j’ai exactement envie d’écouter un vendredi soir, 19h51, heure où la plupart des gens de mon âge définissent les contours de leur ­future vie ou de leur trépidant week-end pendant que je commence péniblement mes reviews. Que va-t-il se passer après ? Où tout cela va-t-il nous mener ? Vais-je consentir à acheter mon premier meuble ? Tant de questions auxquelles je n’ai pas ­envie de répondre et dont je compte bien me débarrasser en buvant beaucoup ­d’alcool et en ramassant encore quelques années, tout comme ces mecs.

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JIMMY MORE HELL

WYE OAK

Civilian

City Slang

Cette musique se plaît à surfer sur une vague émotionnelle qui chouine comme un jour de pluie dans un appartement du XIXe arrondissement où flotte une odeur de papier d’Arménie et de thé au citron – le vélux qui laisse entrer une lumière diffuse donne sur le côté nord des buttes Chaumont. À part avoir les larmes aux yeux en permanence, ce groupe a aussi fait une reprise de Big Star en l’honneur d’un de leurs potes suicidés le jour où Alex Chilton est mort, preuve qu’ils ne refusent jamais une occasion de foutre le bourdon aux autres non plus. On devrait inoculer la troisième guerre mondiale en suppositoire à ces gens, histoire de voir s’ils continueront à chialer quand le seul régime végétarien disponible se ­résumera à des topinambours et que l’unique errance possible consistera à éviter les ogives nucléaires projetées ­depuis des porte-avions chinois.

KELLY SLAUGHTER

…AND YOU WILL KNOW US BY THE TRAIL OF DEAD

Tao of the Dead

Superball

C’est quoi ce nom faussement indietello ? On dirait celui d’un groupe qui mélangerait de l’indie-rock de type « je porte un sac à patates avec le nom d’un label dessus » et du metalcore de type « je porte le patch de mon groupe préféré sur mon Eastpack ». Mais en fait ça ressemble plutôt à un mélange entre du prog­rock

cheap

et du neometal sophistiqué. Autant vous dire que c’est proche de l’ennui du néant de l’indifférence. Dommage, s’ils avaient simplement choisi la dernière orientation, j’aurais pu me prendre au jeu et mettre un smiley en m’imaginant dans l’un de ces

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suburbs

où tous les adolescents font du skate en Era et où toutes les meufs ressemblent à Sasha Grey.

CHARLES MOREASS

STARFUCKER

Reptilians

Polyvinyl Records

L’indie-rock et la chillwave se sont enfin rencontrés et je suis prêt à parier que ça s’est passé sur la pelouse d’un festival en plein après-midi autour d’un paquet de PiM’s et d’un échange de tote bags. Si l’on se fie à ce disque, ils ­forment pour le moment un couple enthousiaste et niais se livrant à une parodie infantile de la vie adulte, comme seules les grandes écoles françaises et le Cap Ferret savent en produire.

MARCO POLIO

BEACH FOSSILS

What a Pleasure

Captured Tracks

Cette microscène s’ennuie, tourne en rond et c’est ce qui fait son charme. J’ai l’impression que les mecs de Beach Fossils, Real Estate, Rangers et Ducktails se sont lancés dans une compétition sans fin qui consiste à ne jamais surprendre, sous peine de devoir quitter cette banlieue molle perdue dans une forêt mythique des années quatre-vingt-dix qui leur sert d’imaginaire commun depuis un temps qu’ils s’interdisent de compter.

IRENE NOW

MOON DUO

Mazes

Souterrain Transmissions

Les groupes qui jouent la carte du revival sonic rock en font souvent des tonnes, et en accumulant les pédales à gros effets et autres artifices à gros ­sabots, ils tendent la plupart du temps vers le stoner dégueulasse. Moon Duo revendique aussi l’héritage de Silver Apples, de Suicide et des descentes ­d’héroïne le dimanche matin allongé sur le flanc dans un lit trop large couvert de vieux magazines, de mauvais rêves et de miettes de biscuits secs, mais en lui ­injectant un truc étonnamment « poppy » qui, toutes proportions gardées, me conduit à tempérer l’antinomie entre le « beau » et le « fun ».

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JEAN-RENÉ HUGUENOT

WOUNDS

Winter Ambient Works

Assonance records

DISAPPEARS

Guider

Kranky

Ces mecs sont vraisemblablement capables d’énumérer les mérites comparés des distorsions Electro-Harmonix, Boss et MXR, amplement aptes à discuter d’obscurs groupes de krautrock autrichiens ou de disserter avec passion du rôle de Pierre Boulez dans le devenir de la musique à modulation, mais ils ­semblent avoir oublié un truc. D’une manière générale, les nerds de ce genre-là sont également, pour notre malheur, plutôt chiants et parfaitement impropres à produire une musique décente, car préciséments empêtrés dans d’innombrables questions d’influences, ou pire, de « matos ». Étrangement, Disappears tirerait presque son épingle du jeu, invalidant partiellement ma théorie pourtant rassurante d’un point de vue social. Ils ont presque l’air sympa.

SYLVIO BERLUSCHOMIE

Vous allez tout de suite me télécharger cette merde inconnue car je livre ici vraisemblablement ma dernière éjaculation en terme d’apparition médiatique. Je suis excédé de perdre la compétition des like Facebook chaque mois contre Eva Revox (qui, en plus de ça, a bien plus d’amis que moi) catégorie « musique d’autiste ». Perdre est supportable si cela arrive une fois de temps en temps, mais quand votre existence est surpeuplée de like non réciproques, de comments ignorés et de friend requests refusées, l’abandon piteux de toute velléité publique est la plus sage des décisions, et l’hibernation une sauvegarde mentale. Écoutez-moi donc ce pavé hivernal et sentez-vous pénétré du souffle froid de l’amertume des parias. La loi d’airain des saisons vous fera bientôt sortir de cette torpeur, fera resurgir quelque dieu-soleil de son sommeil ­capricieux, et disséminera la senteur tiède du printemps au gré des chevelures fraîchement lavées le long du canal Saint-Martin.

CRAPULO