FYI.

This story is over 5 years old.

Food

Comment la nourriture m'a permis d’accomplir des exploits surhumains

Quand tu t'embarques dans une expédition au bout du Monde, dans des conditions extrêmes, il faut absolument que tu saches comment faire le plein du carburant.
Photo : Rab/Coldhouse Collective.

Au fil des différentes expéditions dans lesquelles je me suis aventuré, j'ai tissé une relation intense avec la nourriture. En montagne, c'est assez spécial, parce qu'avec l'altitude et le manque d'oxygène, le corps détourne les flux de sang des parties non essentielles vers le cerveau et ça modifie le goût. La dernière fois que je me suis retrouvé à 8 000 mètres, je ne sentais plus rien à part des aliments hypersalés, très épicés ou très sucrés.

Publicité

Sur l'expédition Antarctica, c'était encore différent. Mon besoin par jour navigue entre 9 000 et 11 000 calories, ce qui est presque impossible à transporter à cause du ratio poids/force. Mais tu ne peux pas te contenter de répartir le besoin calorique sur deux gros repas par jour, il y a une limite à ce que le corps peut absorber par heure. La première étape c'était d'échelonner ce besoin en 10 petits plats que mon corps emmagasinait parfaitement. Ensuite il a fallu adapter ce principe en expédition, pour éviter que la nourriture soit un frein à l'effort. Ça peut prendre des mois, voire des années pour trouver la bonne formule.

DCIM100GOPRO

Le campement de Richard sur le Mont Denali en 2012.

Dans des conditions aussi extrêmes, c'est bien d'avoir du carburant, mais au-delà de l'aspect physiologique, le rôle psychologique de la bouffe est crucial. C'est pour ça que je me débrouille toujours pour emporter du café, un vrai luxe. Dans le même genre de rituel psychologique, quand j'étais en Antarctique, tous les soirs une fois le camp monté, je m'autorisais 7 JellyBellies. Une fois, je les ai fait tomber dans la neige et je me revois en train de les récupérer à la petite cuillère en pleurant.

Je ne crois pas vraiment dans les régimes extrêmes d'une semaine, je trouve que l'approche qui consiste à juste manger sain et jouer sur les quantités reste le plus efficace.

Je m'implique aussi à fond dans la préparation de mes repas déshydratés. Je ne suis pas chef, mais j'ai des idées de ce que j'aime. En fait, au lieu de déshydrater les ingrédients séparément comme cela se fait le plus souvent, on déshydrate le plat après l'avoir cuisiné. Quand je le réhydrate je vois vraiment la différence, il y a du goût, tu peux même identifier les aliments, le poulet les légumes etc. Psychologiquement, c'est vraiment important de ne pas juste se nourrir de poudre. Pour mon expédition en Antarctique, j'avais choisi un poulet curry thaï qui était mon plat préféré à l'époque – ça ne l'est plus du tout après en avoir bouffé pendant 29 jours d'affilée.

Publicité
Preparing his own food to be freezedried for 737 Challenge

En train de préparer sa bouffe pour le 737 Challenge.

À l'autre extrémité du spectre, dans ma vie de tous les jours, j'aime la manière dont la nourriture réunit les gens. J'adore le petit-déjeuner. En ce moment par exemple, je cours tellement partout que je vis un peu au jour le jour. Du coup, le petit dej' correspond au moment où je vois ce que la journée me réserve. Je nourris mon corps en fonction. Je m'entraîne souvent avant ou après le petit-déjeuner, donc il y a un véritable aspect fonctionnel, mais là encore, j'aime vraiment l'impact psychologique de cette pause privilégiée. Surtout le week-end, parce que c'est un moment que je passe avec ma copine, les amis ou mes parents. En général je prends le temps de faire des pancakes ou de cuisiner.

VOIR AUSSI : FUEL – Le régime super gras des ultrarunners

Une journée classique de semaine, je l'attaque par un smoothie aux fruits et légumes que j'avale pendant que je me prépare. Ensuite, je m'entraîne et je petit-déjeune juste après. Généralement des omelettes ou des œufs au plat, avec du « bacon » et parfois des petits piments ou des épinards. Si un jour j'ai un jardin, je rêve d'avoir des poules pour petit-déjeuner mes propres œufs le matin.

Ma plus grande faiblesse, c'est le café et c'est tout sauf un détail en expédition. J'ai passé environ 6 ou 7 mois à trouver le meilleur café instantané, je les ai tous testés sans exception. Mais pour la prochaine expédition, je suis super-excité parce que j'ai trouvé une marque qui fait un moulin à café portable donc sur le camp de base, en pleine montagne, je vais pouvoir me faire du vrai café et ça, c'est un support moral incroyable.

Publicité
The Weigh in (1)

Richard, à la pesée à la fin de l'expédition Antartica. Photo : Richard Parks & Antarctic Logistics & Expeditions.

Dans ma vie de tous les jours, mon alimentation évolue selon les phases de préparation. Par exemple avant Noël dernier, je voulais réduire mon poids et augmenter ma force, un équilibre très difficile à trouver. J'avais perdu presque 6 kg en quelques semaines, principalement en diminuant mes portions. En gros j'ai refourgué toutes mes grandes assiettes à mes parents pour ne garder que des petites assiettes d'accompagnement chez moi. C'est un peu bizarre, je sais, mais ça a marché.

Je ne crois pas vraiment dans les régimes extrêmes d'une semaine, je trouve que l'approche qui consiste à juste manger sain et jouer sur les quantités reste le plus efficace. En ce moment je suis dans une autre phase : après avoir réduit ma masse graisseuse à 8 % en janvier, je prépare la prochaine expédition en essayant de mettre du gras par-dessus ma masse musculaire. J'essaie de la maintenir et en même temps de l'enrober de réserves de gras qui vont fondre en premier pendant l'expédition. Finalement ce n'est pas si facile, je ne raffole pas des aliments gras. Mon métabolisme est tel que c'est plus difficile que de perdre du poids.

Il y a cette histoire de sandwich qui incarne assez bien à quel point mes expéditions et la bouffe sont liées. Plus jeune, j'allais souvent dans ce comptoir niché sous des arcades à Cardiff, The New York Deli. J'avais l'habitude de toujours commander le même sandwich, au bœuf salé, au fromage Suisse fondu, moutarde et pickles croustillants. Quand j'ai commencé à y aller, The New York Deli était le seul endroit à Cardiff où on pouvait en trouver. La patronne Harriett a fini par devenir une amie très proche. Quand j'ai lancé le 737 challenge, l'une des facettes du projet était de lever des fonds pour la fondation Marie Curie, et elle a eu l'idée d'ajouter ce sandwich à la carte et de donner 40 pences par unité à la fondation. C'est comme ça qu'est né le « Richie Parks Special », qui a permis de collecter plus de 3 000 livres. Je me souviens encore avoir été dans la queue et être d'un coup super-gêné en entendant quelqu'un commander ce sandwich qui portait mon nom. Et surtout depuis, je n'ose jamais commander autre chose quand j'y vais, donc je n'ai pas essayé d'autres sandwichs depuis 15 ans. Mais croyez-moi, celui-la vaut vraiment le détour.

Propos recueillis par Gino Delmas.

Il y a encore 7 ans, Richard Parks était rugbyman pro. Mais une blessure à l'épaule l'oblige à mettre fin à sa carrière. Depuis, il s'est jeté corps et âme dans une seconde vie d'aventurier de l'extrême. Avec le 737 Challenge, il a gravi les 7 plus hauts sommets des 5 continents plus les 2 pôles en 7 mois seulement, tout en menant une campagne de levée de fonds pour la lutte contre le cancer. Il est aussi l'un des plus rapides à avoir rallié seul et en ski – le Pôle Sud depuis la côte en 29 jours seulement. À 38 ans, il est dans la forme de sa vie et s'apprête à gravir l'Himalaya sans assistance respiratoire, mais bardé d'instruments scientifiques pour mesurer l'impact de l'altitude sur le corps humain.