Crime

L’homme qui a voulu tuer le président américain

En 1981, John Hinckley se munit d’un pistolet de petit calibre et tire six balles sur Ronald Reagan. Après 40 ans de prison, il sera libéré le 15 juin.
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Cette photo acquise par UPI montre John Hinckley Jr. assis sur le mur de clôture devant la Maison Blanche. Hinckley est accusé d'avoir tenté d'assassiner le Président Ronald Reagan. La photo n'est pas datée mais on pense qu'elle a été prise au cours de l'année de la tentative de meurtre.

« Au moins tu sais que je t’aimerai toujours. Jodie, je pourrais abandonner l’idée de tuer Reagan dans la seconde si seulement je pouvais avoir ton cœur et vivre avec toi pour le reste de ma vie (…) En sacrifiant ma liberté et peut-être ma vie, j’espère que tu changeras d’avis sur moi. » 

Ces quelques mots ont été écrits quelques heures seulement avant la tentative d’assassinat de Ronald Reagan le 30 mars 1981. L’auteur de ce texte s’appelle John Hinckley, un jeune homme de 25 ans qui passera plus de quarante ans emprisonné pour avoir tenté de tuer le président des Etats-Unis. Mais à qui est adressée cette lettre dans laquelle il confie ses dernières paroles ? La fameuse « Jodie » à qui il s’adresse n’est autre que l’actrice de renommée mondiale Jodie Foster, qui n’a alors que 18 ans. 

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Depuis plus de cinq ans, John Hinckley est éperdument amoureux de la jeune actrice. Cinq ans qu’il nourrit une obsession dévorante pour celle qui incarne la jeune Iris, une prostituée de douze ans, dans le film Taxi Driver sorti en 1976. Un film qu’il a vu plus d’une quinzaine de fois. Plus il le regarde, plus il s’identifie au protagoniste principal Travis Bickle, interprété par Robert de Niro. Un vétéran de l’armée souffrant de dépression et d’insomnie qui finira par tenter d’assassiner un candidat à l’élection présidentielle. 

Cette obsession pour la jeune actrice va vite dépasser le cadre de son imaginaire. En septembre 1980, John Hinckley décide de la suivre jusqu’à son université de Yale. Il lui laisse des dizaines de notes dans son dortoir, des lettres, des poèmes et tente de l’appeler à de multiples reprises. Il annoncera même à quelques étrangers posés dans un bar de la ville que la jeune femme est sa petite-amie. 

« Ces derniers mois je t’ai laissé des dizaines de poèmes, de lettres et de messages d’amour dans le faible espoir que tu développes un quelconque intérêt pour moi. Malgré le fait qu’on se soit appelés plusieurs fois au téléphone, je n’ai jamais eu assez de culot pour t’approcher et me présenter… La raison pour laquelle je vais au bout de cette tentative maintenant, c’est que je ne peux attendre plus longtemps pour t’impressionner. » 

Quelques instants après la tentative de meurtre du président Reagan par John Hinckley, avec le secrétaire de presse de la Maison Blanche. James Brady au sol, les services secrets dégainant leurs armes et les équipes de tournage enregistrant le tout. (Photo par Dirck Halstead/Getty Images)

Quelques instants après la tentative de meurtre du président Reagan par John Hinckley, avec le secrétaire de presse de la Maison Blanche. James Brady au sol, les services secrets dégainant leurs armes et les équipes de tournage enregistrant le tout. (Photo par Dirck Halstead/Getty Images)

Bien décidé à impressionner l’actrice, il se munit alors d’un pistolet de petit calibre, généralement utilisé pour la protection, et se rend à l’hôtel Hilton à Washington où se trouve le président Ronald Reagan. Dès qu’il l’aperçoit, il tire six balles sur le président, ainsi que sur le porte-parole de la Maison Blanche, Thomas Delahanty, un officier de police et Tim McCarthy, un agent des services secrets. Parmi les quatre blessés, Thomas Delahanty est le plus grièvement touché. Il mourra trente-trois ans plus tard à la suite de ses blessures, le 4 août 2014. 

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L’homme de 25 ans est vite arrêté par les autorités. Toutefois, lors de son procès un an plus tard, John Hinckley sera reconnu non coupable de ses actes pour cause de folie. Malgré un long débat, les membres du jury finiront par reconnaître que les troubles psychiatriques de John Hinckey et son obsession dérangée pour la jeune actrice sont les principales raisons qui l’ont poussé à commettre cet acte. Selon le témoignage à la barre du psychiatre médico-légal, il souffrirait de troubles de la personnalité narcissique et schizoïde et de la dysthymie - un trouble de l’humeur défini par un état dépressif chronique - ainsi que des traits borderline et passifs-agressifs. 

Bien qu’il soit jugé non-coupable de ces crimes, John Hinckley ne partira pas libre du tribunal. Il sera interné pendant de nombreuses années à l’hôpital St. Elizabeth à Washington où il passe son temps à jongler entre les rendez-vous psychiatriques, sa passion pour la musique et à écrire des lettres en tous genres. Parmi celles que l’hôpital à trouvé, nombre d’entre elles étaient toujours destinées à la jeune actrice pour qui il gardera encore longtemps cette même obsession. Il écrira par exemple que cette fusillade était « la plus belle offrande d’amour de l’histoire du monde » et était déçu que Jodie Foster ne lui ai pas rendu son amour. 

Mais Jodie Foster n’est pas l’unique objet de sa correspondance. Parmi les lettres retrouvées, certaines semblent même prouver qu’il discutait fréquemment avec le célèbre serial killer Ted Bundy. D’autres - jamais envoyées - étaient adressées au non moins célèbre Charles Manson. Malgré tout, avec l’amélioration de son état au fil des décennies, John Hinckley a progressivement été autorisé à sortir sous conditions et de façon temporaire. Jusqu’à ce qu’en mai 2022, un rapport du gouvernement américain estime que l’homme de 67 ans est dans un état de santé suffisamment « stable » et sa maladie « en rémission complète et soutenue depuis plusieurs décennies ». 

« John Hinckley a essayé de tuer le président des Etats-Unis et il y est presque arrivé, déclarait le juge Paul Friedman quelques heures après l’annonce de la libération de Hinckley. Sans perdre de vue ce qu’il a fait il y a quarante ans, il a été l’une des personnes les plus observées [du système de santé mentale américain]... vivant sous un microscope comme aucun d'entre nous ne l'a fait. »

Après plus de quarante ans d’enfermement, John Hinckley devrait retrouver une vie normale. Enfin presque. Car la passion des Américains pour les criminels est telle que l’homme qui a presque tué le président Ronald Reagan a presque été élevé au rang de célébrité. Moins d’un mois après sa sortie, il montera sur scène à New York devant une salle comble pour présenter ses chansons. Des titres qu’il partage depuis près de deux ans sur sa propre chaîne YouTube suivie par plus de 25 000 personnes.

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