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Une discussion avec Larry Flynt à propos de l’exécution du mec qui lui a tiré dessus

Trente-cinq ans plus tard, Flynt déteste toujours la loi du Talion.

Larry Flynt. Photo via

Larry Flynt, 71 ans, businessman du porno depuis il-y-a-super-longtemps, a dû s’exprimer la semaine dernière à propos de la peine de mort aux États-Unis, en réexpliquant pourquoi il s’y opposait. Il s’est senti le devoir de le faire suite à la récente exécution de Joseph Paul Franklin, l’homme qui lui a tiré dessus en 1978, lui ôtant au passage l’usage de ses jambes. Ce jour-là, Franklin a tenté d’assassiner Flynt. Ce dernier a survécu, condamné à vivre pour le restant de ses jours en fauteuil roulant. Larry a par la suite développé une addiction aux analgésiques à cause de la douleur intense et permanente provoquée par les blessures ; ceci l’a conduit à faire un AVC, à cause duquel il est aujourd’hui incapable de communiquer correctement. Et malgré ça, on peut considérer que Larry a eu du bol – presque toutes les cibles de Franklin sont mortes des suites de leurs blessures.

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Aujourd’hui, Franklin est mort. Il s’est fait exécuter le 20 novembre dernier dans l’État du Missouri, après avoir passé quinze ans dans le couloir de la mort, par injection de pentobarbital, médicament qui sert d’habitude à euthanasier les animaux. C’était la première fois que le Missouri utilisait cette substance, abandonnant leur cocktail traditionnel à base de trois puissants médicaments différents. Lorsque les stocks se sont épuisés, l’État a décidé de faire avec du pentoparbital, utilisant Franklin comme cobaye, lequel aurait, selon les dires des témoins, souffert atrocement lors de l’injection. Même si Franklin a reconnu avoir commis des crimes atroces – notamment l’assassinat de deux adolescents – un psychiatre, célèbre à l’époque, l’avait déclaré souffrant de schizophrénie paranoïde. Ce à quoi la Cour de l’État du Missouri n’a jamais prêté attention.

Flynt s’est longtemps battu pour empêcher l’exécution de son bourreau, poursuivant l’État et exigeant la réouverture des documents prouvant le caractère inhumain de la procédure d’exécution. Il n’a pas réussi à sauver la vie de Franklin, de la même façon que Franklin n’a pas réussi à prendre celle de Flynt.

Je me suis longtemps interrogé sur le déroulement de cet après-midi, il y a 35 ans, lorsque Larry se faisait traquer en plein jour, par un sniper invisible, sans même s’en apercevoir, jusqu’à l’assaut final. Jusqu’à maintenant, Flynt n’en a jamais voulu à son agresseur. « Je suis optimiste » continue-t-il de clamer. J’ai cherché à savoir pourquoi.

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Joseph Paul Franklin

VICE : Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez appris que Joseph Paul Franklin venait d’être exécuté ?
Larry Flynt : Ça m’indiffère. Je me suis toujours battu contre la peine de mort, ça n’a rien à voir avec lui. Le gouvernement ne doit pas s’impliquer dans cet immense marché qu’est la mort.

Pourquoi n’avez-vous pas parlé de la peine de mort plus tôt ?
Ça a toujours été mon opinion, mais je n’en ai jamais fait tout un foin en effet – notamment parce que je vois à quel point les politiques peinent à modifier ce système. Lorsque j’ai écrit ce texte, des gens du monde entier se sont précipités pour débattre avec moi autour de la peine de mort.

Allez-vous continuer à en parler en public ?
Je n’en ferai pas une croisade, mais je donnerai toujours mon opinion lorsqu’on me posera la question, oui.

Que pensez-vous du fait que les États-Unis fassent partie de ces quelques pays qui administrent encore la peine de mort ?
Eh bien, c’est ça qui me dérange. Les plus grands défenseurs de la peine de mort sont l’Iran, la Chine et les États-Unis. On ne doit pas rester dans la même catégorie que ces barbares. Je pourrais soutenir la peine de mort si encore elle était dissuasive, mais ce n’est pas le cas – et aucune preuve historique n’a pu indiquer qu’elle l’avait déjà été. On ne peut pas voir cela comme une sanction ; si vous exécutez quelqu’un en trois secondes via une injection, la sanction est achevée, ç’en est fini. En revanche, si vous le mettez dans une cellule pour le restant de ses jours, il le sentira passer.

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Pourquoi certaines personnes la défendent malgré tout, alors ?
Ils n’ont aucun sens pratique. Ils réagissent tellement à leur émotion qu’ils ne souhaitent qu’une chose : que la personne soit exécutée. Pour moi, ça n’a aucun sens. Je comprends que l’on veuille se venger, mais ce n’est pas le genre de justice que je souhaite que mon pays entreprenne. Notre système ne peut survivre en conservant la loi du Talion.

Un récent sondage de l’organisation Gallup a montré que les gens soutenaient de moins en moins la peine de mort depuis 40 ans.
C’est encourageant, en effet. Je suis fier lorsque je lis des sondages qui donnent de l’espoir. Il y a vingt ans, 80 % des gens étaient en faveur de la peine de mort – aujourd’hui, c’est 50/50. Regardez aussi la façon dont les mentalités ont évolué sur le mariage homosexuel.

Aussi, Franklin ne vous aurait pas tiré dessus s’il n’avait pas eu droit à une arme. Vous pensez quoi de la législation sur les armes aux États-Unis ?
Les gens peuvent disposer d’une arme si c’est pour « une activité sportive », mais le problème c’est que 300 millions d’armes sont utilisées pour ces prétendues activités sportives.

Admettons que l’on baisse le nombre d’armes disponibles dans tout le pays. Croyez-vous que le crime diminuera ?
La majorité des crimes commis sont le résultat d’un mélange de pauvreté, de chômage et d’échec scolaire. Lorsque les gens sont correctement éduqués, ils commettent moins de crimes que ceux qui ne l’ont pas été. C’est un problème fondamental. Lorsque nous ne finançons pas les écoles, nous ne permettons pas à nos enfants d’avoir une éducation, et ils ne sont pas en mesure de s’apercevoir qu’ils représentent une force de travail, qu’ils peuvent gagner de l’argent – et donc, qu’il ne sont pas obligés de mener une vie basée sur le crime. Cela n’est pas arrivé d’un coup. Il existe une explication, et cette explication est au cœur de la défaillance de notre société.

Pourquoi notre système éducatif est-il défaillant, selon vous ?
Il serait facile pour les politiques de se pencher la question. Les enfants ne peuvent pas se plaindre : ils n’ont pas l’âge pour ça. Les politiques sont responsables à 100%. Ils ne se soucient pas de l’éducation des jeunes Américains.

Quez pensez-vous de l’utilisation de médicaments entraînant d’atroces souffrances, comme le pentobarbital dans le cas de Joseph Franklin ?
Beaucoup de compagnies pharmaceutiques se sont opposées à l’utilisation de ce médicament dans le cas d’une mise à mort. En médecine, les anesthésistes doivent prêter le serment de ne blesser personne. Ils ne sont pas censés tuer des gens. Pourtant, ils trouveront toujours le moyen de le faire jusqu’à ce que la loi soit modifiée une fois pour toutes.