Rechute drogue
Photo by LUIS ROBAYO/AFP/Getty Images

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Drogue

J'ai rechuté

Après dix années de sevrage, j'ai replongé dans l'héroïne.

Cet article a été publié en partenariat avec The Influence.

Je ne pensais plus à la dope depuis des années.

Au début, ç'avait été dur. Les premiers jours, dès le réveil, je me demandais si, au fond, je n'avais pas envie de me piquer. Puis la petite voix qui me sommait de « prendre un dernier fix » s'est effacée dans un écho lointain et a disparu.

J'ai été plus longtemps clean que je n'ai été toxico. J'ai fait un aller-retour. J'ai reconstruit une nouvelle vie. Un gamin. Une nouvelle carrière d'écrivain. L'éventualité d'une rechute me semblait incongrue, aussi incongrue qu'un piano tombant du ciel pour venir s'écraser sur ma tête.

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Jusqu'au moment où j'ai rechuté.

Tout a commencé par l'accident.

On espère tous que ça ne nous arrivera jamais. Et puis tout s'est passé tellement vite. Au moment où ma fille et moi sortions de l'épicerie. Elle avait passé son après-midi à travailler sur un devoir. Elle était en CM2, je l'avais aidée et nous avions besoin de changer d'air après avoir passé trois longues heures à faire du collage, du découpage et du coloriage sans dépasser les lignes. On était sortis pour nous acheter un encas.

C'était un lundi triste de janvier 2014. Il devait être quatre heures de l'après-midi quand nous avons quitté le magasin.

J'ai pris sa main et me suis assuré que tous les véhicules étaient à l'arrêt. Un dernier coup d'œil de l'autre côté pour voir si une voiture n'était pas en approche. Personne. On pouvait y aller. Alors que nous commencions à traverser, le monde s'est soudainement renversé. Je me rappelle avoir senti mes côtes se compresser et mon souffle se couper lorsque mon corps a touché l'asphalte. Un long silence a suivi. Dans mon esprit, tout n'était qu'un nuage brumeux. Puis les mandarines que nous venions d'acheter se sont mises à rouler devant mes yeux. Elles m'ont brutalement ramené à la réalité.

J'appris plus tard qu'un SUV était rentré dans la voiture qui nous avait laissé passer. Le conducteur n'avait pas fait attention. Il pensait que cette voiture voulait simplement tourner. Il a donc contourné le véhicule à l'arrêt et nous a heurtés à une vitesse d'environ 30 km/h.

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À peine remis sur pied, j'étais entouré de gens qui me criaient de ne pas bouger, car j'aurais pu être grièvement blessé. Les phares des voitures ne formaient plus qu'un amas de faisceaux lumineux.

Je me rappelle avoir vu les baskets de ma fille au beau milieu de la route. Son corps n'était pas là, il avait été projeté plus loin. À quelques mètres de là, elle gisait complètement inerte au milieu de la rue.

Permettez-moi d'interrompre ce récit pour vous dire qu'elle s'en est sortie et qu'elle va très bien aujourd'hui. À l'heure où je vous parle, elle joue dans le parc avec un camarade de classe. Rien de bien grave : une secousse violente, quelques dents cassées et d'importantes contusions. Elle ne se souvient même pas de l'accident. Il lui reste seulement des souvenirs de l'avant et de l'après. Quelle veinarde.

Par la suite, les docteurs m'ont dit que ç'aurait pu être bien pire. Le plus difficile dans ce genre d'accident, c'est de savoir comment vivre l'après.

Ma fille l'a très bien vécu.

Je n'avais pas la moindre idée de tout ça quand j'ai vu le corps de ma gamine allongé sur le sol. Je me suis précipité vers elle. J'avais peur de la déplacer – peur d'endommager sa colonne vertébrale si cette dernière avait été touchée. Je la priais de se réveiller, en lui caressant délicatement le visage.

Heureusement, une ambulance se trouvait dans les parages et a pu intervenir très rapidement. Alors que les secours la plaçaient sur le brancard, elle s'est soudainement réveillée, suffoquant comme si elle sortait la tête de l'eau, et elle a commencé à crier de douleur.

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Cette période floue – cet interminable moment durant lequel j'étais à ses côtés et la priais de se réveiller, de ne pas mourir – n'a pas duré plus de 120 secondes. Aussi loin que je m'en souvienne, ça a duré une éternité. À chaque seconde où elle ne me répondait pas, n'ouvrait pas les yeux, la possibilité qu'elle soit morte commençait à émerger dans mon esprit.

Je ne sais pas s'il faut être parent pour comprendre la douleur que l'on ressent lorsque l'on fait face à la possibilité que son enfant meure. Un large précipice s'ouvre sous vos pieds. Je suis écrivain et j'ai passé ces deux dernières semaines à écrire et récrire ce paragraphe en espérant désespérément exprimer au mieux ma souffrance, même si ça n'a duré que quelques secondes. Je ne sais plus quoi dire. C'est le mieux que je puisse faire.

Vous savez que je ne vais pas vous parler d'un accident mais de ma rechute. Comprenez bien que ces deux événements sont intrinsèquement liés dans mon esprit.

L'accident a instauré une nette séparation entre le Tony O'Neill d'avant, celui qui écrivait durant les dix années qu'il avait passées loin de l'héroïne et le Tony O'Neill d'aujourd'hui, celui qui vous livre ce papier et qui s'interroge pour savoir comment il en est arrivé là.

Les premiers mois après l'accident ont été éprouvants. J'étais anéanti. Est-ce que je souffrais depuis toujours d'une forme de dépression ? Je pense que oui. Il y a beaucoup d'antécédents dépressifs dans ma famille – des hommes de mon sang qui trépassent au bout d'une corde ou au fond d'une bouteille de whisky. Je ne sais pas vraiment s'il existe un gène pour l'addiction et la dépression. Ma famille pense que oui.

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Je ne suis pas de la nouvelle génération d'accros à l'héroïne, de ces types qui baignent dans la dope pharmaceutique depuis leur tendre enfance. Je suis un vieux de la vieille, un junky qui idolâtrait Johnny Thunders, William Burroughs, Chet Baker et Lenny Bruce quand il était gosse.

Ma vie a toujours été bâtie sur le même modèle : une succession de hauts et de bas, à l'extrême. Et quand arrivaient ces longues périodes de morosité où un nuage noir planait au-dessus de moi, la seule chose qui me restait à faire était de m'accrocher. Je n'avais jamais pris de médicaments pour lutter contre mes troubles psychiques – je craignais de devenir complètement léthargique. Je craignais qu'ils ne brisent l'alchimie qui me rend créatif aussi bien en musique qu'en tant qu'auteur.

Mon nom ne vous dit rien ? Ne vous inquiétez pas. Je ne suis ni Stephen King, ni Salman Rushdie. Je me suis juste débrouillé pour écrire et publier assez de livres pour me considérer comme un auteur sans passer pour un escroc. Pour quelqu'un dont le métier repose sur cette mystérieuse étincelle de créativité, j'étais effrayé à l'idée que ces médicaments viennent tout gâcher.

Les choses ont rapidement changé après l'accident.

Évidemment, il y avait les cauchemars. Pendant les premiers mois, il m'arrivait de faire plusieurs cauchemars la même nuit. Je revivais inlassablement l'accident, parfois avec des variantes, de la chair lacérée, une voiture qui fuse en direction de ma fille pendant que je me tiens dans un coin, immobile.

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Mais la rage qui m'habitait était sans doute la pire des choses. Ma femme m'en a fait la remarque. Même si ma fille s'en était sortie sans aucune séquelle, ma rage contre le chauffeur, les compagnies d'assurances, le destin – tout, en fait – ne s'atténuait pas. Je me suis retrouvé dans l'incapacité d'écrire. Parfois, je passais ma journée à m'abrutir, je dormais éveillé et je revivais une fois de plus l'accident, le cœur battant et le corps inondé de sueurs froides. Je devais me débattre et détourner mon esprit pour ne pas repenser à ce jour, mais c'était trop tard.

Ma femme me sommait d'aller voir quelqu'un – un docteur, un psy, quelqu'un. J'ai refusé. Après tout, je n'étais pas fou. J'étais en colère. Et j'avais tous les droits d'être en colère.

Et à côté de ça, j'avalais une flopée d'analgésiques.

Je ne suis pas de la nouvelle génération d'accros à l'héroïne, de ces types qui baignent dans la dope pharmaceutique depuis leur tendre enfance. Je suis un vieux de la vieille, un junky qui idolâtrait Johnny Thunders, William Burroughs, Chet Baker et Lenny Bruce quand il était gosse. L'héroïne était empreinte d'une dimension mystique qui la rendait attractive à mes yeux – avec son mode de vie de hors-la-loi et la dimension artistique qu'elle impliquait. Rien à foutre des cachets, à part quand je n'avais plus rien et qu'il fallait que je reste défoncé. J'étais devenu un véritable pro pour entuber les docteurs afin d'obtenir des ordonnances pendant ma période junkie à Los Angeles.

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Sauf que là, je n'avais pas à faire d'effort pour obtenir ce que je voulais. À chaque fois que je me présentais chez le docteur en boitant – une trace de l'accident – il accourait inéluctablement pour me demander s'il me fallait quelque chose pour calmer la douleur. Fatalement, je répondais oui.

Un cachet prescrit s'est rapidement transformé en cinq comprimés avalés d'un trait deux ou trois fois dans la journée, ma consommation augmentant régulièrement jusqu'au moment où le flacon de 30 cachets d'OxyContin y passait presque.

C'était après m'être anesthésié avec des cachets que je parvenais à décrocher le téléphone et à entamer de longues et délicates négociations avec les compagnies d'assurances, les hôpitaux et les avocats. Ils semblaient tous déterminés à nous faire souffrir physiquement et financièrement.

À cause de l'absurdité d'une loi en vigueur dans le New Jersey, nos dépenses médicales n'étaient pas prises en charge. Notre compagnie d'assurances avait refusé toutes nos demandes de remboursement pour les IRM, les trajets en ambulance et les scanners, nous laissant ainsi seuls face au flot d'appels incessants provenant de services de facturation qui nous réclamaient de l'argent que nous n'avions pas.

Je ne nommerai personne, mais permettez-moi de vous dire que je n'ai aucune sympathie pour les rapaces de leur espèce.

Avant ça, j'avais beaucoup écrit sur mes années d'addiction – ma rencontre avec l'héroïne, les aventures d'un jeune junky errant dans les bas-fonds de Los Angeles et de Londres, la douleur et les sevrages. Mais ce n'est pas l'objet de ce récit aujourd'hui.

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Voilà ce que je veux vous dire : je ne pense pas que l'on puisse parler de « rechute » lorsqu'un ancien héroïnomane a besoin de prendre des opioïdes pour se soigner. Beaucoup de gens suivent un tel traitement et tout se passe très bien. Si vous faites attention – en discutant avec des professionnels et en sollicitant l'aide d'un membre votre famille pour prendre vos cachets – vous réduisez les risques. J'avais ingéré des opioïdes après être redevenu clean, dans les jours qui suivirent une opération des dents de sagesse, et tout s'était bien passé.

La différence entre cet événement et l'accident était infime mais malheureusement considérable : je prenais des cachets pour contrer une douleur émotionnelle, et non physique.

En un rien de temps, l'héroïne avait remplacé les cachets.

Naturellement, le moment arriva où les médecins ne voulaient plus me prescrire d'ordonnances. Je n'étais plus blessé. À mesure que mes ecchymoses s'effaçaient, je voyais les précieuses ordonnances s'envoler. Quand ce moment survint, le fardeau que je traînais depuis des années est devenu beaucoup trop lourd.

Je suis resté quelques jours sans rien prendre, déprimé et apathique, en essayant de me convaincre que je ne pouvais plus continuer ainsi. J'avais deux choses en tête à ce moment-là. Le suicide et l'héroïne.

Me procurer de l'héro a été aussi simple que d'aller faire mes courses à l'épicerie du coin, même si c'était la première fois que j'en achetais sur la côte Est et que je ne connaissais plus personne qui en prenait.

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Je suis sorti de la maison aux alentours de neuf heures avec la vague intention de trouver quelque chose et lorsque je suis rentré à une heure du matin, je tenais avec moi mon précieux butin : mon sachet d'héroïne. Les gens comme moi développent une sorte d'instinct qui leur permet de trouver un repère de junkies aussi facilement qu'un sourcier découvre des rivières souterraines.

C'était différent cette fois-ci. Il n'y avait pas de première idylle, aucun flottement, pas de bonheur qui vous plonge dans un coussin de béatitude pendant plusieurs jours. Au lieu de ça, je retrouvais un sentiment que j'avais délaissé il y a dix ans – un cercle étouffant de besoins incessants qui inondent votre corps. Je me haïssais et haïssais les drogues. Pourtant, en dépit de toute cette haine, je n'avais pas d'autre choix que d'en prendre.

J'étais devenu père. Voilà pourquoi cette dernière rechute était différente des autres. Ma fille n'a jamais connu l'ancien moi, cet étranger que je me suis efforcé d'enfermer dans un coin pour ne le laisser sortir qu'à travers les personnages de mes romans. Je sais très bien cacher mon jeu. Je suis un véritable expert dans l'art du subterfuge. Après avoir rechuté, il ne se passait pas un jour sans que je ne voie dans les yeux de ma fille le monstre informe, bossu et pleurnichard que j'étais devenu. Par la seule force de ma volonté je parvenais à lui dissimuler qui j'étais vraiment, mais je savais que chaque jour qui passait n'était qu'un pas de plus vers le cataclysme qui pouvait faire voler ma famille en éclats.

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Désormais, j'étais seul avec les personnes que j'aimais, ma femme et ma fille, au volant d'une bagnole qui n'avait plus de freins. Parfois, quand l'héroïne était dans ma poche et que j'étais prêt à me défoncer, je me demandais si ce dernier shoot m'achèverait.

J'ai une confession à vous faire. J'ai bien des fois imaginé ce scénario comme une délivrance.

Pas besoin de vous dire que ma femme savait pour mes problèmes d'addiction – c'était elle qui me soignait auparavant. Mes mensonges répétés face à ses soupçons croissants devenaient presque risibles à la fin. Je me suis retrouvé dos au mur lorsqu'elle a trouvé du Suboxone – un médicament qui, je l'espérais, aurait pu me faire décrocher – dans mes affaires. À ce moment-là, je pensais sérieusement à trouver un nouveau mensonge pour m'échapper.

Mais je ne l'ai pas fait. J'étais usé, comme un pauvre chien battu. Cet incident sonnait comme une libération, même si je devais affronter ma propre stupidité et tout ce qui faisait de moi un mec si pathétique. J'étais sur le point de perdre les deux êtres les plus importants de ma vie.

S'ensuivit une longue descente. Le sevrage était violent et je me tordais de douleur dans la chambre d'amis. Ma femme m'a alors proposé un deal : je pouvais rester à la maison à condition que je suive un traitement. Je l'ai supplié de me laisser gérer la situation tout seul, de m'enfermer dans une pièce et de ne me laisser sortir sous aucun prétexte.

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Elle a refusé. J'étais bon pour le traitement. Après trois jours épouvantables à transpirer toute la dope injectée, j'ai commencé à prendre régulièrement du Suboxone et à suivre une thérapie.

Des tas de gens rechutent tous les jours. Pour eux, ça fait partie intégrante de la guérison. Moi, tout ce qui m'importe c'est d'être clean, et je le suis depuis avril 2014. Cependant, j'ai décidé d'entamer en parallèle un traitement pour soigner ma dépression, à l'origine de ma consommation d'héroïne.

La première chose que j'ai faite a été de consulter un psy. Un type bien, même si je reste sceptique sur les bienfaits de la guérison par la parole. Je n'avais pas à me soucier de sa réaction si je lui disais que je luttais.

Il y a des années de ça, j'avais vu un psy dans un centre de désintoxication, un chic type qui était un ancien accro au crystal meth. Il me comprenait mieux que quiconque. Qu'on le veuille ou non, nous, les junkies, conservons une sorte d'orgueil mal placé quant aux profondeurs que nous avons côtoyées. Si nous soupçonnons notre interlocuteur de ne pas être tombé aussi bas que nous, nous avons tendance à ne pas prendre ses dires au sérieux.

C'est comme si quelqu'un avait changé la station de radio. Je suis passé d'un bruit tonitruant à un silence absolu. Au début, j'ai eu du mal à m'y habituer.

Au final, les médicaments se sont avérés plus importants pour moi que la thérapie. Mon vieil ami le Suboxone m'avait déjà sauvé la vie à plusieurs reprises et il était encore là pour moi. Lui seul parvenait à me contrôler.

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Aujourd'hui, je ne prends presque plus rien. J'essaierai de tout arrêter quand le temps sera venu, probablement dans les huit ou neuf prochains mois. Je suis content d'avoir du Suboxone plutôt que de la méthadone.

D'abord, il est accessible. Avec le Suboxone, vous pouvez prendre des « provisions » pour 30 jours – voire 60. C'est un facteur essentiel. Vous n'avez pas besoin d'opérer un retour dans les années 1990 et de vous pointer tous les matins à la pharmacie pour ingérer votre dose de méthadone devant le pharmacien. Alors que cette méthode était censée éviter la rechute, elle ressemblait davantage à une punition sous couvert de bienveillance, en s'assurant que vous vous réveilliez bien tous les matins en vous rappelant à quel point vous étiez une merde.

Ça me file encore des frissons rien que d'y repenser. Vous vous leviez le matin et la première chose que vous faisiez était de conduire votre carcasse endolorie à la pharmacie, devant les yeux accusateurs des autres clients, pendant que vous preniez votre dose de méthadone les mains tremblantes. Les mères agrippaient leurs enfants comme si vos gènes de toxico allaient les contaminer.

Le second avantage du Suboxone, c'est qu'il agit comme un inhibiteur d'opioïdes. En vérité, après avoir débuté mon traitement, je n'avais plus envie de me shooter. Je n'étais plus attiré par le mode de vie junky.

Les médicaments pour lutter contre mes problèmes psychiatriques m'ont également aidé. J'ai eu de la chance et je suis parvenu à trouver un docteur patient, compréhensif, loin des anciens mecs qui me faisaient froid dans le dos lors de mes précédentes rechutes. Avec ce docteur, on discutait à peine de mon addiction et de ma rechute pendant mes séances. On parlait simplement de la vie. Je suppose que c'était sa méthode pour comprendre ce qu'il y avait au fond de mon cerveau. Ça a pris un bon moment, mais l'héroïne, les rechutes, l'accident, tous ces trucs ne me hantent plus. J'ai préféré la vie.

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C'est comme si quelqu'un avait changé la station de radio. Je suis passé d'un bruit tonitruant à un silence absolu. Au début, j'ai eu du mal à m'y habituer. Il est désormais synonyme de normalité – une espèce de lucidité demeurée inconnue pendant tant d'années.

Ça fait un bout de temps désormais que je n'ai pas ressenti le dégoût extrême de ma personne, un sentiment qui m'empêchait alors de sortir de mon lit.

Mes journées ne sont pas toujours roses. La plupart ne le sont pas, d'ailleurs. Après tout, je suis sous antidépresseurs, pas sous MDMA. Mais ces médicaments m'ont permis de reprendre goût à la vie.

J'avais peur. Peur d'être incapable d'écrire si je prenais des médicaments. C'était des conneries, incontestablement. J'ai écrit une nouvelle l'année dernière, qui est devenue rapidement un roman. Ma peur était tellement infondée qu'elle me rappelle ma première désintox lorsque j'avais 21 ans et que je me demandais à quoi pouvait bien ressembler la vie sans héroïne :

Comment vais-je pouvoir jouer de la musique ?

La réponse était évidente : Comme avant .

Je regrette de ne pas avoir compris ça plus tôt. J'ai fait toutes les choses dont je suis le plus fier malgré ma dépression et non grâce à elle .

Lentement, ma vie a repris son cours dans la bonne direction.

Tony O'Neill est l'auteur de plusieurs romans, disponibles en France.
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