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Je suis ce mec qui vous livre des sandwiches sur les pistes

L’idée, c’est que si vous avez décidé de pique-niquer sur les pistes, on vous livre un truc de qualité – sérieux, vous n’avez pas fait toute cette route pour vous enfiler le même genre de merde que d’habitude.

Depuis le début de la saison d'hiver, j'écume les pistes de Serre-Chevalier avec mon sac isotherme et mon snowboard pour livrer des sandwiches aux skieurs qui préfèrent manger un bout sur place – plutôt que d'avoir à redescendre en bas de la station et faire la queue pour avaler un panini en vitesse. Je suis une sorte de Deliveroo de la glisse, si vous voulez, à ceci près que les sandwiches, avec ma compagne, c'est nous qui les préparons – et que dans la mesure du possible, on n'utilise que des produits bien de chez nous.

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On tenait à fonctionner uniquement avec du local, et ce n'est pas forcément ce que proposent les snacks, dans le coin. L'idée, c'est que si vous avez décidé de pique-niquer sur les pistes, on vous livre un truc de qualité – pas un jambon-beurre avec du pain de la veille… Sérieux, vous n'avez pas fait toute cette route pour vous enfiler le même genre de merde que d'habitude. Regardez autour de vous : le ciel est d'un bleu parfait, il reste quelques traces à faire dans les couloirs de la Balme et derrière vous, d'énormes rochers se dressent, entourés de choucas… N'allez pas gâcher tout ça avec deux tranches de pain de mie !

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Que ça vous plaise ou non, vos sandwiches doivent s'adapter à la beauté du lieu. C'est pour ça qu'on bosse avec des fromagers du coin et de la viande locale. Vu les kilomètres de route que vous avez déjà avalés, autant en profiter pour découvrir un peu de gastronomie locale, non ? Qui, ici, a déjà goûté du fumeton d'agneau, hein ? Le nôtre est à base de noix de gigot, fumée au bois de chêne et de hêtre. Ajoutez-y une tomme locale affinée six semaines minimum, et vous transformez un vulgaire casse-dalle en un moment de grâce…

Il y a un peu plus de dix ans, j'ai mis un terme à ma carrière de snowboarder professionnel. Après avoir écumé la planète pour me jeter dans des halfpipes de glace, j'ai raté ma qualification aux Jeux Olympiques de Salt Lake City à cause d'une épaule en vrac : il était temps pour moi de passer à autre chose. Vous vous demandez sûrement comment un ancien snowboarder professionnel est devenu livreur de sandwich… C'est tout simple en fait. J'ai d'abord occupé des postes d'entraîneur, puis j'ai monté ma propre structure pour enseigner le snowboard à de très jeunes enfants – une initiative assez rare, dans un pays où le ski alpin reste un passage presque obligatoire vers le snowboard. Cette année, histoire de me diversifier, j'ai lancé Easy Vallée avec ma compagne et trois amis. L'idée : proposer des services pour faciliter la vie des vacanciers, tout en me permettant de continuer à passer du temps sur les pistes !

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livreur sandwich piste

On s'est demandé ce qui manquait dans la Vallée et en fait, le constat s'est fait assez simplement. Pour nos amis parisiens de passages, ce qu'il fallait, c'était plus de services : ils ont l'habitude d'avoir tout, tout de suite ou d'avoir accès à des services qui facilitent la vie, et ça en montagne, ça n'existe pas vraiment. Pour nous, le déclic, ça a été les enfants : on en a trois, et c'est déjà tellement galère d'avoir à les préparer pour le ski, de ne rien oublier (entre les bâtons, le casque, les gants…), qu'une fois que tu as fait le tour de tout ça, tu n'as pas envie de te demander comment tu vas t'organiser pour manger à midi ! Alors, la livraison de sandwiches sur les pistes, pour ne pas avoir à porter le sac toute la journée, c'est l'idée qui s'est imposée. Mais on ne s'est pas limités aux sandwiches : on livre aussi de quoi se faire des grillades, puisque la station dispose de deux aires de barbecue en accès libre.

On demande à certains jeunes du coin d'assurer des livraisons. Ça leur permet de se faire un petit billet, et de rider gratuitement après leur livraison, puisque c'est nous qui payons le forfait.

En gros, les clients passent leur commande la veille au soir, ou le jour même jusqu'en milieu de matinée. On les prépare, et on les livre à l'heure convenue, sur l'un de nos cinq lieux de rendez-vous, répartis sur le domaine. Selon le volume de commande, on demande à certains jeunes du coin d'assurer une partie des livraisons. Ça leur permet de se faire un petit billet, et de rider gratuitement après leur livraison, puisque c'est nous qui payons le forfait. Pour ceux qui sont en ski, aller sur les pistes avec ce sac isotherme, léger mais rigide, ça ne pose pas vraiment de problème, mais pour les snowboarders, c'est un peu différent… Je dois avouer qu'il y a quand même une petite prise au vent ! Enfin, pour le moment, on n'a pas eu d'incident à déplorer : les commandes sont toujours arrivées entières.

Je dois préciser qu'on est encore au début de la saison, donc on n'a pas non plus fait des centaines de livraisons, même on a déjà eu quelques expériences inattendues – comme cette fois où j'ai dû livrer des parapentistes, ou le soir où on m'a appelé pour savoir si je pouvais livrer des sushis… Le volume des commandes devrait s'intensifier avec les vacances de février, où on sera même amenés à assurer de grosses livraisons pour des événements, par exemple. Du coup, je travaille sur un prototype : j'ai fixé une malle en tissu de 140 litres sur un snowskate. Une fois la commande livrée, il ne reste plus qu'à replier la malle et à repartir avec le snowksate sous le bras… Ce sera plus pratique que d'envoyer trois riders avec des sacs bourrés de saucisses, d'épis de maïs et de côtes d'agneau !

Propos rapportés par Maxime Brousse.