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Culture

Quand l’art survit aux catastrophes

Du 11 septembre aux destructions de l’État islamique, le patrimoine culturel prend une nouvelle dimension après avoir survécu à des désastres.
New York, N.Y., September 21, 2001 — Rescue crews work to clear debris from the site of the World Trade Center. Photo by Michael Rieger/ FEMA News Poto - Location: New York, NY Photo via

Quinze ans après avoir survécu aux attentas du 11 septembre 2001, la sculpture de Fritz Koenig, Sphere for Plaza Fountain, retourne au World Trace Center. La boule de bronze, qui avait résisté à l’effondrement des deux tours, est un moment de résistance et de mémoire. L’œuvre de Koenig s’est ainsi couverte de la patine de l’histoire. Marquée, brûlée et cabossée, elle est toujours aussi belle, et semble crier : « N’oubliez pas ».

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De nombreuses créations ont acquis un statut à part car elles ont survécu à des événements désastreux — leur aura dépassant alors largement l’intention initiale de leur auteur. Des sculptures de l’Âge de bronze nous sont ainsi parvenues car elles sont résisté à un destin tragique. « Si l’on connaît l’histoire, disons une statue transportée par bateau comme ferraille et qui a survécu car le navire a coulé avant d’atteindre les fourneaux, ça devient émouvant. Tout comme, disons Pompéi ou Herculanum qui, quand le Vésuve est entré en éruption en 79 de notre ère, ont été paradoxalement conservées », explique le conservateur des antiquités du Getty Museum, Dr. Kenneth Lapatin.

Statues d'Apollon © Musée du Louvre & Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Pompeii, Ercolano e Stabia. Photo via

Un nombre incalculable d’œuvres disparaît au cours du temps. « Un monument comme le Panthéon sur l’Acropole d’Athènes n’est aujourd’hui que l’ombre de ce qu’ils ont été. Le temple a été pillé de ses trésors à la fin de l’Antiquité, transformé en église, puis en mosquée et ensuite détruit pendant le siège d’Athènes en 1687. Ce qu’il reste aujourd’hui n’est que le vestige d’un long processus historique », ajoute encre Dr. Lapatin.

« Quand vous êtes archéologue ou conservateur, c’est ce que vous voyez quand vous regardez ces réalisations. Vous voyez l’histoire d’une certaine manière, profondément inscrite en elles », dit, quant lui, le Dr. Michael D. Danti, de l’association ASOR, à The Creators Project. Le patrimoine est à nouveau visé au Moyen-Orient, mais le Dr. Danti et une équipe internationale de chercheurs, professionnels et consultants tentent de protéger les sites culturels en Irak et en Syrie en partenariat avec le Département d’État des États-Unis.

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Destruction temple Baalshamin. 24 août 2015. Photo via

« Quand le musée de Palmyre a été menacé par l’invasion de l’État islamique, les employés ont passé trois jours à charger des camions pour emmener les œuvres en lieu sûr, mais beaucoup n’étaient pas mobiles et ont du être laissées sur place, comme des momies. Quand Daesh est arrivé, ils ont immédiatement commencé à détruire ou voler des vestiges, et des employés ont été tués pendant l’évacuation. Ils ont risqué beaucoup pour tout ça », précise le Dr. Danti. Il les compare même aux Monuments Men des temps modernes, un corps de soldats dont la mission était de sauver les œuvres d’art des mains des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Arc de triomphe de Palmyre. 15 janvier 2013. Photo via

Les terroristes visent régulièrement les sites antiques au Moyen-Orient, une pratique de nettoyage culturel que le Dr. Danti compare à une forme de génocide. « Nous estimons que les droits culturels sont fondamentaux. L’accès au patrimoine et le droit de participer à la culture est un droit universel », dit-il. « Ce qui m’inquiète le plus, c’est l’éventualité d’une rupture complète avec le passé. Des paysages entiers sont remodelés et cela change notre perception du passé et la façon dont la mémoire culturelle est perçue et interprétée. » Les efforts déployés pendant la Seconde Guerre mondiale sont donc à nouveau à l’œuvre aujourd’hui. Le Dr. Danti dit que réparer les dégâts au Moyen-Orient est une tâche sisyphéenne, compte tenu des éléments en jeu. « Quel futur pour ce monument ? Qui doit le reconstruire ? Qui a le droit de le reconstruire ? Qui doit payer pour ? Et si on le reconstruit, qu’est-ce que cela signifie ? » interroge-t-il.

Comme dans le cas de la Sphere de Koenig, lorsque une œuvre est épargnée, elle devient un témoin et un marqueur puissant de l’histoire. « Je pense que nous sommes constamment influencés et réinterprétons ces choses », dit le Dr. Danti. « Le World Trade Center est un exemple parfait. Les gens viennent avec des attentes, ils ont une certaine expérience sur place et en ressortent changés. Au fil du temps, les perceptions changent, tout comme les lieux sont transformés encore et encore. »

Temple de Bel, 2010. Photo via

Pour en savoir plus sur le travail de sauvegarde d’ASOR au Moyen-Orient, cliquez ici. Pour aller plus loin, écoutez aussi le reportage de la BBC, Museum of Lost Objects, sur les antiquités et patrimoines ravagés ou pillés en Irak et en Syrie.