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La ville de Boston est victime d'un drame écologique : la merde d'oie

Depuis près d’une décennie, Boston est devenue le lieu de villégiature favori d'une espèce d'oie, la bernache du Canada. L'oiseau a tant de nourriture et d'abris à disposition qu'il a même renoncé à migrer.

La ville de Boston, dans le Massachussets, fondée en 1630 par des colons puritains, tient une place importante dans l'histoire américaine. Elle a vu défiler des guerres, des sièges, des révolutions. Aujourd'hui, elle est le théâtre d'un nouveau conflit qui emprunte une forme pour le moins inédite. Cette bataille, c'est la lutte contre les crottes puantes de la bernache du Canada.

Depuis près d'une décennie, Boston est devenue le lieu de villégiature favori de la bernache, une espèce d'oie qui ne migre pas, ou plutôt, qui ne migre plus. Les volatiles sont partout : parcs, mares, sentiers, terrains de foot, propriétés privées. Et partout où ils passent, ils laissent des déjections ignominieuses en quantités alarmantes. Les Bostoniens ont l'impression d'être littéralement envahis par la merde, à tel point qu'il doivent restreindre leurs allées et venues de peur de glisser sur une crotte ou de se vautrer dans la fiente en sortant d'un bar avec quelques pintes de bière. D'autres s'inquiètent du risque sanitaire, comme l'exposition à E. coli, aux salmonelles, ou au parasite Cryptosporidium, qui provoque des diarrhées.

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Une crotte de bernache du Canada dans toute sa splendeur. Image: Flickr/MrTinDC

« Une oie mange jusqu'à 2 kilos de végétaux par jour, et rejette 1,5 kg de déchets. Vu la quantité d'oies dans la ville, il faut aujourd'hui dépêcher des équipes de bénévoles pour assainir les terrains de sport. Les propriétaires de chien doivent chaque jour nettoyer les pattes de leur animal, et les piétons marchent sur la route pour éviter les trottoirs, » écrit Annissa Essaibi-George, conseillère municipale, le mois dernier.

Afin d'en savoir plus sur ce que vivaient les habitants au quotidien, j'ai déposé une demande d'accès aux documents de la ville (grâce à la Loi pour la liberté d'information américaine) auprès du Conseil municipal de Boston, qui doit traiter chaque jour une grande quantité de lettres et de plaintes concernant les oies et leurs fientes. La plupart de ces lettres ne m'ont pas appris grand-chose : les gens sont malades, fatigués, et las de constater l'état de saleté des espaces publics. Curieusement, de nombreuses lettres suggéraient que les résidents étaient préoccupés par la sécurité et le bien-être des bernaches du Canada, et surtout, qu'ils avaient des idées très précises sur le meilleur moyen de régler leur sort. Des idées parfois un peu, disons, loufoques. En voici un échantillon représentatif.

Mercredi 12 octobre 2016

Si vous voulez vraiment régler le problème des oies, appeler Atlantic Goose Management. Ils pulvérisent en masse un liquide répulsif sans danger pour les animaux. Nous l'utilisons pour contrôler les oiseaux autour de nos locaux. Elles détalent sans demander leur reste.

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Mardi 11 octobre 2016

Cher Vice-président,

Je vis à Chandler Pond depuis 1996, un endroit tout à fait charmant si l'on excepte la quantité croissante de déjections d'oie qui empêchent désormais de se promener paisiblement autour de l'étang. C'est dégoûtant, mais surtout, le risque sanitaire est réel. Toute initiative de la ville visant à contrecarrer ce problème sera grandement appréciée.

Merci.

Des bernaches du Canada à proximité du Musée des Beaux-Arts de Boston. Image: Flickr/Lorianne DiSabato

Tuesday, October 11, 2016

Chers conseillers municipaux,

Merci d'écouter les citoyens sur la question de l'infestation des oies dans les parcs et espaces publics. Le problème va bien au-delà de l'esthétique et du confort. C'est tout simplement un problème de santé publique. Il doit être traité immédiatement en allouant des fonds à l'utilisation des border collies [sic] pour déplacer les troupeaux d'oies sauvages dans une zone plus appropriée.

Au fil des ans, la population des oies a augmenté, et le parc n'a plus été le lieu privilégié des enfants et des amoureux de la nature. Autrefois, les étudiants en sciences de la Edson K-8 School venaient étudier ici, prélevant des échantillons d'eau et de plantes. Tout cela, c'est fini.

Nous payons des taxes plutôt élevées. Ne pouvons-nous pas espérer que la ville règle ce problème rapidement ? Pourtant, après des années de pétitions, de réunions avec les responsables locaux, lettres, conversations téléphoniques avec la mairie, rien n'a été fait pour nous débarrasser de ce fléau.

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Plusieurs citoyens ont soulevé des questions importantes sur le plan historique et écologique. Par exemple, une personne a fait remarquer que l'alimentation des bernaches du Canada les encourage à s'installer dans les zones résidentielles. C'est vrai. Afin de dissuader les oies sauvages de peupler les zones urbaines, le Cornell Lab of Ornithology exhorte les citoyens à ne pas nourrir les animaux.

Les experts en ornithologie de Cornell notent également que les oies migratrices et les oies non migratrices forment désormais deux populations bien distinctes en Amérique du nord. De fait, les oies résidant de manière permanente en zone urbaine sont bien nourries, à l'abri des prédateurs, et sont peu exposées aux chasseurs. En 2005, leur population a donc atteint les 3,34 millions d'individus.

Mercredi 28 septembre 2016

Cher conseiller municipal,

Merci d'avoir évoqué le problème des oies dans nos parcs.

Au mieux, elles sont une nuisance, et une source d'insalubrité. Elles interfèrent avec les cyclistes et les piétons sur les pistes cyclables. Parce qu'elles sont imprévisibles et semblent inconsciente du risque qu'il y a à traverser les routes, elles sont aussi très dangereuses. Leur instinct semble défaillant.

Évidemment il y a aussi le problème de la merde. Tous les terrains de foot de la ville en sont recouverts, c'est infernal. Je soutiendrai vigoureusement toute initiative visant à nous débarrasser de cette espèce invasive.

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Vendredi 30 septembre 2016

Bonjour,

Voici mon avis. Chez moi, il est interdit de nourrir les oiseaux et les animaux en général, pour diverses raisons. La plupart sont évidentes : si les oiseaux ont accès permanent à la nourriture, dont les réserves sont assurées par l'homme, ils n'ont aucune raison de migrer. On pourrait songer à un système de contravention pour éviter que les gens ne continuent de nourrir les animaux. Un morceau de pain, une amende.

Un autre habitant de Boston fait remarquer que les bernaches du Canada sont des animaux protégés, ce qui signifie qu'il faudra appliquer des méthodes non-létales pour se débarrasser des animaux. Tous les espèces d'oies sont, en principe, protégées par la Convention concernant la protection des oiseaux migrateurs au Canada et aux États-Unis, une loi fédérale qui interdit la chasse, le commerce, l'achat d'oiseaux migrateurs, mais également toute manœuvre qui pourrait perturber ou blesser ces animaux.

Cependant, l'United States Fish and Wildlife Service précise que « si vous êtes un propriétaire, une association de propriétaires, un gestionnaire de terrains publics ou une collectivité locale de l'un des 48 États américains ou du District de Columbia, vous êtes en mesure d'obtenir une autorisation fédérale permettant de détruire les œufs et les nids de bernaches du Canada sur la propriété placée sous votre juridiction. » Il est également possible d'obtenir un permis de chasse saisonnier pour les bernaches du Canada dans certains États.

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La population des oies a décliné de manière radicale au début du 20e siècle, quand une espèce, la bernache géante, considérée éteinte jusque-là, a été redécouverte en 1963. En raison de la chasse excessive et de la destruction de l'habitat des oiseaux, le Fish and Wildlife Service a lancé un programme efficace pour renforcer les populations à partir des années 1930.

Une mère bernache et ses petits à Fenway Park, Boston. Image: Flickr/chipmunk_1

Dimanche 2 octobre 2016

Je vous écris en tant que citoyen concerné par le problème des oies. Le mythe selon lequel les excréments seraient toxiques pour les humains et pollueraient les cours d'eau affole le public, qui appelle désormais à l'extermination des oiseaux. Il n'y a pourtant aucune preuve scientifique de la toxicité des excréments d'oie.

Les bernaches sont des oiseaux magnifiques qui ont risqué l'extinction pure et simple à cause des humains. Ces oiseaux sont protégés, et pour une bonne raison.

Mercredi 8 septembre 2016

J'exhorte la Ville de Boston à travailler en étroite collaboration avec le Boston MSPCA et avec l'association locale de la chasse et de la pêche afin d'aborder la question de l'infestation des bernaches du Canada. Il existe de nombreuses solutions à ce problème. On pourrait par exemple utiliser des chiens qui chasseraient inlassablement les oies, jusqu'à rendre la vie impossible. On pourrait également disposer des leurres en forme de coyote un peu partout, ou des drapeaux susceptibles de les effrayer.

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Si vous choisissez d'utiliser des chiens, prenez garde à ce qu'il ne blesse pas les oiseaux, ce qui pourrait causer des infections. Il faudra également éviter de les chasser pendant la période de reproduction. Je vous remercie. PS : La population de coyotes doit être régulée pour conserver un ratio prédateur/proie équilibré.

Mercredi 8 septembre 2016

Mes informations pourraient intéresser les autorités de Boston et les villes alentour.

Je viens de voir sur FOX25, et sur la 9, que les parcs de Boston avaient un problème d'oie. Il existe pourtant un moyen simple de s'en débarrasser : pulvériser du jus de pamplemousse. Il un goût amer dans la bouche des oies, qui détestent ça.

Avec ou sans ces aimables suggestions, le Conseil Municipal de Boston compte bien fixer une stratégie efficace pour se débarrasser des oies, si l'on en croit un communiqué de

Daily Free Press

, de l'Université de Boston. L'une des suggestions, présentée par Patricia Huckery, de la Massachusetts Division of Fisheries and Wildlife, consiste à « graisser » les œufs pour les faire pourrir, stoppant net le développement de l'embryon.

« Le graissage consiste à oindre les œufs avec une huile minérale ou végétale. On peut aussi percer la coquille, » explique Huckery. L'Humane society of the United States autorise les moyens non-létaux de réduire la population de bernaches, du moment où aucun animal n'est blessé.

Autres idées : installer des panneaux d'avertissement pour dissuader les promeneurs de nourrir les animaux, ou détruire les nids de manière systématique. Cependant, Jennifer McNeil, du Département des parcs et loisirs, estime que cela engendrerait un travail excessif pour le personnel des parcs, d'autant plus que les oies reconstruisent leur nid en temps record.

D'autres ont fait valoir que le lâcher de border collies était la solution idéale pour intimider les oies sans les blesser. Mais cette méthode coûte cher, et le gouvernement fédéral n'est pas près de financer une initiative aussi exubérante.

« Nous avons déjà dépensé 24000€ en un an afin de chasser les oies avec des border collies, » explique Tani Marinovich, directeur de l'Esplenade Association, une association spécialisée dans l'ingénierie écologique. « Ça a été assez peu efficace. Pourtant, les chiens sont lâchés trois fois par jour, du lundi au samedi. »

De toute évidence, les déjections d'oie ne sont pas près de disparaître de la ville de Boston. Le conseiller municipal Essaibi-George espère que les écoles, les associations de quartier et les programmes environnementaux parviendront à se mettre d'accord sur une méthode capable d'évacuer le caca à long terme. En attendant, tous les Bostoniens sont dedans.