Avec les leveurs de bécanes du 94

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Avec les leveurs de bécanes du 94

Toutes les semaines, les kids du Dirty Riderz Crew se réunissent pour faire du motocross et du quad.

Toutes les photos sont d'Axel Morin

J'ai rejoint Pack, un des mecs du Dirty Riderz Crew, par une journée ensoleillée du mois de mai. Le mec est venu me chercher en scooter à un arrêt de bus quelque part dans le Val-de-Marne. Il m'a emmené dans leur QG, la petite maison d'un pote à lui dans laquelle ils entassent une dizaine de motos et de quads. J'ai attendu deux heures qu'ils sortent les bécanes. Ils vérifiaient que tout soit bien en règle – pneus, vis, bidons d'essence pour la journée, etc. On a bouffé un kebab devant le garage, on a chargé le camion et on est finalement partis vers le spot, dont je n'ai pas le droit de dévoiler les coordonnées exactes.

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J'ai découvert ces mecs sur Instagram. Vite, je suis entré en contact avec eux par Facebook – c'est toujours l'ancien du crew qui répond. Il m'a ensuite téléphoné, longtemps, pour s'assurer de mes intentions.

Tous ces mecs ont entre 14 et 35 ans. La plupart viennent du 94 – Choisy-le-Roi, Vitry-sur-Seine, Villeneuve-Saint-Georges –, mais leur délire s'étend doucement et ils accueillent depuis quelque temps des mecs du Val d'Oise – Argenteuil et Taverny –, de Seine-et-Marne, des Hauts-de-Seine ou de Paris sud. Ils font tous de la moto depuis pas mal de temps. Même les plus jeunes roulent depuis qu'ils sont tout petits. Le mouvement dont ils se réclament en revanche, le #CrossBitume, a pour sa part pris forme en France il y a deux ou trois ans.

Les bécanes avec lesquels ils roulent leur appartiennent. Il s'agit de motos de cross, pour l'essentiel, et l'on trouve quelques quads ici et là. Loin des clichés qu'on peut imaginer, ils ont les payées avec leur propre argent. Tous les adultes du Dirty Riderz Crew travaillent. En revanche, pas sûr que tous aient un permis moto.

S'ils se réunissent sur ce terrain, c'est parce qu'ils se sont fait virer de la majorité des endroits où ils sont allés précédemment – par la police, le plus souvent. Avec ce spot, ils sont tranquilles et peuvent s'entraîner, passer de bons moments à la coule loin de la jungle urbaine. Certains riders se font également des trips de nuit dans les alentours de Paris – mais ça, c'est la suite de mon projet. En tout, ils devaient être une bonne quarantaine.

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Ils se réunissent très souvent dans ce spot. Toute la journée, j'ai vu de nouveaux mecs qui arrivaient tandis que d'autres partaient ; tu tombes sur des gens que tu vois passer en début d'après-midi avec une moto, qui disparaissent, et que tu retrouves le soir sur une nouvelle moto. Une journée « normale » peut commencer à midi et se terminer aux alentours des 22 heures.

Leur rassemblement me fait un peu penser un peu à un regroupement de Hell's Angels, mais en version jeune urbain de banlieue. Ils n'ont pas de vestes ni de grosses bottes de cuir, plutôt des survêtements et de bonnes baskets.

En général, ils viennent entre potes. L'ambiance du truc est hyper bon enfant. Tu vois des mecs fumer la chicha, venir avec des barbecues remplis de merguez avec de la mayo, du ketchup et des bières. Tous se respectent et se saluent.

Le jour où j'étais là, un rider a eu un accident vénèr. Le mec faisait une roue arrière en motocross, et le pauvre bougre a glissé sur 10 mètres juste sous mes yeux, sur le bitume chaud. Résultat des courses : il a toute la peau du bras droit brûlée. Son doigt avait l'air également en très sale état. Les autres ont dû le faire transporter d'urgence à l'hôpital. Le kid a été embarqué dans le coffre du break d'un pote à eux. Toute la journée, le mec avait fait montre d'une grande maîtrise, il était super chaud, rentrait des tricks difficiles. Je crois que ce genre d'événement fait partie des risques du métier.

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Un gars me racontait qu'il pouvait y avoir jusqu'à cinq chutes tendues sur une journée – et parfois, bizarrement, aucune. Aussi, il ne faut pas oublier que les mecs roulent très vite et en t-shirt. Ou parfois même torse nu, sans protection.

Je vois un peu ce mouvement comme la scène skateboard à ses débuts en France, vers le milieu des années 1990. La police ne les comprend pas, ils sont virés de tous les spots où ils veulent rider mais contre toute attente, ils persévèrent, seulement par amour du sport. Je suis sûr que les riders de motocross deviendront un truc important en France et trouveront bientôt leur place.

Quant à moi, j'avais besoin d'aller chercher ce genre d'images – ça me fait du bien, ça m'apaise. Longue vie à tous les bike life et au Dirty Riderz Crew.

Axel fait des photos et des vidéos. Il a un site Internet.