Surf Belgique Culture
Toutes les photos sont de Jana Van Brussel.
Culture

J’ai essayé de m’imprégner de la culture surf belge

Un petit tour d’horizon des bons trucs à savoir avant de (littéralement) plonger dans la surf-culture belge.
Matéo Vigné
Brussels, BE

Dans notre série « La nouvelle vague », on part à la rencontre de gens qui font le surf en Belgique et on s'essaie à la pratique - soleil ou pas.

Dans son immense complexité, la vie est souvent composée de petites choses relativement difficiles à expliquer. Des situations, des moments ou des événements hors du commun, perceptibles, mais qui tout de même suscitent une certaine forme de curieuses interrogations au moment de s’y confronter.

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Des photos de neige dans le désert saoudien à la fameuse porte de l’enfer turkmène, des concours de légumes géants néerlandais aux bateaux qui bloquent le canal de Suez... nombre de ces phénomènes surnaturels ou issus de la bizarrerie humaine participent au fait que vous vous arrêtiez sur cette publication, que vous vous frottiez les yeux et finissiez par vous dire « Mais non, j’y crois pas ».

La dernière fois que cet étrange phénomène m’a frappé c’est en nettoyant les spams que je reçois quotidiennement dans ma boîte mail. Avant de cliquer arbitrairement et glacialement sur ce bouton « supprimer », je me suis penché plus attentivement sur un courrier qui parlait du parcours de surfeur·ses qui partageaient avec passion leurs sessions glisse sur la côte belge. Parce que oui, malgré toutes les critiques qu’on peut entendre sur  la côte belge, celle-ci est gorgée de coins étonnants, inattendus et praticables pour n’importe quel·le fan de glisse. Du coup, si comme moi vous n’y connaissez rien en surf et encore moins en mer froide avec des vagues aussi timides qu’imprévisibles, voici un petit tour d’horizon des bons trucs à savoir avant de (littéralement) plonger dans la surf-culture belge. 

Se documenter avant de se lancer sur le beach break

Bon, niveau connaissances maritimes je suis pas trop trop largué. Dans ma vie, j'ai toujours vécu près de la mer et plus particulièrement du côté de la mer Méditerranée. Hélas, la Mare Nostrum est malheureusement célèbre pour l’irrégularité de ses vagues et, avec ce dolce far niente ambiant qui te pousse à faire la planche plutôt qu’à lutter pour attraper la meilleure vague, c’est pas forcément le meilleur terrain de jeu pour se gorger de surf. Outre le classique Point Break et la misérable saga de Brice de Nice, mes connaissances niveau culture surf sont par contre plutôt limitées. Donc, plutôt que de pratiquer sur le sable ou en mer calme, en bon novice, j’ai décidé de commencer cette initiation en surfant sur le web pour bien comprendre où je mettais les pieds.

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L'auteur en pleine recherche approfondie.

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L’une des clés d’une communication réussie, c’est de s’accorder sur les termes que l’on utilise. Pour me familiariser avec tout ce charabia décoloré à cause du sel marin, je me suis lancé dans une petite analogie lexicographique qui nous sera utile pour la suite de l’aventure (si vous n’êtes pas fans d'anglicismes, cette partie vous fera hérisser les poils). Ça peut paraître tout con mais quand en face de vous, vous avez un type qui vous sort « Malgré le line up de dingue, c’était flat, impossible de travailler mon goofy ni de terminer mon curl, le swell était pourri, pas un cutback, pas un off the lip. J’ai kick out… le wipe out complet », je peux vous dire que ça détonne. 

À savoir : 

  • Line up : zone où les surfeur·ses attendent le déferlement de la vague.
  • Flat : océan sans vagues.
  • Goofy : pied droit devant
  • Curl : partie la plus creuse de la vague.
  • Swell : houle
  • Cut back : virage intérieur long pour revenir vers l’écume
  • Off the lip : virage sur la lèvre de la vague
  • Kick-out : se jeter derrière la vague
  • Wipe Out : manoeuvre inclassable ou très très belle gamelle
  • Beach break : vagues déferlant sur fond de sable

Maintenant qu’on s’entend sur les termes, rentrons dans le vif du sujet et attaquons la vague. En naviguant sur la toile, je me rends compte qu’en Belgique, il n’y a pas que des surfeur·ses du dimanche mais une vraie communauté qui s’est créée au fil des années. Il y a un bon nombre de vidéos sur Youtube qui témoignent de cette présence accrue. La première vidéo sur laquelle je tombe en tapant « surf Belgique » c’est celle de Freedom is my medecine à Ostende. Une petite mélodie mielleuse, des vidéos au ralenti et une trame semi-héroïque dans le déroulé. Pas franchement vendeur mais à défaut de décourager, ça donne envie de continuer mes recherches. Dans les commentaires, on peut lire les avis mitigés, entre un Jean Gui super positif qui dit « Waow , amazing. It looks beautiful as you look. » ou JOHNNY SEASALT qui peste « Do not promote our spot. We have a big problem with no respect for the dunes and overcrowding. Consider and respect ». 

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Deuxième vidéo, un live stream qui dure depuis mars 2020 diffusé par Surfers Paradise, l’un des premiers surfing camp à Knokke-Heist. Un petit côté voyeur, mais c’est aussi envoûtant que les vidéos de 10 heures de faux feux de cheminée qui brûlent avec le son du bois qui crépite. Pour les pros ça doit être un sacré plus de savoir si les vagues sont au rendez-vous ou s’il ne serait pas plus judicieux de passer leur dimanche à tondre le gazon ou manger une bonne soupe à l’oignon.

Une troisième vidéo de Blankenberge, plutôt old school - elle date de 2005 - décrit avec toute l’humilité du monde le spot en question comme n’étant « pas la première destination à laquelle on pense quand on parle de surf ». La qualité des vagues, le nombre de personnes à l’eau et la vibe un peu mélancolique se rapprochent de ce que j’ai pu voir, de loin, ailleurs en termes de culture surf. On se rapproche du concret.

Au milieu de toutes ces vidéos chinées pauvrement sur le net, il y a certains noms qui reviennent en boucle. Outre les amateur·es du dimanche, on a un réel phénomène de professionnalisation dans le domaine avec des sportif·ves qui se spécialisent malgré des vagues pas forcément très imposantes. C’est surtout flagrant sur Instagram, où je trouve quelques comptes de Belges qui sont sponsorisés par des grosses marques, comme Roxy par exemple. Atypique. En même temps, qui suis-je pour juger? Il y a bien des champion·nes de pétanque en Russie ou des bobsleighers jamaïcain·es. Parmi les surfeur·ses belges les plus connu·es, notre meilleur représentant c’est Dean Vandewalle médaillé de bronze à l’âge de 14 ans aux championnats d’Europe junior ou encore Camille Kindt, professionnelle et affiliée à la team Roxy. Bon, ça aide aussi. Pour Dean, ses parents se sont installés au Costa Rica peu de temps après qu’il ne souffle ses trois premières bougies et il a passé sa vie à rider les meilleurs spots de la planète.

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En stalkant leurs magnifiques profils Instagram qui foutent les boules plus qu’autre chose, je tombe aussi sur toute une fédération. La Belgian Surf Federation (BSF), associée à la Wind en Watersport Vlaanderen, la fédération de voile et de surf, qui inclut également les disciplines du wind et du kite surf. La BSF regroupe tous les clubs et camps de surf dans le pays et inscrit les sportif·ves aux compétitions locales et internationales. 

Outre ces petites découvertes virtuelles, je me dis que le plus intéressant, et sûrement prolifique, serait d’aller sur place pour comprendre le phénomène humainement.

Un tour d’horizon des meilleurs spots

Au lieu d’être un journaliste en carton, j’ai donc décidé de fouiller directement du côté de la côte, en quête de témoignages qui m’aideront à comprendre un peu mieux cette communauté.

Mon périple commence à Ostende, la Stad aan Zee comme on l’appelle là-bas. À part ses sculptures douteuses sur le littoral, ses croquettes légendaires, son casino old school et l’appartement où Marvin Gaye a composé Sexual Healing, la plus grande ville du bord de mer regorge de coins plus ou moins accessibles pour pratiquer la glisse. Surtout du côté du nouveau port, derrière la jetée, un peu avant les grandes dunes. Un endroit bizarrement isolé de toute agitation touristique. Le spot se trouve littéralement juste en face du centre ville mais, construit plus tard pour agrandir l’activité commerciale autour de la pêche, il a su rester déconnecté du reste de la cité balnéaire. Ici se côtoient surfeur·ses, scouts maritimes et promoteurs immobiliers qui voudraient tout raser pour s’en mettre encore plein les poches. On y accède en faisant tout le tour des docks en bagnole ou grâce à un ferry qui traverse le canal.

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« La côte est identique où que l’on aille. Il n'y a pas de dangers, pas de coraux au fond, c'est juste du sable ; c'est un endroit plutôt sûr avec des vagues homogènes plus ou moins partout. C'est donc facile de surfer et d'apprendre. »

« Ostende ? Du fait de sa géographie, le mouvement du sable, le vent, les vagues, les digues qui altèrent les courants… ça reste quand même le meilleur spot ici, en Belgique », dit Oscar Gonzalez Torres (38 ans), qui fabrique ses propres planches dans un atelier au milieu des hangars réfrigérés pour stocker le poisson. « Ici, quand j’ai découvert les spots, c'était un truc exceptionnel. Le port n’était pas encore construit. Tout était complètement différent, t’avais juste deux surfeurs dans l’eau. » Mais bon, aujourd’hui, victime de son succès, le spot peut vite se transformer en embouteillage maritime quand vient l’été.

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Oscar Gonzalez Torres (Surfer's Hell)

Quelques kilomètres plus au nord, une fois dépassées les fameuses plages naturistes de Bredene, on a aussi de bons spots. Notamment, à Blankenberge ou Knokke-Heist, où la folie du surf a commencé en Belgique. « La côte est identique où que l’on aille, m’explique Frank Vanleenhove (59 ans), l’un des pionniers du surf belge. Il n'y a pas de dangers, pas de coraux au fond, c'est juste du sable ; c'est un endroit plutôt sûr avec des vagues homogènes plus ou moins partout. C'est donc facile de surfer et d'apprendre. » En général, il y a différents types de spots en Belgique, ceux qui sont naturellement bons du fait de la topographie naturelle du lieu (sable, courants, relief, vent) et d’autres qui ont bénéficié d’un petit coup de pouce artificiel notamment grâces aux différents effets provoqués par les nombreuses digues construites sur la côte. Et puis, en cas de tempête, les vagues se gorgent de puissance du fait de l’énergie éolienne et là c’est le bonheur partout (pour les personnes initiées bien sûr).

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Lors de ma recherche, je suis également tombé sur les North Sea Surfing Sisters qui proposent des expériences de surfing holistique entre femmes. Un groupe qui se veut soudé, bienveillant, qui propose des séances de partage d’expériences autour de la mer, de méditation et bien sûr des cours de surf. À la mer, je rencontre Ini Vandervorst (21 ans) qui ne fait pas partie directement des membres fondatrices de ce mouvement mais qui participe à quelques sessions ride avec elles. « N’importe quelle passionnée de surf peut rejoindre le mouvement, dit-elle. J'aime bien enseigner et apprendre en Belgique parce qu'on peut alors vraiment prendre le temps d'apprendre les bases et c'est mieux pour la technique. T’as principalement du sable et des petites vagues, ce qui est mieux pour développer ton style, pour ensuite surfer sur de plus grosses vagues. Mais il faut pas s’y méprendre, il y a aussi de grosses vagues ici. » Pour elle, qui surfe depuis qu’elle a 9 ans, le surf belge ne doit pas se limiter à la partie orientale de la côte : « Mon père vit à Nieuport, plus du côté ouest du coup. Moi, j’habitais avec ma mère du côté de Zuienkerke et en vélo j’arrivais en 10 minutes à la plage. Pratique. » 

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Ostende, province de Flandre-Occidentale

Malgré des prédispositions qui n’auraient pas fait du pays l’un des lieux les plus attractifs pour surfer, les gens ont l’air de s’être adaptés pour créer un environnement propice à la pratique sans prétention ni surexploitation. C’est en tous cas ce que je sens quand je parle avec Oscar, Frank et Ini. De quoi me chauffer pour franchir le pas. 

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Take off : le moment de se jeter à l’eau

Après toute cette excitation liée aux témoignages de passionné·es de la discipline, dans un pays sur lequel peu auraient parié, je pense que le plus raisonnable reste de tester ce que ces précieuses âmes m’ont rapporté. Donc, direction Ostende, Surfin’ Bird des Trashmen dans les oreilles et quelque peu d’appréhension. J’ai rendez-vous avec Oscar, le shaper de Surfers’ Hell qui voulait me faire tester sa planche. Je ne saurais pas vous dire si ce longboard est quali ou non, vu que mon expérience de surf se résume tout simplement à cet article et quelques vidéos sur internet mais on y va. Histoire de pas être trop largué, je répète d’abord quelques mouvements de débutant·es dans mon Airbnb grâce à des vidéos bien basiques du style Learn How to Surf In 10 Minutes. C’est un peu la loose mais c’est déjà mieux que d’arriver en gros touriste. Heureusement pour moi, les photos de cette étape n’existent pas.

Le lendemain matin, avec Oscar, on va chercher les boards, les combinaisons et la motivation. Une des choses à savoir c’est que dans tous les cas, pendant une bonne partie de l’année, il est utile, voire essentiel, d’avoir une combinaison pour ne pas crever de froid. On s’échauffe les poignets, les mains, les chevilles et on se lance. Premier constat : la planche est super lourde et se relever en combi à jeun sur le sable c’est beaucoup plus compliqué que ce que vantait le tuto YouTube… Cependant, l’accès à l’eau est assez facile, les vagues sont calmes et la spécificité d’avoir pied jusqu’à assez loin peut rassurer les novices comme moi. C’est pas Honolulu mais franchement, ça vaut le détour.

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Sur la mer, l’horizon est plat, quelques autres surfeu·ses sont là dans l’attente, comme nous. Une vague passe toutes les 5 minutes… et je la rate à chaque fois. Le temps de capter qu’elle est bonne à prendre, qu’il faut que je commence à rabattre mon corps sur la planche (tout en évitant de tomber à l’eau comme une vieille patate) et que mes bras comprennent qu’il faut ramer fort tout en faisant pivoter la board en direction de la côte, la wave a le temps de me passer dessus. Sans merci. Du coup, Oscar se porte volontaire pour m’entraîner dans une vague, tel un grand frère qui tient le vélo de son benjamin la première fois qu’il roule sans stabilisateurs. Mais bon, bingo, j’ai pris ma première vague, en galère, arrivant à me relever sur les genoux (et maudissant la fausse facilité vantée dans les vidéos sur YouTube). Ma première réaction a été de réaliser à quel point c’était physique : la planche est lourde et la combi limite les mouvements, ce qui fait que la nage et la rame se font ressentir deux fois plus fort. Tout ça mélangé au fait que j’ai sauté le petit-déjeuner de peur de dégueuler dans l’eau… pas le meilleur des choix pour avoir la niaque-sur-mer.

Cependant, comme tout le monde le rapporte, ça reste beaucoup moins stressant que les images que l’on peut imaginer sur les plages paradisiaques : moins de monde, moins de pression, moins de vagues, plus de fun. Et puis, petit bonus, les phoques se sont habitués aux fanas d’activités nautiques dans le coin et n’ont pas peur de venir faire coucou pendant qu’on attend les vagues. C’est pas exactement ce que je recherchais ni ce que j’espérais trouver mais le degré de mignonnerie d’un phoque apparaissant à quelques mètres pendant que je galère à remonter sur ma planche vaut bien tous les cocotiers et eaux turquoises du monde.

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