La soirée où j'ai bouffé un steak avec le G-Unit

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Musique

La soirée où j'ai bouffé un steak avec le G-Unit

Le compte-rendu de mon dîner avec les idoles de mon adolescence Tony Yayo, Lloyd Banks et Young Buck.

J'avais huit ans quand Get Rich or Die Tryin' de 50 Cent est sorti et que le règne du G-Unit a commencé. À une époque où des MCs comme Ja Rule faisaient les crooners sur des morceaux de R&B pour grimper dans les hit-parades, Fifty et ses potes – Young Buck, Lloyd Banks et Tony Yayo – ont remis le hip-hop dans la course. Du début à la moitié des années 2000, mon monde tout entier était estampillé « Guerilla Unit ». Je les ai suivis avec attention quand ils ont sorti Beg for Mercy certifié double album de platine –, un tas de morceaux solos et de mixtapes, un jeu vidéo injouable et une ligne de fringues avec Marc Ecko.

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Dix ans plus tôt, 50 Cent était le dictateur du hip-hop et le G-Unit son clan. Ces dernières années, certains de ses membres ont eu des démêlés avec la justice et ont peu vendu, tandis que d'autres n'ont rien sorti du tout. Le collectif a aussi connu des tensions, quand Fifty a excommunié Young Buck en 2008 et s'est foutu de la gueule de Yayo et Banks, membres fondateurs du G-Unit, au printemps dernier. À la lumière de toutes ces embrouilles et de l'aura décroissante du groupe, il semblait évident qu'on ne les verrait plus sortir de tubes comme Poppin' Them Thangs et que ces étranges débardeurs G-Unit finiraient par disparaître.

Quoiqu'il en soit, le noyau du groupe a surpris tout le monde en se réunissant à l'occasion du Hot 97's Summer Jam il y a un an. Depuis, ils ont intégré un nouveau membre, Kidd Kidd, à leur collectif. Ils ont sorti une mixtape intitulée The Beauty Of Independence en août. En mars dernier, ils ont également sorti l'EP The Beast is G-Unit, qui était suffisamment bon pour nous rappeler ce qui rendait G-Unit invincible en 2003.

Vu que nous sommes toujours dans le flou total au sujet d'un éventuel retour du collectif, c'était le moment parfait pour rencontrer Young Buck, Lloyd Banks et Tony Yayo pour une interview. J'ai rencontré les rappeurs du G-Unit au Yankee Strakhouse dans le quartier de Midtown, à New York. Entre les steaks, les fruits de mer et les fans qui interrompaient le repas pour prendre des photos avec eux, on a réussi à discuter pas mal de temps. Lloyd Banks et Tony Yayo étaient particulièrement spontanés. Ils se sont livrés avec franchise, conscients de leur gloire passée et de leur possible disparition.

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VICE : Yayo et Banks, vous avez grandi tous les deux ensemble ?
Tony Yayo : Ouais. Ce n'est pas une relation normale. (Il montre Banks du doigt.) Je l'ai connu toute ma vie. Là, c'est la maison de ma mère (il dessine une carte sur la table), et là, tu as la maison de Banks. Je pouvais le voir sortir. Et Fifty était juste ici. À chaque fois que je sortais, je le voyais. Banks était bien plus jeune que moi et Fifty mais, dès ses 12 ans, je savais qu'il pouvait rapper.

Lloyd Banks : Ils me voyaient rapper en face du salon de barbier et au coin de la rue. Fifty a joué à mon premier concert. C'était le premier concours de jeunes talents auquel je voulais aller. Fifty a clôturé le concert. J'avais 12 ans, lui en avait 19. Il était avec Jam Master Jay à l'époque. Il avait fait quelques morceaux avec lui.

J'ai tiré des leçons de ce concert, et notamment comment contrôler et faire participer la foule. Yayo m'a amené voir Fifty – il m'avait déjà vu dans la rue. Une fois qu'il m'a présenté, je suis apparu sur une mixtape, puis sur une deuxième, une troisième, jusqu'au contrat d'un million de dollars [avec G-Unit Records].

Vous étiez comment, enfants ?
Yayo : On avait beau tous traîner dans les rues, on faisait des trucs différents. Quand je magouillais, Banks jouait à la balle avec ses amis – il était très jeune. Mais la musique était notre passion. On avait l'habitude d'aller dans la cave d'un pote – dans le quartier, personne n'avait rien à faire – pour trainer et écouter de la musique. Pour moi, c'est comme ça que G-Unit a commencé. C'est là qu'on a commencé à faire des impros. Je me rappelle du premier freestyle de Banks et de celui de Fifty.

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Et pour toi, Young Buck ? Tu traînais avec Cash Money quand tu étais ado, non ?
Buck : Oui. J'étais déjà dans la rue quand j'avais 13, 14 ans. J'essayais de faire du fric. J'ai rencontré Bryan « Baby » Williams et Lil' Wayne quelques mois plus tard.

Ils devaient être vraiment jeunes à l'époque…
Wayne était très jeune. Il avait 12 ans. J'avais l'habitude de passer chez Wayne avec Baby. Plus tard, quand je suis devenu membre de Cash Money, j'étais censé retourner à l'école à Nashville, dans le Tennessee. Mais j'ai quitté la région et je suis allé vivre à la Nouvelle-Orléans. Je tournais dans le coin toute la journée avec Baby, et j'ai tout appris de lui. Ensuite, on déposait Lil' Wayne et Turk à l'école.

En ce qui concerne mon enfance, elle n'a pas été très différente de celle de Banks et de Yayo. On vient tous des quartiers, on est tous partis de rien. C'est la même histoire. Je me suis rapproché du business de la musique indépendante à un âge très précoce.

À l'époque où j'ai rencontré Baby, je diffusais déjà ma musique en indépendant à travers la ville. À 14, 15 ans, je payais 300 dollars pour 1 000 CDs et je les vendais ensuite 10 dollars pièce. Tu fais le calcul. Je vendais de la came et des CDs en même temps. Je mettais mon numéro de téléphone sur les CDs ; j'avais un téléphone différent juste pour ça. J'en suis arrivé au point où ce téléphone a commencé à sonner plus que celui qui me servait à vendre de la drogue. Dès ce moment, j'ai su ce que je devais faire.

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G-Unit a un solide passif dans la rue. Aujourd'hui, la crédibilité street n'a plus d'importance. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Yayo : J'ai l'impression qu'on appartenait à une époque où de nombreux rappeurs se faisaient extorquer. Un jour, quand on tournait le clip de In Da Club, Suge Knight s'est pointé. C'était la première fois que je le voyais. Il se passait plein de trucs.

C'était chaud. Ça pouvait partir en couille à n'importe quel moment. Toutes les embrouilles qu'on a eues… Tu sais ce que c'est. Tu dois être très prudent. Banks parlait de ça. Il était jeune quand il s'est fait tirer dessus. C'était la veille du 11 septembre.

[Lloyd Banks s'est fait tirer dessus en 2001 à la sortie d'un club à South Jamaica, dans le Queens, dans ce qu'il décrit comme « un acte de violence fortuit. »]

Banks : Je me suis réveillé à l'hôpital, et j'ai regardé les tours s'effondrer. J'avais l'impression de mater Independence Day ou une merde du genre. Je ne savais pas ce que ce qui se passait avant que le vacarme se fasse entendre. Lors de ma deuxième journée à l'hôpital, des victimes sont arrivées par hélicoptère.

Qu'est-ce que ça fait de se faire tirer dessus ?
Banks : Ce n'est pas comme dans les films. Dans les films, tu vois quelqu'un se faire tirer dessus et mourir. Pour ma part, je me suis fait tirer dessus et j'ai couru sur 25 pâtés de maisons pour atteindre l'hôpital le plus proche. Si j'étais resté sur place ou si j'avais paniqué, je ne sais pas si je te parlerais aujourd'hui.

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Mais j'avais l'habitude de poser des questions comme ça à Fifty, parce qu'il s'est fait tirer dessus neuf fois. Il a des impact de balles partout. Je lui demandais souvent : « Comment t'as fait pour rester calme ? Qu'est-ce que tu as fait ? », ce à quoi il me répondait : « J'étais fou de rage de ne pas pouvoir répliquer. J'ai gardé ça à l'esprit. Parce que je savais qu'on allait faire un truc énorme. À ce moment-là, la mixtape 50 Cent Is The Future venait de sortir. Alors le jour où on m'a tiré dessus, j'étais encore plus énervé. Je suis allé à l'hôpital. Et je leur ai demandé de me soigner vite, afin de pouvoir repartir en tournée. »

Mais j'ai eu de la chance. Tous les artistes n'arrivent pas dans ce milieu avec un mentor de 10 ans leur aîné. Et Fifty avait Jam Master Jay et d'autres mecs pour savoir ce qui était bien et comment faire les choses.

Dès nos premières réunions, Fifty m'a dit que j'allais être un artiste solo. Il m'a dit: « Je pense que tu as au moins cinq albums en toi. » Il m'a dit ça quand j'avais 19 ans, en se basant simplement sur les quelques rimes qu'il avait entendu. On a fait une réunion, et il m'a présenté en disant : « Yo, voilà mon artiste, Lloyd Banks. » À ce moment-là, je me suis dit : « Ça y est. »

Buck : Le succès de G-Unit, c'est arrivé vraiment très vite. Les gens ont tendance à oublier que nous n'avons que deux ou trois albums solos. J'ai sorti Straight Outta Cashville et Buck The World. D'une certaine manière, nous sommes encore loin d'avoir tout dit. On est encore de jeunes artistes. Des artistes flambants neufs. Des artistes de platine en plus, parce que je vais te dire quelque chose à propos de ça. Cette compétition n'est désormais plus fondée sur les chiffres, et on le sait. Mais il n'existe pas encore d'autre groupe de rap dont chaque membre est certifié platine. Même N.W.A n'a pas accompli ce que nous avons accompli avec G-Unit.

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En ce qui me concerne, c'est mon heure. Je suis passé par l'adversité à son plus haut niveau. Dans ma situation, l'individu moyen se serait probablement suicidé ou jeté d'un pont. Je suis allé en prison avec amertume, et j'ai pris très vite la décision de devenir une meilleure personne. Ce n'est pas bon pour moi, pour mes enfants, et pour personne d'autre. J'ai eu mon bac en prison. J'ai utilisé ce temps passé en prison pour m'orienter ailleurs. Attendez vous à du nouveau en ce qui concerne Young Buck.

Vous pouvez me parler de l'âge d'or de G-Unit ?
Yayo : On en est arrivé à un niveau indescriptible. Je me rappelle être sorti de prison, avec mon uniforme et passer au festival Summer Jam juste après. Je venais tout juste de sortir et je me suis retrouvé à faire un énorme concert. Comment est-ce que tu peux l'expliquer ? Eminem était sur mon premier album. J'étais a Rikers Island, et Eminem portait un T-shirt « Free Yayo ». Tout le monde disait « Free Yayo ». C'était taré. Et on a fait le tour du monde.

Et finalement, regarde où on en est maintenant. Les voitures et les fans pouvaient aller et venir, mais personne ne peut m'enlever mes voyages. Je suis allé à Dubaï. Tu vois l'hôtel immense qu'il y a là-bas ? On a séjourné dedans. Pour qu'une fille puisse entrer dans ta chambre, il fallait qu'elle montre son passeport. On est allé à Amsterdam, aussi. J'ai marché dans la cellule de Nelson Mandela. J'ai eu l'occasion de visiter Mumbai, la Gold Coast, Sydney, le Brésil, le Vénézuéla, les Îles Canaries. C'était taré d'aller aux îles Canaries, je me rappelle que le sable était noir à cause des volcans. On est allé partout, mec. Et avant ça, je n'avais jamais quitté New York.

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Tu n'avais jamais quitté New York ?
La première fois que je suis sorti de New York, c'est quand Fifty a sorti Rowdy Rowdy. Je ne sais pas si tu te rappelles de ce single, mais il était sur Columbia à l'époque. Fifty m'a emmené à Cancun. Le jour ou il s'est fait tirer dessus, il était censé faire un single avec Beyoncé, « Thug's World ».

Comment c'était quand Fifty s'est fait tirer dessus ?
Je vais être franc. Quand il s'est fait tirer dessus, j'ai cru qu'il était mort. Quand je suis arrivé dans le quartier, j'ai vu les mecs de la brigade criminelle. Je me suis dit qu'il était mort. Et quand je suis arrivé à l'hosto, j'ai appris qu'il ne voulait pas que je le voie. Plus tard, je lui ai dit : « Pourquoi est-ce que tu ne voulais pas me voir ? », ce à quoi il a répondu : « Parce que ça aurait pu changer la manière dont tu me percevais. »

Il ne voulait pas que je le vois dans cet état de faiblesse. J'ai trouvé ça étrange, parce que c'était vraiment mon pote. Mais il ne voulait pas que je le voie comme ça. Il était vraiment dans un sale état.

Ce qui est taré dans tout ça, c'est à quel point on a pu aller loin. Je trouve ça fou – personne n'est censé aller aussi loin. Mais je me dis que Dieu en a voulu ainsi. On a vécu pas mal de merdes avant tout ça.

Vous avez eu pas mal de beefs, ouais.
Yayo : Ouais. J'ai l'impression que quand tu es au sommet, tu deviens une cible facile.

Mais ça vaut le coup, d'après toi ?
Oui, bien sûr. On finit par s'y habituer. On sait qu'on va se faire attaquer. Mate Iggy Azaela, elle a sorti des bons disques, mais elle se fait critiquer. Et G-Unit ? Tout le monde nous a chié dessus, et ils essayaient de nous faire passer pour les méchants.

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On a eu pas mal d'embrouilles. On récolte ce que l'on sème. Mais franchement, je ne pense pas qu'on ait initié le moindre beef. Le truc, c'est que ces embrouilles nous ont éloigné de nos anciens tubes. « So Seductive », « In Da Club », «On Fire. » les albums avec Dr. Dre, Eminem. Après, tout le monde disait qu'on clashait les autres pour vendre des disques. Pas du tout, en fait. On a fait des putains de bons albums, et on a eu des embrouilles après.

C'est quoi vos albums de rap préférés ?
Ready To Die, All Eyez On Me… Tu veux vraiment me faire choisir entre Illmatic, The Blueprint et Get Rich Or Die Trying ? Illmatic. Et merde.

Banks : Life After Death, It Was Written, Infamous.

Buck : En trois, je mets The Last Meal de Snoop, en deux The Diary de Scarface, et le meilleur de tous est Me Against The World.

Et aujourd'hui, qu'est-ce que vous écoutez ?
Yayo : Plein de mecs. Y a Drake, Joey Badass…

Banks : C'est fou, parce que sur chacun de mes projets, je travaille avec un nouvel artiste. J'ai travaillé avec Schoolboy Q, avec Jay Rock, j'ai fait quelques morceaux avec Nipsey Hussle, j'ai mis A$AP Rocky sur « Cold Corner 2 ». À l'époque, mes fans ne savaient même pas qui c'était.

Comment ça s'est passé avec lui ?
J'ai écouté ses morceaux. Je l'ai appelé juste après avoir écouté le troisième, « « Wassup ». J'ai fait pour lui ce que personne n'a fait pour moi. Je lui ai passé un coup de fil et je lui ai donné quelques conseils. J'ai commencé à lui parler de mes concerts, des expériences que j'avais vécues. Quand mon premier album est sorti, j'ai reçu un appel de Fabolous.. Quand je me suis fait tirer dessus, The Blueprint et l'album de Fab sont sortis. C'étaient les deux albums que j'écoutais à l'hôpital. Un morceau comme « Ain't No Love », c'est la bande sonore de ma vie.

C'est comme ça avec les jeunes artistes… quand j'ai rencontré Bobby Shmurda, il est venu me saluer. Et ça m'a fait du bien, parce qu'il me respectait. Et j'adore ça. C'est aussi ça, le rap. À un moment, on était exactement comme eux – on avait 19 ans et on faisait n'importe quoi.

Yayo : Oui. Et on a réussi à aller loin – merci, Dieu.

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