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Le génie génétique peut-il servir aux terroristes ?

Potentiellement, les outils de génie génétique comme CRISPR-Cas9 pourraient servir à créer aisément des virus et autres agents pathogènes mortels. De quoi inquiéter les services de renseignement.

Depuis qu'il a été découvert en 2012 par les chercheuses Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, l'outil de génie génétique CRISPR-Cas9 est régulièrement présenté comme une révolution. Efficace, facile d'utilisation et peu coûteux, il permet de modifier ou supprimer une séquence ADN dans n'importe quelle cellule avec une grande précision. Ses applications potentielles sont innombrables : traitement des affections héréditaires et du cancer, lutte contre la maladie d'Alzheimer, résurrection des mammouths… Malheureusement, comme n'importe quelle avancée scientifique majeure, il pourrait également être exploité à des fins malveillantes.

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En février 2016, le directeur du renseignement national des Etats-Unis, James Clapper, a ajouté les "outils d'édition du génome" à la liste officielle des armes de destruction massive au motif qu'ils "augmentent le risque de création d'agents ou produits biologiques potentiellement nocifs". La diffusion rapide de CRISPR-Cas9 dans les laboratoires du monde entier a sans doute motivé cette décision. La controverse consécutive a poussé le Conseil national consultatif pour la biosécurité (CNCB) français à se saisir de la question des manipulations génétiques. Les conclusions de cet organisme créé en août 2015 pour surveiller les dangers liés aux progrès des sciences de la vie ont été rendues publiques mardi 7 février.

Antoine Danchin, le microbiologiste qui a coordonné les travaux du CNCB sur les outils de génie génétique, se montre rassurant dans des propos rapportés par Le Monde : "Notre avis est assez différent de celui des services secrets américains. CRISPR-Cas9 n'est rien d'autre qu'une amélioration de techniques disponibles depuis des décennies. De plus, c'est intéressant pour manipuler les cellules eucaryotes (qui possèdent un noyau, ndlr), mais cela n'accroît pas le risque concernant les micro-organismes pathogènes, virus ou bactéries". Le rapport du CNBC, dont les annexes sont classées secret défense, l'affirme : " en l'état de l'art", CRISPR-Cas9 "ne permet pas d'accroître fondamentalement le risque de prolifération d'armes biologiques".

Malgré cette bonne nouvelle, le problème du mauvais génie génétique est loin d'être réglé. Au cours de leurs recherches, les scientifiques du CNCB se sont également intéressés à la biologie de synthèse. Le Génopole d'Evry explique que cette science émergente "permet de concevoir, puis de construire des systèmes biologiques", c'est-à-dire d'assembler le vivant en laboratoire. Le CNCB s'inquiète de ses progrès ; pour Antoine Danchin, elle "pose la question de la possibilité de recréer de novo des micro-organismes déjà existants dans la nature, notamment des virus (…) qui pourraient présenter de réels risques pour la sécurité sanitaire des populations". Variole, maladie du charbon, botulisme… Dans un futur catastrophique, terroristes et États voyous utiliseront la biologie de synthèse pour manufacturer ces fléaux.

La communauté internationale agit déjà pour limiter ces risques. Les 41 pays membres du Groupe d'Australie contrôlent l'exportation d'équipements biologiques sensibles. La Chine et la Russie ne font pas partie de l'alliance. Au niveau privé, 80% des sociétés qui offrent des services de synthèse de gènes font surveiller leurs commandes par l'International Gene Synthesis Consortium (IGSC), une association de prévention contre la dissémination d'éléments dangereux. Les 20% du marché restants sont libres de mettre le monde en danger. De son côté, le CNCB recommande de sensibiliser les responsables de laboratoire et les chercheurs, de renforcer la collaboration entre spécialistes de la microbiologie et de surveiller les bases de données répertoriant les génomes des agents pathogènes. On aimerait être complètement rassuré.