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J’ai consulté un hypnotiseur pour arrêter de fumer – et ai découvert que j’avais des problèmes plus urgents à régler

Comment un praticien du Loiret m'a ouvert les yeux sur mon propre cerveau.

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Je fume depuis l'âge de 16 ans. Aujourd'hui, j'en ai 30. Tous mes souvenirs sont emplis de fumée de cigarette. Je ne préfère même pas penser à tout le fric que j'ai pu jeter là-dedans. La clope, ça a toujours été compulsif chez moi. Chaque moment de ma vie est rythmé par une cigarette, c'est comme ça.

Aujourd'hui, fumer n'est plus considéré comme cool. Notre société montre du doigt ces fumeurs-criminels qui, de fait, doivent se cacher tels de vulgaires junkies. Cette injonction moralisatrice fonctionne plutôt bien – maintenant, j'ai honte à chaque fois que j'allume une clope. En plus, j'arrive à un âge où il est de bon ton d'arrêter de fumer. Parmi mes amis, certains ont des enfants, d'autres veulent se prouver quelque chose, mais tous désirent arrêter la cigarette. Souvent, cet objectif va de pair avec l'inscription à un semi-marathon et l'achat d'une tenue en lycra.

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N'ayant pas d'enfant et refusant de me lever le samedi matin pour courir, j'ai préféré essayer autre chose. Je suis allée voir un hypnotiseur pour me débarrasser définitivement de la clope.

Mes contemporains avancent à longueur de journée qu'arrêter de fumer est une simple question de volonté. Mouais. Ceux qui ont déjà eu l'occasion d'ouvrir un bouquin de leur vie savent que c'est une profonde connerie. Si l'on écoute la doxa propagée par les Torquemada de la salubrité publique, abandonner le tabac est un mécanisme comparable à celui qui vous pousse à sortir du lit pour aller acheter du papier toilette – c'est difficile, chiant, mais faisable si vous n'êtes pas un fainéant.

Pourtant, se délester d'une addiction n'est pas uniquement lié au triomphe de la volonté. C'est pour cela que je me suis décidée à aller voir un hypnotiseur plutôt qu'un tabacologue – un type susceptible de me prescrire des patchs à la con en me disant « Allez, il faut y croire ! », le tout pour 60 euros la séance.

Mon hypnotiseur officie au cœur de ma campagne natale, dans le Loiret. Je me sens beaucoup plus à l'aise à l'idée d'être « traitée » par quelqu'un de chez moi – surtout, c'est beaucoup moins cher qu'à Paris. Ancien médecin généraliste ayant changé de voie après un burnout, ce mec a suivi une formation spécialisée auprès de thérapeutes pratiquant l'hypnose ericksonienne – qui insiste sur le rôle du patient.

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Mon hypnotiseur reçoit autant des addicts à la clope que des victimes d'attentats ou de troubles alimentaires. Ouverte depuis longtemps à de telles pratiques, je ne les ai jamais considérées comme relevant du paranormal. Il faut savoir qu'un hypnotiseur est un médecin comme un autre. On est loin du marabout du XVIIIe arrondissement qui vous prédit quel groupe de rock va percer dans les mois qui viennent.

Le cabinet de mon hypnotiseur ressemble à n'importe quel cabinet de médecin – un bureau en bois assez chic, un bloc-notes mettant en évidence son CV, une pendule trop bruyante et un divan. Pas de dessins ésotériques à l'horizon, et encore moins de ouija board. C'est un type ordinaire, en fait.

Bon, j'avoue avoir tout de même flippé avant de m'y rendre pour la première fois. L'hypnose est une pratique qui demeure mystérieuse – on ne sait jamais si on ne va pas se retrouver à danser nu au milieu du salon d'un inconnu. Angoissée à l'idée de révéler des choses sur moi-même sans le réaliser, je restais confiante et étais persuadée que mon addiction au tabac était sur le point de s'envoler. Internet m'avait rassurée en me submergeant de témoignages laudateurs à l'encontre de ces spécialistes.

Au départ, j'étais la seule à parler. Je posais un tas de questions au sujet de la méthode thérapeutique – j'avoue avoir évoqué ma peur de me trémousser à poil. Il m'a certifié que non, ce n'était pas au programme. À l'écouter, l'hypnose n'a rien à voir avec ces épisodes de X-Files qui mettent en scène Dana Scully en train de revivre son enlèvement par des aliens.

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En fait, le but de toute l'opération était de faire en sorte que mon inconscient agisse sur mon comportement de tous les jours. Dans cette optique-là, mon hypnotiseur était un simple guide – c'était à moi de régler le problème. En fait, il m'a simplement aidée à me faire accéder à un état second.

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Lors de cette première séance, mon hypnotiseur m'a demandé de m'asseoir. Après cela, je devais présenter mes mains, les ouvrir et penser à un ciel bleu paisible. Dans le creux de mes mains, je devais visualiser le problème que je souhaitais régler – la clope, donc. J'étais persuadée qu'une cigarette allait finir par apparaître comme ça, sans crier gare. Sauf que les choses ne se sont pas passées ainsi.

À la place d'une simple clope, j'ai été submergée par une dizaine de problèmes gangrénant ma vie. Je sentais ma main brûler sous l'effet d'une forme géométrique – qui, selon mon hypnotiseur, représentait mon mal-être – forme qui a fini par s'évaporer, tout en laissant derrière elle des bites à la place de mes doigts.

Je n'ai pas osé le dire à ce médecin – il m'avait enjointe de ne pas raconter ce que je voyais. Mes tourments ne prendraient fin que grâce à moi. Après avoir réglé les 30 euros exigés, j'ai pu partir, encore perturbée par ces phallus fantasmés.

Cette expérience m'a prouvé que la clope était loin d'être mon unique problème – et sans doute pas le plus urgent à régler.

Les séances suivantes, j'avais pour mission de me remémorer un souvenir agréable. C'est con, mais j'avais du mal à en trouver. Ma vie n'est pas merdique, mais pas pleine de bambochades post-adolescentes non plus. Naturellement, j'ai pensé au jour où j'avais rencontré mon copain – à la sensation que j'avais ressentie lorsqu'il m'avait souri pour la première fois. L'hypnotiseur prenait une voix douce et tentait de me faire revivre ce souvenir. Persuadée d'être restée consciente, je n'ai pas réalisé que mes mains et mes yeux s'étaient mis à trembler – comme si j'essayais d'attraper quelque chose.

Après toutes ces séances, j'avais du mal à saisir les effets pratiques de l'hypnose sur ma dépendance au tabac. Je sentais que je réagissais, mais j'avais toujours autant envie de fumer. En fait, ces expériences ont surtout révélé chez moi un trouble anxieux généralisé.

L'angoisse est essentielle pour vivre. Comme la peur, elle nous permet de rester en vie en ne faisant pas n'importe quoi. Elle nous évite, normalement, de traverser une autoroute les yeux bandés. Sauf que tout ce complique quand on devient incapable de la contrôler. Ce qui était mon cas.

Aujourd'hui, je ne vais plus chez cet hypnotiseur, mais je reste persuadée que cette méthode a fonctionné. Cette expérience m'a prouvé que la clope était loin d'être mon unique problème – et sans doute pas le plus urgent à régler. Je fume toujours autant, mais j'ai réussi à maitriser mon angoisse quotidienne – sans doute est-ce nécessaire avant de vouloir vraiment s'attaquer à la nicotine.

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