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illustration : Djanlissa Pringels
Drogue

Dernière tendance en matière de drogue récréative : les gouttes de champis

Selon un fabricant, la popularité de cette drogue liquide a récemment explosé : « On a  actuellement 900 personnes sur la liste d’attente. »

Jamais auparavant je n’avais autant entendu parler d’un produit qui m’était totalement inconnu il y a encore quelques mois qu’avec les gouttes de champignons magiques. Cet extrait de l’hallucinogène populaire est conditionné dans de minuscules bouteilles de la taille d’un pouce, vendues pour 120 à 150 euros pièce. Les utilisateurs prennent les gouttes de façon beaucoup plus désinvolte que lors d’un trip psychédélique normal — bien souvent en club, dans les festivals ou chez eux.

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Étonnamment, les organisations néerlandaises de lutte contre la toxicomanie qu’on a contactées pour cet article n’en avaient jamais entendu parler. L’Institut Trimbos, spécialisé dans la santé mentale et la toxicomanie, nous a simplement déclaré que les champignons magiques étaient « une substance à la toxicité très limitée, qui n’a que rarement des effets négatifs directs sur la santé d’un utilisateur, surtout lorsqu’elle est prise à petites doses. Le risque de dépendance est très faible. »

Malgré tout, les champignons magiques restent illégaux en France, contrairement à leurs proches cousines, les truffes magiques. Par conséquent, ces gouttes sont tout aussi illégales. C’est pourquoi nous avons modifié tous les noms des personnes que nous avons interrogées pour cet article.

Marteen, 39 ans, fabrique des gouttes de champignons depuis trois ans. « Tout a commencé il y a quelques années, quand un de mes potes a débarqué de Londres pour arriver ici, aux Pays-Bas », raconte-t-il. L’ami de Marteen avait ramené une bouteille de psilocybine, l’ingrédient psychoactif contenu dans les champignons magiques. « Nous en avions pris ensemble et à l’époque, j’avais adoré les effets : quatre à cinq gouttes avaient suffi pour un trip qui aurait normalement nécessité deux grammes de champis séchés. Alors, j’ai voulu en avoir pour moi. »

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Marteen a acheté cinq bouteilles au Royaume-Uni, à 230 € chacune. Mais après avoir fait découvrir ça à quelques potes, ils ont été très nombreux à en vouloir aussi. Au bout d’un moment, il n’était plus possible de faire venir les fioles de Londres et Marteen a décidé de les fabriquer lui-même.

« Au début, il a fallu expérimenter pour trouver le bon ratio. Ces semaines-là ont été très drôles (…) Une goutte est suffisante pour ressentir un effet léger. Six gouttes équivalent à un bon gros trip. »

« J’avais des contacts dans le monde des psychédéliques et j’ai commencé à me renseigner un peu », raconte-t-il. Personne autour de lui n’avait entendu parler de ce produit, mais il était en relation avec un chimiste à la retraite qui savait comment extraire la psilocybine des champignons. « Maintenant, il se prend pour Albert Hofmann [le chimiste qui a été le premier à identifier les composés psychoactifs des champignons] ».

Au départ, le duo n’avait qu’une cinquantaine de clients. Aujourd’hui, 900 personnes sont sur leur liste d’attente. « Nos gouttes contiennent à la fois de l’extrait de psilocybine et son homologue synthétique : le 4-AcO-DMT », explique Marteen. Le composant 4-AcO-DMT est une substance très similaire à la psilocybine, comme l’explique l’Institut Trimbos. Après consommation, certains utilisateurs ont d’ailleurs rapporté avoir eu moins de nausées qu’avec l’extrait naturel brut.

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« D’après mon expérience, cette combinaison vous fait vous replier beaucoup moins sur vous-même, par rapport à l’utilisation de psilocybine pure », déclare Marteen. « Au début, il a fallu expérimenter pour trouver le bon ratio. Ces semaines-là ont été très drôles : on a fait venir une dizaine de potes et on a fait beaucoup de tests. Certaines concoctions étaient beaucoup trop fortes, d’autres trop faibles. Après un mois, nous avons finalement trouvé le ratio parfait », poursuit-il. « Une goutte est suffisante pour ressentir un effet léger. Six gouttes équivalent à un bon gros trip. » Une fois la recette au point, ils ont commencé à vendre le produit.

Après environ un an, la demande a vraiment explosé. « Au plus fort de la pandémie, j’ai passé plusieurs jours en vélo à rouler dans tout Amsterdam », raconte Marteen. « J’avais un tableau Excel avec des numéros et des adresses et je les entrais une par une sur le GPS de mon vélo de location. J’ai vendu 60 à 70 bouteilles à cette période. »

Marteen nous a confié réinvestir la plupart des bénéfices dans la production. « On ne fait pas beaucoup de profit, mais ce n’est pas notre objectif », explique-t-il. « Si on commercialise ça, c’est parce qu’on pense que les gouttes peuvent non seulement être utilisées à des fins récréatives, mais aussi être bénéfiques pour l’esprit. »

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Bien sûr, Marteen n’ignore pas que certaines personnes réagissent négativement aux substances psychoactives et décourage toute personne ayant des antécédents psychotiques d’essayer les gouttes. « J’ai pourtant reçu beaucoup plus de feedback positif que négatif », déclare-t-il. « J’espère qu’un jour, ces gouttes seront légales. »

Carlijn, 30 ans, prof de couture et adepte des champis-gouttes, n’avait jamais essayé les psychédéliques avant la pandémie. Elle a décidé de se lancer au printemps 2020, quand son petit ami lui a suggéré l’idée. « La première fois, j’ai mis une goutte sur la peau de mon pouce et je l’ai léchée lentement », raconte-t-elle. « Ça avait un goût incroyablement amer — un peu comme de l’aspirine. Après ça, tout ce qui entrait dans mon champ de vision avait une sorte d’éclat ».

Depuis, Carlijn les a utilisées environ 40 fois, soit deux fois par mois. « En général, je prends une à deux gouttes, souvent lorsque je sors avec des amis, mais aussi quand je pars pour des randonnées en pleine nature. Ça me donne envie de caresser les plantes pendant que je marche dans les dunes. Les couleurs sont également beaucoup plus vives qu’en temps normal. » Bien que de nombreuses personnes en prennent pour leurs effets exaltants, Carlijn a déclaré que pour elle, tout était question d’aspect visuel. « J’aime simplement le fait d’être capable d’apercevoir un monde différent », a-t-elle déclaré.

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« Le trip m’a fait prendre conscience que si on décide de garder le pouvoir, on n’a besoin de personne d’autre pour se sentir en sécurité. (…) J’en ai tiré une leçon précieuse. »

Malgré cet enthousiasme, Carlijn a quand même eu une mauvaise expérience. « J’étais au Berghain à Berlin, avec un groupe de personnes que je ne connaissais pas », raconte-t-elle. « Je ne me sentais pas en sécurité, et les gouttes ont intensifié ce sentiment ». Le sentiment était si fort qu’elle est partie. « Mais une fois chez moi, le trip m’a fait prendre conscience que si on décide de garder le pouvoir, on n’a besoin de personne d’autre pour se sentir en sécurité. Donc même si je me suis sentie mal pendant un moment, j’en ai tiré une leçon précieuse. »

Dyllan, un étudiant en anthropologie de 26 ans, a lui aussi essayé les gouttes il y a environ un an, alors qu’il traînait avec des amis dans un magasin de disques à Amsterdam. « Ma vision a commencé à se modifier, certaines choses ont été agrandies et certains détails sont devenus super perceptibles », raconte-t-il. « J’ai remarqué que la paupière du gars à qui je parlais papillonnait. Je ne pouvais pas m’empêcher de rester focalisé là-dessus. Je n’arrêtais pas de penser que son œil allait tomber. Je riais beaucoup aussi, tellement que ça m’a donné un peu mal à la tête. »

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Le jeune homme a maintenant acheté sa propre bouteille et a trippé cinq fois de plus. « Outre les crises de rire, les gouttes m’amènent aussi à relativiser les choses et à tout prendre moins au sérieux. D’une certaine manière, ça m’aide à regarder mes expériences ou soucis sous un autre angle ».

Zoe, 25 ans, récemment diplômée en communication politique, a acheté une bouteille en décembre dernier avec deux autres amies, mais a déjà utilisé les gouttes plus d’une trentaine de fois. « On en prend presque tous les week-ends, pendant des teufs, dans un bar, ou posées chez des potes », a-t-elle déclaré. « Au moment où je vous parle, on a déjà grillé trois bouteilles ». Elle ne prend généralement qu’une goutte, une dose trop faible pour avoir des hallucinations, mais suffisante pour se sentir euphorique et détendue.

Il lui est pourtant arrivé d’abuser un peu. « La veille du Nouvel An, j’ai pris quatre gouttes, c’était stupide. Les plantes d’intérieur vibraient et ce qui passait à la télé a commencé à s’avancer vers moi », dit-elle. « Il n’était même pas encore minuit, j’avais toute la nuit devant moi. À un moment donné, la nouvelle meuf d’un de nos potes est entrée et je ne pouvais pas me comporter normalement, je n’arrêtais pas de rire toute seule. Tout le monde me regardait genre “meuf, qu’est-ce que tu fous ?”, mais heureusement rien de grave n’est arrivé. »

Comme toutes les drogues, les champis-gouttes ne sont pas sans risques. Pour minimiser les problèmes potentiels, assurez-vous de les tester uniquement si vous vous sentez bien, et soyez sûr d’être entouré de personnes de confiance.

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