Samedi, un Californien va se lancer dans sa propre fusée pour prouver que la Terre est plate
Image : Logan Zillmer/Flickr

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Samedi, un Californien va se lancer dans sa propre fusée pour prouver que la Terre est plate

Mike Hughes s’apprête à devenir le champion des « platistes » en s’élevant à 500 mètres d’altitude depuis le désert de Mojave dans sa fusée faite maison pour en finir avec le mythe du globe terrestre.

Un beau jour de 1967, dans une scène du Pacha, Jean Gabin lançait pour la première fois cet aphorisme inoubliable, né de l’imagination féconde d’Audiard : « j’pense que le jour où on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner. » Un demi-siècle plus tard, le rythme effréné du progrès technologique permet à certains êtres humains un peu particuliers de réaliser leurs rêves stratosphériques en toute indépendance. Difficile de ne pas s’émerveiller à l’idée de voir un jour une flopée de bricoleurs suivre l’exemple de Mike Hughes, un californien de 61 ans, conducteur de limousine de son état, qui s’élancera samedi depuis la fusée qu’il a construite lui-même dans son jardin – avec le noble et admirable espoir de révéler à l’espèce humaine la seule Vérité astronomique qui vaille, à savoir que la Terre est plate.

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Un authentique pionnier, qui trouvera sans doute bientôt sa place dans les livres d’Histoire au même titre que les frères Wright, Felix Baumgartner, Antoine de Saint-Exupéry, Magellan et tous ces explorateurs intrépides qui surent, chacun en leur temps, non seulement concevoir l’impossible mais le dompter avec bravoure et revenir chez eux auréolés de gloire.

Cette fabuleuse histoire d’abnégation et de débrouillardise, nous la devons au Washington Post, qui s’est rendu au domicile du futur cosmonaute pour en apprendre davantage sur ses motivations, son plan de vol et le fonctionnement de sa fusée. Voilà donc ce que l’on sait : le 25 novembre, si les conditions météorologiques le permettent, Mike Hughes conduira jusque dans le désert de Mojave, avant de prendre place dans sa fusée à vapeur ; son mécanisme est à rapprocher de la cocotte-minute géante dont on laisserait volontairement monter la pression avant d’en retirer la soupape. Une fois le décollage enclenché depuis le pas de tir – « un mobile home lourdement modifié », écrit le Washington Post, devrait – si tout se passe bien – le propulser à 800 km/h sur une distance d’1,6 kilomètre et une altitude de 500 mètres.

Il en sortira vivant mais pas indemne, la faute à une poussée de plusieurs G, et les séquelles de l’accident le laisseront « en déambulateur pendant deux semaines. »

Un vol extrêmement court, donc, mais suffisant, selon Hughes, pour mettre fin au mythe du globe terrestre. La fusée, elle, ne connaît ni l’atmosphère ni l’atmoplate, puisqu’elle n’a encore jamais été testée. Néanmoins, Mike Hughes n’est pas le premier venu dans le monde cloisonné de l’aérospatiale : lors d’une interview-portrait réalisée par Ars Technica l’année dernière, on en apprenait beaucoup plus sur le bonhomme qui, il faut bien le reconnaître, ne manque pas de bravoure.

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Harder faster better stronger

En 2002, celui qui s’auto-surnomme « Mad » Mike obtenait un record du monde au Guinness Book après avoir effectué un saut de trente mètres dans une limousine modifiée. Pas rassasié, il décidera ensuite de se mettre aux fusées, en autodidacte. En 2012, il poste la vidéo de l’un de ses premiers tests, qui s’avèrera à peu près concluant (la fusée démarrera une fois « activée » avec une perche). Deux ans plus tard, il construit son premier prototype de fusée à vapeur habitée et débute sa carrière d’astronaute en volant près de 400 mètres au-dessus de la ville fantôme de Winkelman, selon le bon vieux principe des hommes-canon des cirques d’antan : une rampe de lancement très inclinée, un maximum de propulsion, un parachute pour atterrir. Il en sortira vivant mais pas indemne, la faute à une poussée de plusieurs G, et les séquelles de l’accident le laisseront « en déambulateur pendant deux semaines», explique-t-il.

A l’époque de l’interview avec Ars Technica, il s’apprêtait à tenter à nouveau le coup, mais avec l’objectif de franchir le canyon de Palo Duro, au Texas, en volant sur près d’un kilomètre dans sa nouvelle fusée, la X-2 « SkyLimo », à une vitesse maximale de 560 kilomètres-heure. C’est à ce moment-là que les problèmes commenceront sérieusement : le premier décollage sera décalé suite à des tests « brutaux », le second à cause d’un souci de pression, et le projet sera finalement abandonné, malgré de jolies bandes-annonces vidéo. Pour préparer son vol au-dessus du désert Mojave, initialement prévu pour 2016, Mad Mike, pas découragé, lance ensuite une page Kickstarter, « From garage to Outer Space ! ». Sur les 150 000 dollars requis pour mener à bien son projet, il en récoltera 310. A ce moment-là, aucune trace de complots de la Nasa, de Terre plate ou des Illuminati.

Un an après ses deux échecs successifs, Hughes intervient dans une émission diffusée sur Youtube et dédiée à la communauté des « flat earthers » – en français, certains utilisent le mot « platistes » – en expliquant qu’il s’est récemment converti à la théorie de la Terre plate et qu’il cherche désormais des sponsors pour son expédition. Banco : après une demi-heure de discussion entre Mad Mike et l’animateur de l’émission Tim Ozman et un savant mélange de mots-clés –pêle-mêle, « Illuminati », « anti-Christ », « francs-maçons » ou « la fausse réalité d’Elon Musk », le VRP de l’aérospatiale DIY réussit sa levée de fonds, et ses nouveaux amis platistes récoltaient rapidement 8000 dollars via GoFundMe. En novembre, rapportait Associated Press, la nouvelle fusée de Mad Mike à 20 000 dollars s’ornait d’une nouvelle couche de peinture et du label « RESEARCH FLAT EARTH » inscrit en grosses lettres. L’homme avait enfin trouvé son mécène.

Si tout se passe comme prévu, donc, Mike Hughes décollera enfin, portant dans sa fusée les espoirs fous de toute une communauté. Et s’il échoue à apercevoir le bord du monde cette fois-ci, ce ne sera que partie remise : l’année prochaine, a-t-il promis à ses mécènes, il tentera une nouvelle ascension, direction l’espace au-dessus de notre disque. Plus vite, plus loin, plus fort : qu’il soit opportuniste ou réellement convaincu, Mike Hughes n’est certainement pas homme à accepter l’échec. La science ? Il n’y croit pas, explique-t-il à Associated Press. Et tant pis si sa fusée est conçue selon des plans prenant en compte… la rotondité de la Terre. Lorsqu’il chauffera les 260L d’eau de son moteur à vapeur, quelque part sur une piste d’atterrissage désaffectée de la ville fantôme d’Amboy, au milieu du désert Mojave, rien de tout ça n’aura plus d’importance.

Certains hommes sont simplement destinés à être mis sur orbite.