Drogue

Tirer le positif d'un « bad trip » sous drogues psychédéliques

Alors OK, certains font flipper mais il y a toujours une leçon à en tirer.
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Photo : Bret Kavanaugh, Unsplash

Attention au « bad trip » ! C’est ce qu’on entend souvent quand on parle de drogues psychédéliques. Parfois, il s’agit juste d’un conseil aux débutants ou d’un rappel pour les utilisateurs expérimentés. Ça part d’une bonne intention, mais certains se servent de cet avertissement comme d’un outil pour dissuader de toute expérience psychédélique.

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Si les trips peuvent être angoissants et intenses, la façon dont on les vit dépend généralement de l’idée que l’on se fait de l’usage des drogues psychédéliques et du sens que l’on donne aux trips après coup. 

Certains experts reviennent aujourd’hui sur l’idée même du bad trip psychédélique et choisissent de voir ces expériences difficiles comme faisant partie intégrante de l’expérience. Quelque chose qui peut même avoir des bienfaits thérapeutiques. Cette approche pourrait permettre aux consommateurs de mieux accepter ces « mauvaises » expériences et d’en tirer des enseignements, plutôt que de les craindre et de les rejeter. 

Mais c’est quoi un « bad trip » au juste ? Sa définition est très subjective ; certaines personnes parlent d’objets familiers prenant des formes grotesques, d’autres décrivent un sentiment de panique et de paranoïa. « Il est difficile de répondre à cette question, car cela varie tellement d’une personne à l’autre », confie à VICE David Quintern, militant pour une utilisation sûre des psychédéliques. 

De nombreux bad trips sont caractérisés par l’incapacité à se sortir de ces boucles. D’autres bad trips se caractérisent par une perte de soi angoissante, en d’autres termes, la mort de l’ego.

Quintern travaille avec Kiyumi, une entreprise de retraites psychédéliques légales aux Pays-Bas, et SONAR Berlin, un service visant à réduire les risques dans le milieu de la nuit berlinoise. Il intervient également en tant que secouriste psychologique lors de festivals en Allemagne.

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Quintern explique que certaines personnes se retrouvent coincées dans une boucle de pensée sous l'effet des psychédéliques. Ces boucles peuvent prendre n’importe quelle forme en fonction de la personne et du contexte, mais il précise qu’un « exemple classique [de premiers secours psychologiques] en festival » est celui de personnes qui viennent de sortir d’une relation et qui pensent sans cesse : Pourquoi n’ai-je pas fait ceci, je n’aurais pas dû faire cela, etc.

De nombreux bad trips sont caractérisés par l’incapacité à se sortir de ces boucles. D’autres bad trips se caractérisent par une perte de soi angoissante, en d’autres termes, la mort de l’ego.

Pour redéfinir l’idée du bad trip, il est utile de comprendre comment les psychédéliques sont utilisés dans différentes cultures. Selon Amit Elan, directeur et fondateur de Kiyumi, certains peuples indigènes considèrent les cérémonies de guérison par les plantes comme une forme de « chirurgie énergétique » ou « spirituelle ».

« Les peuples indigènes voient les psychédéliques comme des médicaments et non comme un moyen de se divertir dans un environnement non sécurisé ou non contrôlé » - Amit Elan, fondateur de Kiyumi.

Elan travaille avec les psychédéliques depuis plus de dix ans et est formé à la méthode Compassionate Inquiry, une approche psychothérapeutique développée par le célèbre expert en toxicomanie et en traumatisme Gabor Maté. Il a également travaillé avec des ayahuasqueros des communautés indigènes Shipibo, Huni Kuin et Yawanawa dans l’Amazonie péruvienne et brésilienne.

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« Les peuples indigènes voient les psychédéliques et les plantes comme des médicaments et non comme un moyen de se divertir dans un environnement non sécurisé ou non contrôlé, ou encore sans respecter et comprendre la profondeur et le pouvoir de ces outils », explique Elan à VICE. 

Pour préparer les gens aux psychédéliques, il faut notamment s’assurer qu’ils comprennent que l’expérience leur permet de faire un travail sur eux-mêmes, les aide à comprendre des strates plus profondes de leur identité, de leurs comportements et de leurs expériences. En d’autres termes, les voyages psychédéliques sont des occasions d’apprendre, et comme Elan le dit, apprendre n’est pas toujours fun. 

Ainsi, il n’est pas bon d’avoir peur des bad trips et de vouloir que les expériences psychédéliques soient toujours agréables et faciles. Il faut plutôt accepter l’expérience telle qu’elle se présente. « Par nature, une expérience psychédélique n’est pas nécessairement destinée à être un bon moment. Ça peut être le cas - et ça l’est souvent - mais ça peut aussi être extrêmement difficile », explique Elan.

Selon lui, c’est en affrontant les traumatismes et d’autres parts inconscientes de soi au cours d’un voyage psychédélique que l’on arrive à progresser. Souvent, plus l’expérience est difficile, plus on en retire quelque chose. On apprend plus, plus vite et plus profondément. 

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Elan rappelle que les personnes qui prennent des psychédéliques sans comprendre dans quoi elles s’engagent peuvent avoir de mauvaises expériences voire des expériences dangereuses. Plus les gens suppriment les émotions difficiles durant une expérience psychédélique, par exemple, plus l’expérience peut être difficile. Parfois, l’idée de faire un bad trip peut conduire à une boucle de pensée à l'origine de ce bad trip.

« L’intégration est le processus par lequel vous retirez le sens et intégrez, au sens de la mise en application, ce que cette expérience signifie pour vous, dans votre vie quotidienne » - David Quintern.

Mais avec la connaissance et le soutien appropriés, même les expériences psychédéliques les plus difficiles peuvent prendre un nouveau sens. 

Une étude portant sur 50 personnes ayant consommé des psychédéliques, la plupart entre 10 et 50 fois chacune, a révélé que le fait de parler d’un bad trip peut être un moyen fort de lui donner un sens, de le transformer en une expérience positive et d’en faire bon usage. 

Quintern explique qu’il peut être tentant pour les gens de chasser de leur mémoire les trip difficiles dès qu’ils sont terminés. Mais affronter ce qui ressort des voyages psychédéliques après qu’ils soient terminés fait partie intégrante de l'expérience.

Cette pratique s’appelle l'intégration. On peut voir cela comme le complément, moins populaire mais sans doute encore plus important, de la définition d’une intention. « L’intégration est le processus par lequel vous retirez le sens et intégrez, au sens de la mise en application, ce que cette expérience [psychédélique] signifie pour vous, dans votre vie quotidienne », explique Quintern. 

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Elan décrit l’intégration comme le fait de se souvenir, d’analyser et de s’interroger sur l’expérience psychédélique. Selon lui, il est difficile de tirer profit d'une expérience psychédélique sans pratiquer une certaine forme d’intégration. C’est grâce à l’intégration, dit-il, que les résultats de du trip se gravent. 

« On peut avoir des expériences extrêmement significatives et spectaculaires avec les psychédéliques, mais si elles ne sont pas intégrées à fond, la signification et les expériences profondes ou touchantes peuvent se perdre en route » - David Quintern.

Selon Quintern, les expériences psychédéliques sont souvent difficiles à décrire, et il peut être difficile de leur donner un sens, surtout lorsqu’elles sont terminées. Pendant le trip, les gens peuvent se dire : Tout est tellement clair. Je comprends tout maintenant. Voilà ce que je dois faire. Mais après, ils se diront : J'avais l’impression de comprendre... mais c’était quoi déjà ? 

« L’intégration est très importante parce qu’on peut avoir des expériences extrêmement significatives et spectaculaires avec les psychédéliques, mais si elles ne sont pas intégrées à fond, souvent, la signification et les expériences profondes et touchantes peuvent se perdre en route », explique Quintern.

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Les activités d’intégration telles que la tenue d’un journal, la création d’œuvres d'art ou de musique, ou le fait de parler de l’expérience avec d’autres personnes, aident les gens à replacer leurs expériences psychédéliques dans leur contexte, à les appliquer à leur vie et à faire évoluer leurs schémas de pensée et leurs habitudes afin de tirer réellement parti de ces expériences. C’est particulièrement important pour les bad trips, indique Quintern, qui peuvent amener les gens à prendre conscience de choses qui, autrement, seraient restées inconscientes ou refoulées, et dont ils n’auraient donc jamais tiré de leçons.

De nombreuses personnes qui consomment des psychédéliques ont tendance à courir après les expériences de rush, indique Elan. Ils apprécient les sentiments de béatitude et de connexion souvent associés à l’euphorie psychédélique, mais ne font pas les efforts nécessaire pour intégrer dans leur vie quotidienne ce qu’ils ont appris durant cette expérience. 

Faire « le tri » est ce qui permet aux gens de recadrer les expériences psychédéliques pour qu’aucun trip ne soit jamais vraiment « mauvais ». Ces expériences peuvent rester difficiles, mais si l’on tient compte du fait que les psychédéliques nous permettent d’apprendre sur nous-mêmes d’une manière qui nous serait impossible autrement (et que cet exercice n'est pas nécessairement facile), la pratique de l’intégration de chaque trip fait partie intégrante de l'expérience psychédélique. « L’intégration est un des éléments clés de l’après pour que cette  expérience psychédélique soit vraiment utile », conclut Elan. 

Les opinions exprimés dans cet article sont uniquement celles des personnes interrogées. VICE ne cautionne ni n'encourage la consommation de stupéfiants ou de substances psychotropes.

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