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La parade des haricots rouges de la Nouvelle-Orléans

Descendre dans la rue couvert de légumineuses pour danser et picoler, c'est la vie que les habitants de Treme ont décidé de mener.
Haricots Rouges Parade
© Ryan Hodges pour Munchies US.

Si vous vous retrouvez au milieu de Marigny [ndlr : un quartier de la Nouvelle-Orléans mitoyen du French Quarter] le jour de Lundi Gras, vous allez être vite entouré par des gens qui dansent, pas mal d’alcool et une ribambelle de fringues recouvertes de haricots rouge.

Vous me direz, c’est normal, le nom de la Red Beans Parade (la parade des haricots rouge) aurait pu vous mettre la puce à l’oreille. Le krewe [confrérie] à l’origine du défilé est composé de 300 membres officiels, rejoint le jour de la parade par des milliers de locaux, dont certains n’hésitent donc pas à se coller des haricots rouges ou du riz sur leurs habits avant de se diriger vers Treme, le quartier historique.

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Les trottoirs irréguliers se font alors l’écho des badauds venus regarder les brass bands (fanfare locale) dégouliner de funk et se frayer un chemin dans les rues couvertes de nids-de-poule. Bienvenue à la parade qui célèbre la culture du haricot et remet Lundi Gras au cœur de la Nouvelle-Orléans.

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Photo de Ryan Hodges.

Tout a commencé il y a 11 ans, avec une poignée de personnes vraiment fans de haricots. En 2008, Devin De Wulf, créateur de la parade, parvient à convaincre dix de ses amis de se coller des légumineuses sur la tronche et de le rejoindre défiler à Treme la veille du Mardi Gras.

À l’époque, le Treme Brass Band (que l’on peut voir dans la série du même nom de David Simon) s’est même joint à cette fête qui restera dans l’histoire comme la marche inaugurale du Krewe of Red Beans. Au fil des années, le krewe s’agrandit, accueillant tous ceux qui veulent se couvrir de haricots et descendre dans la rue pour faire la fête.

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Photo de Ryan Hodges

Je suis né et j'ai grandi à la Nouvelle-Orléans. Pendant Mardi Gras, j’ai toujours baigné dans un océan de créativité, d'amour et de famille. Cette ville n’a que des plats pour dix personnes au moins. Et elle préférera toujours en servir pour cinquante.

La cuisine ne s’épanouit qu’au milieu d’une foule de ventres vides ; jambalaya épicé débordant de fragiles bols en plastique blanc, poulet épais ou gumbo à l’andouille étendus sur des lits de riz blanc et écrevisses enveloppées dans du journal, recouvrant les inepties politiques qu’on peut y lire.

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Si vous avez de la chance, vous arriverez peut-être à mettre la main sur un bol de haricots rouges et de riz recouverts d’une moutarde jaune et de sauce piquante locale, la Crystal Hot Sauce. Ce plat fait encore plus partie de l’ADN de la ville.

Vous pouvez le trouver chaque lundi dans pratiquement tous les restaus, cafés ou maisons de grand-mère. C'est un symbole aussi connu que la fleur de lys. Il représente mieux que n’importe quoi d’autre la communauté culinaire de la Nouvelle-Orléans.

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Photo avec l'aimable autorisation de Devin De Wulf.

La légende veut que le plat soit lié au premier jour de la semaine comme un moyen de transformer le banal en délicieux. Avant l'invention de la machine à laver, les lundis étaient dévolus aux tâches les plus exigeantes (genre la lessive) et le repas ne pouvait pas nécessiter beaucoup d'attention.

Les haricots trempaient la nuit, puis mijotaient doucement tout au long de la journée avec des assaisonnements et ce qui restait de viande dans les restes des repas du dimanche. Ce n'est pas super compliqué à faire, délicieux et composé d’ingrédients faciles à trouver.

On peut même dire que la Nouvelle-Orléans et les fondations de sa riche culture sont construites sur ce plat. Louis Armstrong avait l'habitude de signer ses lettres d’un « red beans and ricely yours ». C’est donc assez naturellement que le plat a aujourd’hui son propre défilé officiel le Lundi Gras – histoire de célébrer dignement l'un des piliers culinaires de la ville.

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Plus important encore, dans le plus pur style de la Nouvelle-Orléans, la parade des haricots rouges ramène Lundi Gras au cœur de la ville.

Au cours des dernières années, le Red Beans Krewe s’est associé à Eat Nola Noir, un groupe mettant en avant les institutions culinaires appartenant à des afro-américains, pour organiser des dîners dans plusieurs restaurants locaux.

Le krewe organise aussi des événements caritatifs, notamment le Bean Madness, concours de cuisine à base de haricots rouges. Tous les lundis pendant les mois précédant le Lundi Gras, ses membres se réunissent autour d’un verre pour se marrer et commencer la confection des costumes en haricots.

Plus important encore, dans le plus pur style de la Nouvelle-Orléans, la parade ramène Lundi Gras au cœur de la ville. La plupart des défilés de Mardi Gras, organisés par des krewes connus parfois composés de 700 personnes ou plus, prennent souvent le même chemin en centre-ville.

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Photo de Ryan Hodges.

Une des missions de la parade des haricots rouges, comme le dit De Wulf, est de « redonner au défilé un aspect intimiste, de quartier et magique » en limitant le nombre de ses membres à 150 par krewe et en dessinant des itinéraires qui font la part belle aux commerces locaux.

Parce qu’il y a effectivement plusieurs krewes. Au moment d'écrire ces lignes, il y en a deux ; l'OG Krewe of Red Beans et le Dead Beans Krewe, né en 2018, dont les membres s'habillent toujours avec des haricots mais célèbrent des traditions folkloriques liées la mort. Les deux groupes partent d’un côté opposé de la ville et se retrouvent à Treme.

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Photo de Ryan Hodges

C'est un des rêves de De Wulf : faire en sorte que le Lundi Gras soit composé de « plusieurs parades de haricots différentes qui ont lieu au même moment dans plusieurs endroits de la ville et qui finissent par se rejoindre à la fin ».

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Photo de Ryan Hodges

Imaginez une journée à la Nouvelle-Orléans où chaque quartier aurait son propre krewe dédié aux légumineuses qui descendrait dans la rue pour soutenir les entreprises locales sur le chemin de Treme. Et une fois arrivés dans le mythique quartier, tout le monde se mêlerait, danserait et ferait la teuf. Dans une ville qui a la forme d’un bol, ça paraît logique.


Cet article a été préalablement publié sur MUNCHIES US

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