Claudia Crobatia
Photos : Mo Schalkx
Life

Je suis coach en sensibilisation à la mort

Selon Claudia Crobatia, le fait de visualiser la façon dont vous aimeriez mourir peut vous aider à vous préparer à la mort.

La pandémie de coronavirus a obligé certains d'entre nous à regarder la mort en face pour la première fois. Il va sans dire que nous sommes souvent mal équipés pour faire face à ces sentiments, car la société moderne nous apprend à craindre la mort plutôt qu'à l'accepter comme un élément naturel de l'existence.

Claudia Crobatia, 36 ans, qui s'autoproclame « deathfluenceuse » et coach en sensibilisation à la mort, pense qu'il existe des façons plus saines d'envisager la fin de la vie. Sur son site, Claudia propose une formation sur la manière de surmonter le deuil et les angoisses liées à la mort. Elle passe également en revue les cimetières de son pays natal, les Pays-Bas. Nous lui avons demandé des conseils pour apprendre à gérer la mort, qu'il s'agisse de la nôtre ou de celle de nos proches.

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Imaginez le scénario de votre mort 

« Une fois que vous acceptez l’idée que vous allez mourir un jour, vous pouvez explorer ce que cela signifie pour vous. Réfléchissez à votre propre expérience avec la mort et à votre point de vue sur ce qui se passe à la fin de la vie. Ainsi, la mort vous semblera moins abstraite et moins terrifiante. 

Penser à sa propre mortalité est aussi vieux que l'humanité elle-même. Le proverbe latin memento mori, ou « souviens-toi que tu vas mourir », a inspiré des générations de philosophes et d'artistes romains. Mais dans la société occidentale moderne, nous évitons d’y penser. Les progrès de la médecine nous ont libéré des pressions liées à la confrontation avec la mort et la sécularisation nous a privés de rituels de deuil significatifs. 

Le mouvement de sensibilisation à la mort, dont je fais partie, veut changer cela. Prendre conscience de sa propre mortalité est la première étape. L'idée est de visualiser la version la plus optimale de votre mort pendant une « méditation de la mort ». Il existe de nombreuses méditations guidées en ligne. Dans mon cours, je vous demande d'abord d'imaginer où vous voulez mourir. Êtes-vous chez vous ou à l'extérieur, dans un paysage magnifique ? Y a-t-il quelqu'un avec vous ou êtes-vous seul ? En visualisant vos derniers moments sur terre comme étant paisibles, calmes et sereins, vous pourrez peu à peu apaiser vos craintes. »

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Appelez la mort par son nom 

« Lorsque vous tombez malade et qu'il ne vous reste plus beaucoup de temps à vivre, ou lorsqu'un être cher passe par là, cela fait beaucoup à gérer. Il y a souvent du déni : on évite le sujet de la mort et on ne reconnaît pas ce qui se passe réellement. Et je comprends, mais en affrontant ces émotions difficiles, on peut les transformer progressivement.

Lorsque mon père est décédé à l'hôpital à l'âge de 83 ans, je me suis assise à côté de lui, lui ai tenu la main et dis qu'il allait dans un lieu de liberté ultime. Qu’il était normal de laisser la vie derrière soi. Que je l'aimais tellement. Il est extrêmement précieux d’être présent dans les derniers instants d’une personne mourante et de l’aider à lâcher prise. Cela peut même être une belle expérience si vous vous permettez de ressentir cette douleur. »

Faites un plan

« Parler de la mort avec votre famille et vos amis permet de clarifier les choses, même si vous êtes en bonne santé et que vous n'avez aucune raison de penser que vous allez bientôt mourir. 

Prenez le temps d'établir votre propre plan de mort. Juste au cas où. La mort est aussi personnelle que la vie elle-même. Quelles chansons doivent être jouées ? Quels vêtements voulez-vous porter ? Préférez-vous être incinéré ou enterré ? 

Notez tout ce que vous trouvez important et parlez-en à vos proches. Mais d'abord, expliquez-leur pourquoi vous faites cela, afin qu'ils ne soient pas pris au dépourvu et ne se fassent pas de fausses idées. »

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Disséquez vos craintes

« Vous devez comprendre que la mort fait partie de la vie. C’est plus facile à dire qu'à faire, je sais. Essayez de savoir de quoi vous avez peur exactement. Est-ce la façon dont vous allez mourir ? Ou est-ce la peur de ne plus exister et d'être éventuellement oublié ? 

La peur de la mort est généralement liée au passé ou à l'avenir. Elle peut être déclenchée par un traumatisme, comme la perte d'un être cher. ou, pire encore, par une pensée catastrophique. Ces schémas de pensée ne vous aideront pas, car la réalité est souvent différente de ce que vous avez prévu. Vous ne pouvez pas changer ce qui va se passer, vous n'avez de contrôle que sur le moment présent. ».

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Promenez-vous dans un cimetière

« En s'exposant à la mort, on se familiarise automatiquement avec elle. Dès qu’il fera beau, prenez le temps de vous balader dans le cimetière le plus proche de chez vous. Un conseil : faites des recherches à l'avance sur les personnes célèbres qui y sont enterrées – leurs tombes sont généralement très intéressantes et spéciales. Lors d'une récente visite au cimetière de Gouda [la ville néerlandaise célèbre pour son fromage], j'ai trouvé la tombe de la fille cachée du poète chilien Pablo Neruda. C'est une histoire triste : parce que sa fille est née avec une hydrocéphalie (excès de liquide dans le cerveau), Neruda les a abandonnées, sa mère et elle.

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Les cimetières sont l'endroit idéal pour examiner vos pensées sur la mort. Si vous voulez aller plus loin, vous pouvez vous renseigner en lisant des livres, comme le travail de l’anthropologue américain Ernest Becker sur le déni de la mort, ou les écrits de l’écrivain américain Paul Koudounaris], qui dressent la carte des cultures de la mort dans le monde. » 

Reconnaissez que la vie éternelle serait mortellement ennuyeuse

« Une fois que vous prenez conscience que la mort est inévitable, cela change votre vision de la vie. Je vois la beauté à la fois dans la mort et dans la nature finie de notre existence terrestre. Si vous examinez le concept d'immortalité, par exemple chez les créatures mythiques comme les vampires, vous verrez qu'il y a souvent un certain sens de la futilité à la fin.

Au Pays-Bas, l’espérance de vie est d’environ 80 ans [aux Pays-Bas], alors nous réfléchissons soigneusement à ce que nous voulons faire de notre vie. En tant que mortels, nous célébrons la vie. Nous sommes obligés de ne pas attendre trop longtemps pour faire les choses que nous voulons faire. C'est pourquoi vous ne devez pas avoir peur d'embrasser votre mortalité. »

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