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Que faut-il faire pour se faire bannir à vie d’un bar ?

Uriner sur un tapis ou imiter Morrissey – plein de raisons peuvent vous faire exclure de votre rade préféré.
Illustration : Alex Jenkins

Ma dernière éviction d'un pub était particulièrement triste. J'étais en visite chez des amis, qui vivent dans un village perdu au fin fond de la campagne britannique. Alors que nous étions installés dans un bar pittoresque pour boire des pintes, j'ai profité un instant de l'air revigorant de cet environnement rural – avant de juger bon de m'octroyer un gramme de kétamine. La serveuse est venue débarrasser notre table, avant de réaliser avec effroi qu'un idiot à l'expression ahurie (moi, en l'occurrence) était en train de tracer des lignes de poudre blanche sur son mobilier. De manière assez prévisible, elle s'est énervée, a menacé d'appeler la police, m'a réprimandé sur mon piètre sens moral, avant de me dire qu'elle ne voulait plus jamais me voir dans son établissement.

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Certes, ça n'a pas été la rencontre de ma vie, mais je ne m'étais jamais vraiment fait bannir d'un endroit avant ce fâcheux épisode. Je me suis déjà fait virer d'un pub, d'un club ou même d'un bar le temps d'une soirée – mais je dois bien avouer que se faire bannir à vie d'un établissement a quelque chose de particulièrement humiliant, même lorsque c'est amplement mérité.

Les raisons de se faire bannir à vie sont souvent les mêmes. « Le fait d'être un gros connard caracole en tête de liste », affirme Terri, 33 ans, gérant du pub londonien The White Heart. « Ensuite, je dirais : vendre de la drogue, ne pas respecter le personnel et les autres clients, draguer lourdement le personnel – surtout les femmes – se battre, voler de l'alcool, demander ou consommer de la drogue. »

Caspar, 24 ans et gérant du bar The Kennington, est entièrement d'accord avec lui. « Se battre, voler des trucs, se comporter comme un gros con. Je n'ai jamais vraiment eu affaire aux drogues dans les endroits où j'ai travaillé, mais s'il y a bien une bonne raison de bannir quelqu'un à vie, c'est pour harcèlement des membres du personnel ou des autres clients. »

Apparemment, plus vous vous comportez comme un gros con, plus vos chances de vous faire bannir à vie seront élevées. C'est relativement logique : les enflures ne font pas tourner les affaires. Néanmoins, nul besoin de se montrer agressif, il existe aussi des manières très créatives de se faire dégager d'un endroit à tout jamais. C'est en tout cas ce qui est arrivé à Claire, une de mes interlocutrices.

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« Je me suis fait choper en train d'uriner sur un tapis dans un club, tout en fumant une clope », m'a-t-elle raconté. « C'était marrant, j'étais accroupie, la culotte au niveau des chevilles, et deux minutes plus tard, une femme et un videur sont venus me chercher avant de me dégager à vie. Mes potes n'ont jamais pu remettre les pieds là-bas, juste parce qu'ils étaient avec moi ce soir-là. »

En m'entretenant avec d'autres clients de bars, je me suis rendu compte que leur exclusion résultait souvent de circonstances particulières. La plupart rendaient visite à des potes dans une autre ville, se retrouvaient dans un club choisi par hasard ou un bar trouvé au dernier moment.

C'est ce qui est arrivé à Charles, 28 ans : « Je m'étais fait virer d'un bar jamaïcain à Oxford où mon pote se rendait souvent, parce que j'avais fait une imitation de Morrissey avec des fleurs trouvées un peu partout dans le bar. Une employée est devenue folle de rage et a insisté pour que je lui rembourse les fleurs. J'étais un peu bourré, alors on a commencé à s'engueuler. Puis elle a appelé la police et le propriétaire, son mari, qui nous a justement conseillé de partir avant l'arrivée de la police. On nous a dit que le type en question avait eu des problèmes plus tôt dans l'année parce qu'il avait attaqué des étudiants avec une scie à métaux. On est finalement plutôt content de ne jamais pouvoir retourner là-bas. »

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Forcément, les habitués s'en sortent mieux avec les gérants de bar. « Si tes habitués se comportent mal, alors tu les vires », affirme Terri, un autre patron. « Mais au final, tu les laisses toujours revenir et ils font ensuite généralement preuve d'un comportement correct. » Caspar m'avoue être particulièrement conciliant avec ses clients réguliers, « parce qu'ils sont généralement bizarres, mais certainement pas cons. »

Une fois le bannissement effectif, c'est au videur de tenir les gens éloignés du lieu. Je suis toujours fasciné par la capacité de certains physionomistes à reconnaître mon visage alors qu'ils voient au moins 200 personnes par jour. Ben, 28 ans, partage aussi ce sentiment. « Je m'étais embrouillé dans un pub avec un videur à cause du taux d'alcool de mon pote. Je me suis fait virer en essayant de rentrer une heure et demie plus tard, sans veste. Une semaine plus tard, j'ai réussi à rentrer sans problème, jusqu'à ce que ce même videur me repère. Mes potes se sont aussi fait dégager, simplement parce qu'ils étaient avec moi. »

En m'entretenant avec Caspar et Terri, j'ai appris que la majorité des pubs ont encore des photos, des caméras de surveillance et des polaroids sur les murs de leurs bureaux. Les videurs sont alors chargés de les étudier afin de savoir qui peut être autorisé à rentrer ou non, et quel membre du bar ne devrait pas servir ce soir-là. Apparemment, un pub situé dans le sud de Londres, le Half Moon, aurait même une liste de tous les bannis avec des appellations de type « Keith n'a qu'un bras » ou « Le connard roux bourré répondant au nom d'Angus ».

Se faire virer d'un pub est presque devenu une tradition britannique, une loi sociale suivie et respectée de tous les consommateurs. La police n'intervient pas si souvent que ça, par ailleurs – nous avons beau nous comporter comme des putains de clowns dans nos tavernes, nous savons tout aussi bien respecter les limites imposées.

Les pubs et bars sont encore rattachés à une sorte de tradition dans notre pays, et n'ont pas besoin de toutes ces mesures draconiennes imposées à des établissements comme la Fabric. Les gens veulent encore garder entre leurs mains une part d'autonomie et de liberté, loin du concile, de la police, et du gouvernement afin de conserver un sentiment de communion et de lois sociétales partagées. Et virer des crétins comme moi de votre pub peut être un bon moyen d'éprouver ce sentiment.

@williamwasteman / @alexgamsujenkins