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Image Marvel. 
Life

J'ai des rapports plus épicés avec Loki qu'avec ma meuf

Nadja utilise l’auto-hypnose pour s’évader vers l’univers Marvel sans décoller de son lit. Histoire de teufer chez Iron Man, déboîter de l’extraterrestre. Et s’envoyer en l’air aux bras de super-vilains.

Coup de chaud à la Avengers Tower. Dans l’intimité feutrée d’une des suites royales du QG des défenseurs de l’humanité, tandis que les Spider-Man et autres Hulk pioncent à poings fermés, un improbable duo s’adonne à de sulfureux ébats. « Loki me lisait un roman à voix haute, puis j’ai pris les devants. Il y a eu des baisers, plusieurs étreintes et… le grand saut. Quelque chose de très tendre, et doux », se souvient Nadja, au moment d’évoquer sa « première fois » avec le frère parjure de Thor.

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Du pur délire, influencé par l’ingestion d’un quelconque psychotrope ? Non, juste « l’expérience de dingue » vécue par cette étudiante en lettres qui, du haut de ses 20 ans, fraye avec les héros les plus bankable de l’Histoire grâce au shifting. Une technique de projection mentale à mi-chemin entre le rêve lucide, la méditation et l’auto-hypnose basée sur le principe très marvelesque du multivers. « En se concentrant, on switch d’une réalité à l’autre », résume Nadja. L’occasion de tourner le dos à un quotidien « sévèrement anxiogène » pour sauver le monde en compagnie de ses icônes préférées. Non sans céder, dans la foulée, aux capiteuses sirènes de plusieurs romances qui, l’affirme-t-elle, ont « changé sa vie ». 

« Un script en Google Slides, une méditation et - paf - je m’envole aux pool parties de Tony Stark » - Nadja

Avant d’atteindre son level pro de « sex-shifteuse », Nadja le reconnaît : elle a « bien galéré ». Tout simplement parce que le shifting ne s’improvise pas. Tendance virale qui pèse aujourd’hui près de 6,3 milliards de vues sur TikTok sous le hashtag #shiftingrealities, le phénomène est timidement né aux États-Unis, il y a quelques années. Avant de se répandre comme une traînée de poudre au moment de l’explosion de l’épidémie de Covid, courant 2020.

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En cette période de vie sous cloche, des légions d’ados frôlent l’asphyxie, et le shifting apparaît alors comme l’échappatoire idéal. Nadja est de celles-ci. Tandis qu’elle s’ennuie ferme, trop à l’étroit dans l’appartement confiné qu’elle partage en région parisienne avec ses parents, sa sœur et son chat, la future « heroes fuckeuse » repère sur Instagram, entre deux sessions de binge watching, un témoignage de shifting vers Poudlard. Confortablement installée dans sa chambre tapissée de posters à l’effigie de justiciers du MCU adorés « depuis l’enfance », elle s’informe « aussitôt » pour rejoindre l’aventure. Du côté du « shiftok » qui est alors en plein boum, même si, Nadja le sait désormais les « intox y pullulent » - mais aussi vers Amino, un réseau geek friendly où l’une des rares communautés françaises de shifters a vu le jour.

Sur la toile, Nadja fouille, questionne, dévore des vidéos « tips » par paquets de dix. Cette passionnée d’écriture commence à rédiger des « scripts » de shifting, comme beaucoup d’adeptes qui, par solidarité, en partagent les grandes lignes via Wattpad, notamment. « L’objectif, c’est de cadrer le contexte de « l’éveil » depuis notre CR (current reality) vers une DR (dream reality). Lieu, dates, rencontres… ». À l’aide de format Google Slides, Nadja multiplie les scénarios et découvre une flopée de shifting methods. La plus connue d’entre elles, baptisée « raven », consiste à méditer une dizaine de minutes, puis compter de 0 à 100 tout en entonnant des récitations du genre « je suis dans ma réalité désirée » pour se projeter vers elle.

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« Une tactique solide », atteste Nadja qui, de son côté, a passé « un an et demi bien tassé » à peaufiner sa technique maison. À savoir : s’allonger dans le noir en position « starfish » (jambes et bras écartés), en laissant, en fond, une musique relaxante avant d’essayer de « s’immerger » dans sa DR. Elle essaye des semaines, des mois durant. En vain. Jusqu’à ce qu’elle se retrouve soudain à une « bamboche XXL » organisée par Tony Stark, chez lui, pour fêter la capture d’un terroriste.

« Avec Loki c’est plutôt BDSM spicy, et des orgasmes comme dans la vraie vie » - Nadja

Jackpot. À partir de cette escapade « mémorable », Nadja navigue entre plusieurs réalités. La nôtre, au creux de laquelle elle « étouffe » à cause de la pression des cours et de l’overdose informationnelle, dont elle souffre comme plus d’un Français sur deux. Et puis les autres. Par exemple la « fame DR », où cette « introvertie » incarne une célèbre actrice, ainsi que les univers du MCU et de la saga littéraire d’heroic fantasy A Court of Thorns and Roses (ACOTAR). Plusieurs fois par mois, elle s'enfuit vers ces deux mondes favoris. Toujours dans le secret - les rares mentions publiques du shifting ayant valu à Nadja l’étiquette de « sorcière », ou le « soupçon d’une pathologie mentale » -, et toujours lorsque le « besoin de relâcher la pression » se fait sentir.

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Dans ces espaces rêvés, elle dérouille du vilain à l’aide de pouvoirs télékinésiques, déjoue des complots, noue des alliances et… « chill ». « Il s’agit de réalités parallèles, pas de films. On n’est pas constamment dans l’action. Même les héros papotent, bouquinent et s’ennuient ». En compagnie de ceux qu’elle appelle affectueusement ses « comfort characters », Nadja flâne, donc. Mais pas que.

Au fil des voyages, la voilà qui tisse des liens amoureux. Avec Loki, d’une part. Un gars « spicy de chez spicy » mais « toujours gentleman », qui l’initie rapidement au « BDSM, au roleplay, aux sextoys ». Avec, en bout de course, des sensations « identiques à celles ressenties en CR », soutient-elle. Puis d’égrener : « le feu au bas ventre, les frissons, la stimulation clitoridienne… ». Et « même l’orgasme pendant les cunnis, ou la pénétration ». Une affirmation pas si délirante, dans la mesure où les shifters, plongés dans un état de conscience second, pourraient expérimenter une forme d’orgasme sans contact dont les scientifiques ont déjà attesté l’existence le siècle dernier.

« Une orgie avec des lutins, un Kraken et l’Alien ? Sans façon ».

Cette recette inédite d’« hypnose érotique », Nadja la déguste aussi aux bras « plus romantiques » de Morrigan. Une « fae » - sorte d’elfe issue de l’univers ACOTAR - avec qui elle explore les horizons de sa bisexualité. « Quand t’es jeune, que tu grandis loin des lieux de socialisation pro LGBTQI+ des métropoles, et que ton environnement est fermé d’esprit, l’orientation queer reste un tabou », regrette Nadja, pour qui le shifting a représenté un safe place « salvateur » où elle a « découvert pour la première fois » les plaisirs lesbiens. Et cela « sans autre bornes que l’imagination ». De fait, un script bien ficelé pourrait lui permettre d’incarner un homme en DR. Un gnome, une biche, l’Alien de Ridley Scott - le tout copulant sous forme de partouze apocalyptique, pourquoi pas. Mais si la perspective aurait de quoi emballer les plus fantasques d’entre nous, elle ne revêt que « peu d’intérêt », aux yeux de Nadja. 

Femme d’engagement, elle préfère à la formule du fun orgiaque débridé l’opportunité de nouer des relations de couples pérennes auprès de ses avatars de cœur - en addition à celle qu’elle cultive, déjà, aux côtés de sa nouvelle amoureuse en CR (dans la vraie vie cette fois) « avec qui ça se passe très bien, merci ». Mais quid de la fidélité alors ? « Shifter n’est pas tromper », tranche Nadja tout en reconnaissant que la question « fait débat » dans le milieu.

Même si les rencontres érotiques offertes par ses amants fantastiques sont « plus olé olé » que celles partagées avec sa Juliette - qui ne sait rien de ses aventures, et auprès de qui elle « n’ose pas encore » aller « aussi loin sexuellement » - Nadja fait la part des choses : « ce qui se passe en DR reste toujours DR ». Enfin, presque. « Je ramène du shifting une meilleure acceptation de moi-même. Sans ma romance initiatique avec Morrigan, je n’aurai peut-être jamais eu le courage de me lancer dans une relation homosexuelle en CR… J’ai désormais la conviction que si j’arrive à m’assumer là-bas, je le pourrai ici aussi », affirme celle qui confie avoir récemment « freiné » le shifting pour se « concentrer » sur sa copine. La preuve ? Cette Saint-Valentin, c’est lovée dans ses bras qu’elle la savourera. Quitte à organiser un « petit quelque chose » avec ses partenaires alternatifs plus tard. Et dans d’autres mondes.

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