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Interviews

Le Jour où j’ai quitté les Hells Angels

Un entretien avec George Christie, ancien porte-parole du gang de motards devenu leur tête de Turc.

George Christie en 1976, quand il était un membre à part entière des Hells Angel. Photos publiées avec l'aimable autorisation de l'auteur

Dans les années 1950, George Christie était un gamin comme les autres qui vivait en Californie – jusqu'à ce qu'il aperçoive un motard aux cheveux longs vêtu d'une veste en jean. À ce moment-là, il eut la certitude que la vie de biker était faite pour lui. À la fin des années 1960, après une bref passage chez les Marines, George s'est mis à traîner avec les Questions Marks et les Satan Slaves – deux gangs de motards qui vivaient dans l'ombre de l'élite : les Hells Angels. Les Hells Angels était le tout dernier maillon de la chaîne, et George n'avait d'autre rêve que de rejoindre ce célèbre gang afin d'y entamer une nouvelle vie.

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Son rêve se réalisa au milieu des années 1970. Dans son livre Exile on Front Street : My life as a Hell Angel, and Beyond, il évoque ses 40 années passées en compagnie du club de motards le plus célèbre de l'Amérique. Originaire de Ventura, il a porté la flamme olympique lors des JO de Los Angeles de 1984, et il est même apparu dans sa propre série sur la chaîne History, Outlaw Chronicles. George est probablement le dernier visage connu de ce club dépourvu de figure majeure.

Ce n'est pas vraiment choquant d'apprendre qu'il a connu quelques embrouilles au cours de sa vie. George a été notamment accusé de complicité de meurtre impliquant le leader de la mafia mexicaine, avant d'être acquitté en 1987. Il a également été arrêté en 2011 pour l'incendie volontaire d'un salon de tatouage d'un club rival commis quatre ans auparavant, et a passé une année en prison après avoir plaidé coupable. C'est à ce moment-là que George a décidé de quitter l'organisation qu'il considérait comme sa « maison » – une décision qui s'est vite retournée contre lui. Peu après, beaucoup de rumeurs sur lui ont circulé, comme le fait qu'il ait officié en tant qu'indic pour le gouvernement. Je l'ai rencontré pour lui demander ce que ça fait de vivre parmi les Hells Angels, comment il a quitté le groupe et quelles ont été les conséquences de son acte.

George Christie en train de brandir la flamme olympique à Los Angeles, en 1984.

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VICE : Qu'est-ce qui vous a attiré en premier lieu chez les Hells Angels ?
George Christie : À rebours de ce que la société pense, ils ont un vrai code d'honneur. Je pouvais compter sur beaucoup de gars. Je savais que si je leur confiais quoi que ce soit, ils n'allaient jamais le retourner contre moi. C'est un monde très ésotérique et fermé, mais une fois que vous êtes accepté et que les gens connaissent votre nom, vous faites partie d'une vraie famille. Vous aviez des points d'attaches un peu partout. Je pouvais aller n'importe où en Californie, il y avait toujours un canapé sur lequel je pouvais dormir et un endroit pour faire de la moto.

C'était comme une fête qui ne s'arrêtait jamais – et par là, je ne veux pas dire qu'on se défonçait en permanence. On entrait dans les années 1970, et les contrecultures prenaient de l'ampleur. Nous étions simplement des individus qui se tenaient à des règles, toutes relatives à l'honneur, au respect de soi et à la discipline. C'est peut-être difficile à croire, mais c'était bien le cas.

Vous étiez un peu le bras droit de Sonny Barger [le leader des Hells Angels] et vous aviez un rôle primordial en tant que porte-parole attitré du groupe. Comment votre relation s'est-elle dégradée ?
Il y a une période où j'admirais vraiment Sonny. Mais il s'est passé une chose très intéressante la première fois que je suis allé en taule. J'étais au centre de détention de Terminal Island quand j'ai demandé à un des frères dans la cour :« Avec qui va-t-on de devoir se battre à l'intérieur ? », et il m'a répondu : « On ne se bat pas en prison. »

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Tout était différent à l'intérieur, on devait mettre nos rancœurs de côté et ne pas se battre, même si c'était un gang rival – en fait, on avait même quelques interactions avec eux. Quand je suis sorti en 1998, j'ai commencé à discuter avec d'autres clubs comme les Bandidos et les Mongols, et j'ai même parlé aux Pagans. C'était ma vision des choses et je pense que les intérêts de Sonny ne dépassaient pas sa propre petite personne.

Pourquoi avez-vous définitivement coupé les ponts avec les Hells ?
J'avais l'impression qu'on était devenu des mecs qui s'embrouillaient avec tout le monde, et c'est exactement ce que je leur ai dit quand je me suis barré. En 2011, on se battait avec tous les plus gros clubs criminalisés des États-Unis – et même les forces de l'ordre. À ce moment-là, j'ai compris que beaucoup de gars avaient perdu l'esprit des débuts, les règles que l'on devait suivre. On s'était transformés en militaires, chaque armée affrontait l'armée voisine.

Vous aviez prévu dès le début d'écrire sur votre expérience au sein des Hells Angels ? J'imagine que vous vous attendiez à des représailles.
Il y a eu beaucoup de rumeurs à mon sujet lors de mon départ du club en 2011. J'avais officiellement quitté les Hells Angels. Je me suis rendu à la réunion et j'ai fait ce que j'étais censé faire, j'ai suivi le protocole. Je me suis tenu droit devant tous les autres membres et je leur ai dit que nos opinions divergeaient et qu'il était préférable de s'arrêter là. J'ai enlevé mon patch, je l'ai plié et posé sur la table et tout le monde a semblé comprendre et accepter ma décision. Deux semaines plus tard, si je me souviens bien, Sonny a commencé à chercher la merde. J'ai reçu un appel m'informant que je n'avais pas suivi le protocole, que j'étais rayé de la liste et que je n'aurais plus de contact possible avec eux.

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Ils ont ensuite commencé à m'humilier sur les réseaux sociaux. D'un coup, des tas de gens que je connaissais pas – qui n'étaient pas membres du club mais plutôt des fans – se sont mis à m'accuser de toutes sortes de trucs. Alors j'ai décidé de rétablir la vérité en écrivant ce livre.

Qu'est-ce qui était le pire pour vous – vous avez perdu des amis ?
S'ils m'avaient seulement dit « Tu es radié du club », je n'aurais eu aucun problème avec ça. Mais ils ont aussi insinué que j'étais un indic, ce qui est totalement faux. Si je l'avais été, contre qui aurais-je pu témoigner ? Au cours de quels procès ? Il n'y a absolument aucune preuve. Les procureurs américains ont clôt mon dossier [en ce qui concernait les accusations de complicité dans l'incendie du salon de tatouage d'un club rival] parce qu'il y avait dix indics dedans. Ils clôturent des dossiers en permanence. Ils détruisent tout le temps des dossiers, et j'étais le seul à être allé en taule.

Est-ce vraiment un drame d'être radié du club ? On dirait que ça va vous poursuivre toute votre vie.
Être radié et ne plus avoir aucun contact avec les anciens membres est perçu comme une honte dans notre milieu – ils ne veulent pas que les gens vous parlent, de quelque manière que ce soit. Si jamais mes anciens potes me parlaient, ils s'exposaient à de gros risques pour leur adhésion au groupe.

C'était un peu comme un divorce. Au début, on veut faire ça à l'amiable. Ils n'étaient pas très heureux de ma décision mais la comprenaient. Au fur et à mesure, le ton est devenu plus agressif et c'est devenu difficile à supporter. Le téléphone sonne, alors vous répondez et vous apprenez que votre ancien camarade, celui que vous considériez comme votre frère, n'est plus votre pote. Ces gars faisaient partie intégrante de ma vie parce que je n'avais pas beaucoup de potes en dehors du club. J'ai eu du mal à l'accepter.

Seth est sur Twitter.