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Ces footballeurs qui se lancent en politique

Dans le sillage de George Weah, d’autres joueurs sautent le pas. Et avec un certain succès, car eux aussi sont des virtuoses de la langue de bois.

La première fois qu'on en a entendu parler, on a un peu halluciné : le footballeur George Weah, accédant à la présidence du Liberia ? Et puis quoi encore ? L’idée qu’un footeux puisse atteindre la magistrature suprême a de quoi faire sourire puisque leur manque de culture générale – et pour tout dire, d’intelligence - est régulièrement raillé par les médias. Pourtant, les faits sont là : après avoir repris ses études et perdu une première fois les élections en 2005, Weah a bel et bien été élu le 26 décembre dernier et s’apprête à prendre officiellement le pouvoir ce lundi 22 janvier.

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Et il n’est pas le seul professionnel du ballon rond à s’être investi avec succès en politique. Car, comme le rappelle l’historien du sport Paul Dietschy, « les footballeurs ne sont pas tous des idiots ! Depuis les années 90, le niveau scolaire des joueurs a beaucoup augmenté ». Ainsi, le maire de Tbilissi, en Géorgie, n’est autre que Kakha Kaladze, l’ancien défenseur du Milan AC. Et au Brésil, c’est Romario, vainqueur de la Coupe du Monde 94, qui dirige Podemos, l’ancien Parti des Travailleurs qui amené le célèbre Lula au pouvoir. En octobre prochain, l’ex-buteur de la Seleçao briguera le poste de gouverneur de l’état de Rio et a récemment demandé à son ancien coéquipier, Bebeto, de tenter la chance aux élections sénatoriales.

« Ma notoriété a clairement intéressé le Maire de Metz » - Sylvain Kastendeuch, ex-défenseur du FC Metz et ex-adjoint au Maire

En France, certains joueurs s’y sont mis aussi mais… plus modestement, à l'échelon local notamment. On peut citer, par exemple, Fabien Cool, l’ancien gardien de l’AJ Auxerre, Sylvain Kastendeuch, ex-défenseur du FC Metz, José Cobos, ancien défenseur de l’OGC Nice, ou Eric Di Meco, ex-défenseur de l’Olympique de Marseille. Qu’est-ce qui peut pousser des joueurs de foot à se lancer dans l’arène politique à l’heure où ils pourraient profiter de leur retraite en claquant leur blé et en buvant des cocktails ? D’abord, il y a ce besoin d’adrénaline qui ne s’éteint pas d’un coup, simplement parce qu’on a raccroché les crampons. Or, quoi de mieux qu’une campagne électorale pour renouer avec la pression ? Et quoi de mieux qu’un meeting pour sentir à nouveau le souffle de la foule en transe scandant son nom ?

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Et puis, la popularité des footballeurs intéresse beaucoup les hommes politiques, qui n’hésitent pas à les courtiser. « Ma notoriété a clairement intéressé le Maire de Metz, Jean-Marie Raush. On en a parlé très librement, se souvient Kastendeuch, qui a été adjoint au maire chargé de la Jeunesse et des Sports entre 2001 et 2008. Oui, il se servait de moi. Mais j’y trouvais mon compte car j'étais en période de reconversion ». Habitués à être utilisés comme vitrines par les sponsors des clubs, les footeux n’y voient donc qu’une forme de continuité. D’autant que lorsqu’ils ont marqué l’histoire d’un club, donc d’une ville, ils ont déjà noué certains liens avec l’équipe municipale. Ainsi, Christian Estrosi, maire de Nice - et par ailleurs vice-champion du monde de moto – a fait appel à José Cobos pour préparer l’Euro 2016 : « il y a une porosité entre le club et la localité. On se connaissait déjà bien… », raconte José Cobos, qui s’est occupé de l’évènementiel et du mécénat sportif pour la municipalité.

« Quand je suis arrivé à la mairie, il y avait des mots que je n’avais jamais entendus de ma vie » - Sylvain Kastendeuch

Une fois en place, ces néo-politiciens doivent s’adapter aux nouveaux usages de leur nouvelle vie. C’est parfois douloureux : « quand je suis arrivé à la mairie de Metz, je suis reparti de zéro ! Il y avait des mots que je n’avais jamais entendus de ma vie ! », sourit Kastendeuch. Mais le monde politique a finalement pas mal de points de communs avec celui du foot. Notamment en ce qui concerne l’omniprésence des communicants. Après tout, il n’y a pas plus langue de bois qu’un politique et qu’un footballeur ! Dès leur plus jeune âge, ces derniers sont rodés aux discours creux dont ils inondent les conférences de presse. Pour preuve, quand on interroge Fabien Cool, désormais conseiller municipal à Auxerre, sur ses motivations, il récite parfaitement sa leçon : « j’ai toujours vu la politique comme un moyen d’améliorer la vie de la cité et de ceux qui y habitent ». Une réponse ultra convenue qui n’a rien à envier au traditionnel : « match après match, l’important ce sont les trois points » des footeux à la sortie des vestiaires. De la même manière, quand on écoute le discours ultra rodé d’un Kilian M’Bappé, 18 ans à peine, qui répète à l’envi qu’il faut avoir « le gout de l’effort » et le « respect de la valeur travail », on se dit que sa reconversion est déjà toute tracée.

Reste que la violence du monde politique laisse parfois des traces, moins visibles, mais plus douloureuses que celles que l'on reçoit sur un terrain : « le point négatif, c'est le jeu de cour, sourpire Kastendeuch. Dans ce milieu, ils sont prêts à se marcher dessus ». Depuis, l'homme est devenu vice-président de l'UNFP, le syndicat des joueurs professionnels de football. Un job ö combien politique…

Photo : Un partisan de George Weah, nouveau président du Libéria, le 27 décembre, dans les rues de Monrovia, la capitale libérienne. Photo Thierry Gouegnon / Reuters