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Pourquoi la Corée du Nord ne cédera pas face à Trump ?

Selon de nombreux experts, la rhétorique belliqueuse de Trump ne fait qu'aggraver une situation déjà très inquiétante.

Ce mardi, en l'espace de quelques heures, la menace d'une guerre nucléaire est montée de plusieurs crans. D'abord, Donald Trump a promis «le feu et la fureur» à la Corée du Nord si elle continuait de menacer les États-Unis. Puis, comme s'il avait tout prévu, Kim Jong-un a averti que son armée était en train «d'examiner soigneusement» un projet de frappe contre une île américaine située dans le Pacifique et qui abrite une base aérienne.

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C'est la première fois depuis 23 ans que la possibilité d'une guerre entre les États-Unis et la Corée du Nord semble si réelle. À l'époque, le Pentagone avait prévu d'envoyer des missiles de croisière et des avions furtifs pour attaquer le réacteur nucléaire nord-coréen et forcer Pyongyang à négocier. Aujourd'hui, alors que la guerre des mots qui fait rage entre les deux pays atteint des niveaux jusqu'ici inégalés, les experts ne sont pas convaincus qu'une menace américaine similaire puisse intimider le régime de Kim Jong-un.

Le leader nord-coréen est prêt à tout pour bâtir un arsenal nucléaire, selon des analystes interrogés par VICE News. Selon eux, Kim Jong-un va continuer à ignorer les sanctions mises en place par l'ONU et à provoquer Trump. Son raisonnement est remarquablement simple : avoir des bombes nucléaires augmente le pouvoir du régime et lui offre un sentiment de protection.

« Le but ultime de la Corée du Nord est très simple, » dit Scott Seaman, directeur de la région Asie à l'Eurasia Group. « C'est un régime de survie, et la seule manière pour que Kim Jong-un se sente en sécurité est qu'il puisse acquérir des missiles balistiques capables de transporter des têtes nucléaires jusqu'au continent américain. »

De nombreux experts partagent l'avis de Seaman et sont d'accord sur le fait que la rhétorique belliqueuse de Trump ne fait qu'aggraver une situation déjà très inquiétante.

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« Une grande partie de la rhétorique de [Trump], en ce qui concerne les opérations militaires ou une guerre contre la Corée du Nord, aide en fait la Corée du Nord plus que les États-Unis, » dit Lisa Collins, chercheuse au CSIS (Center for Strategic and International Studies). « Plus Kim Jong-un donne l'impression d'une menace extérieure, plus il peut demander à son peuple de travailler dur pour construire des armes nucléaires. »

Selon les experts, un terrain d'entente à mi-chemin entre la guerre totale et les sanctions pourrait être trouvé en utilisant la diplomatie directe. Mais rien ne suggère que les deux camps soient prêts à s'asseoir à la table des négociations.

« [La Corée du Nord] doit être super-grandiloquente ; elle doit toujours être combative. »

« Comme Washington se fait entendre via plusieurs voix qui disent des choses différentes, il y a malheureusement peu de chances que des sanctions puissent être mises en place en dialoguant, malgré les efforts consentis, » dit James Hannah, un chercheur de la Chatham House, un think tank britannique, interrogé par VICE News.

Plusieurs présidents américains ont eu à faire face à des menaces similaires en provenance de Pyongyang, mais la grande différence aujourd'hui c'est que la Corée du Nord est devenue une menace nucléaire crédible après avoir, avec succès, testé un missile capable de transporter des têtes nucléaires jusqu'à la côte ouest américaine. De plus, bien que la dernière série de sanctions ait été célébrée comme une victoire diplomatique, il est peu probable que ces sanctions aient un impact sur le régime nord-coréen, qui, grâce au marché noir, aux entreprises de piratage informatique, et à des financements astucieux, est mieux préparé à digérer les punitions économiques que les régimes précédents.

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La stratégie de Trump avec ses sanctions et fanfaronnades va probablement juste aider Kim Jong-un à court terme, disent les experts. Selon eux, la menace « du feu et de la fureur » pourrait attiser une haine de Washington chez les Nord-Coréens et être utilisée pour justifier la manière dont Kim Jong-un défie la communauté internationale.

Cependant, une frappe préventive de la Corée du Nord contre les États-Unis reste improbable, car elle engendrerait l'annihilation totale du régime. Le secrétaire d'État américain Rex Tillerson a minimisé l'importance de la montée des tensions mardi dernier. James Mattis, le Secrétaire à la Défense des États-Unis, a incité la Corée du Nord à « cesser d'envisager toute action militaire qui engendrerait la fin de son régime et la destruction de son peuple ». Cependant, les analystes continuent de craindre une possible « guerre accidentelle ».

David Pressman, un ancien ambassadeur des États-Unis auprès des Nations unies sous Obama, dit à VICE News qu'il est difficile de prévoir la réaction de Kim Jong-un face aux déclarations imprévisibles et incendiaires de Trump en l'absence d'un message cohérent en provenance de l'administration américaine.

« Je crains que la dernière annonce du président Trump n'ait pas été sujette au type de réflexion interne et de planification qui, en général, devrait avoir lieu au sujet d'une menace concernant l'utilisation d'armes nucléaires, » dit Pressman. La réplique « du feu et de la fureur » était improvisée, et a pris les conseillers de Trump par surprise, selon le New York Times.

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Dans le camp nord-coréen, Jasper Kim, directeur du Center for Conflict Management à la Ewha Women's University de Séoul, dit à VICE News que le régime ressent le besoin de constamment faire monter les enchères en ce qui concerne la guerre des mots avec les États-Unis.

« [La Corée du Nord] doit être super-grandiloquente ; elle doit toujours être combative, » dit Jasper Kim. « Pas militairement en soi, mais en matière de propagande de guerre, de manœuvres militaires, et toutes ces autres formes dérivées de prouesses militaires. »

« Le but ultime de la Corée du Nord est très simple. »

Pendant la guerre de Corée, de 1950 à 1953, les États-Unis ont largué environ 635 000 tonnes d'explosifs sur la Corée du Nord, dont 32 557 de napalm. En 1984, un général de l'Air Force a estimé que les États-Unis avaient « tué 20 pour cent de la population ». Les Nord-Coréens se souviennent de cet épisode macabre, et Kim Jong-un s'en sert pour justifier sa position intransigeante envers les États-Unis.

La Corée du Nord a renouvelé les provocations qui lui ont déjà valu d'autres sanctions. Mais celles-ci n'affecteront pas immédiatement les élites de Pyongyang. Par contre, elles pourraient mener à des pénuries de nourriture et de produits essentiels pour le reste des citoyens du pays, et continuer à nourrir la haine des États-Unis.

Pour Kim Jong-un, avoir les missiles est la monnaie d'échange ultime : les puissantes armes lui donnent de la crédibilité et du pouvoir dans ses échanges avec de grandes puissances qui, jusqu'ici, ne la regardaient qu'avec dédain.

« Kim Jong-un voit le statut des armes nucléaires comme une garantie qu'il sera tranquille, mais aussi comme le moyen d'obtenir des concessions lors de prochaines négociations, » dit Hannah, l'expert de la Chatham House. « Plus leurs capacités sont importantes, plus ils pourront faire pression pour l'annulation des sanctions et même obtenir des concessions en matière de soutien et de durabilité. »


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