FYI.

This story is over 5 years old.

News

Les tigres de batterie chinois

Le tigre est à la fois convoité pour ses précieux os et prisé pour son pelage – celui-ci sert à faire des tapis.

Des tigres élevés en captivité dans un enclos en Chine, extrait du rapport de l’EIA (PDF).

Le tigre est l’une des plus grosses victimes du trafic d’animaux. Ils est à la fois convoité pour ses précieux os et prisé pour son pelage servant à la confection de tapis. En Chine, la demande d’objets issus de parties de ces animaux est tellement importante qu’ils sont élevés comme des poulets.

D’après un récent rapport de l’EIA, les élevages de tigres en Chine sont immenses et renferment des milliers de bêtes en captivité, qui finissent à l’abattoir. Ce type d’élevage est possible car la Chine a légalisé le commerce de tigres, ce qui est assez bizarre quand on sait que le pays est signataire de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) qui bannit le commerce international de produits issus de tigres (ainsi que d’autres animaux comme le rhinocéros ou l’éléphant) et appelle à l’interdiction de ce commerce à un niveau national.

Publicité

Plus troublante encore, la conclusion que tire l’EIA : il semblerait que les élevages de tigres en Chine stimulent la demande de tigres sauvages. Le rapport établit que la Chine compte entre 5 000 et 6 000 tigres en captivité. Ce nombre a explosé – ils n’étaient que quelques dizaines dans les années 1980 – grâce à des politiques favorables et à un financement public de l’Administration d’État des Forêts (comme le Times l’a précisé en 2010, le plus grand élevage actuel de tigres en Chine est géré par l’AEF). Pendant ce temps-là, la population de tigres sauvages en Chine est en chute libre. Alors qu’on en comptait un peu plus de 4000 dans les années 1940, ils seraient une petite dizaine aujourd’hui.

Pourquoi ce revirement ? Les enquêteurs de l’EIA ont découvert que les peaux de tigres provenant d’un élevage légal étaient entre 50 et 300 % plus chères que celles des tigres sauvages. L’EIA soutient que l’élevage en captivité stimule la demande de produits à base de tigres, quelle qu’en soit la provenance.

L’argument est pertinent : s’il est légal d’avoir une peau de tigre dans son salon, plus de gens voudront en exhiber une pour impressionner leurs invités que si cela était interdit. Mais les peaux étant vendues à des tarifs très élevés, les consommateurs se redirigent vers une alternative plus abordable : le braconnage de tigres sauvages, en Chine ou ailleurs. Ça ne veut pas dire qu’interdire l’élevage et le commerce de tigres va automatiquement mettre un frein au trafic (ce serait purement irréaliste). Mais en autorisant le commerce légal, on soutient le trafic.

Publicité

Ce court documentaire sur le commerce des tigres en Chine est filmé en grande partie en caméra cachée par des enquêteurs de l’EIA. Il est très intéressant, bien que terriblement déprimant..

C’est vraiment le cœur du problème, comme ça l’est, d’ailleurs, quand il s’agit du commerce des cornes de rhinocéros. Ces commerces évoluent dans les sphères troubles de la quasi-légalité et ils sont donc très difficiles à réglementer : bien que les produits soient interdits, il n’est pas illégal, dans certains cas, de les posséder. Mais les tigres ont un plus gros problème que les rhinocéros, dont les cornes peuvent être récupérées sans avoir à tuer l’animal. Pour les félins, le commerce, c’est la mort.

Légalement, ces tigres valent déjà des paquets de blé – une peau peut se vendre des dizaines de milliers de dollars – mais leurs os aussi peuvent rapporter gros. Un arrêté du Conseil d’État chinois datant de 1993 a interdit le trafic des cornes de rhinocéros et des os de tigre ainsi que leur utilisation pour la médecine traditionnelle, mais cela n’a rien changé (PDF). Les dérivés d’os de tigre, et notamment le vin mariné dans la moelle, sont vendus à la vue de tous. Et pourquoi ne le seraient-ils pas ? Les os de tigres morts sont censés être détruits, mais puisque la vente des peaux est légale, qui refuserait la petite valeur ajoutée de la vente d’os ? Certainement pas les autorités chinoises.

La situation est dramatique, surtout quand on prend conscience que le nombre de tigres vivant dans des conditions pourries au sein de ces fermes est sans doute supérieur à celui de ceux qui vivent encore librement. Beaucoup de tigres en captivité ne sont pas en bonne santé mais même si c’était le cas, il ne faudrait pas croire que la Chine serait prête à utiliser ses compétences en la matière pour un programme de réintroduction du tigre dans son milieu naturel. De toute façon, on se retrouverait vite confrontés à un autre problème : celui de la réduction de leur habitat naturel.

Ainsi, des milliers de tigres sont retenus en captivité en attendant d’être transformés en tapis ou en fortifiants et alimentent du même coup le marché parallèle de leurs frères sauvages. La solution est la même que pour tout ce qui touche au trafic d’animaux : déclarer les pièces de tigres unilatéralement illégales et mettre en application ces interdictions afin de faire diminuer la demande, tout en valorisant l’aide sociale et les campagnes d’éducation pour détruire la demande malavisée de pièces de tigre en médecine traditionnelle. Bien entendu, dans les faits, il est beaucoup plus difficile de convaincre les représentants du gouvernement pour une application réelle de ces mesures.

Plus de trafic animal :

PAUVRES PETITS PANGOLINS !Ces adorables mammifères à écailles sont aussi méconnus que menacés
FOURRURE ÉLEVÉE EN PLEIN AIR – Ça reste un meurtre si l’on piège, dépèce, et coud un animal soi-même ?
TENDANCE : LES ANIMAUX ÉCRASÉS