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Sports

Mad Max, le speaker de l'équipe de France

Depuis 2010, c'est lui qui prend le micro pour annoncer la compo des Bleus et le nom des buteurs. Histoire de chauffer le public un petit peu plus.

C'est une sensation que seuls les amoureux du football peuvent comprendre. Que seuls les passionnés, ceux qui vont au stade pour supporter leurs équipes, connaissent. C'est une poussée d'adrénaline qui ne peut être procurée que lorsque vous êtes dans les gradins. Eric Cantona a expliqué un jour que « marquer un but c'était une forme d'orgasme ». Pour filer la métaphore, on pourrait aisément dire qu'être dans les travées à ce moment-là c'est comme mater un porno. Sauf qu'à la différence de cet instant de solitude, quand on est au stade on jouit deux fois. Une fois sur le but et une autre fois quand il s'agit de hurler à plein poumons le nom du buteur. Ce que certains font jusqu'à neuf fois parce qu'ils viennent de Naples et qu'ils ont le sang chaud.

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Et dans ce plan à 3, il y a évidemment le joueur, le spectateur et donc le speaker. Et depuis 2010, à chaque match de l'équipe de France, le speaker, c'est Max. C'est lui qui a eu la chance de faire exulter les supporters des Bleus après les buts de Grizi dimanche dernier à Lyon face à l'Eire. Et c'est encore lui qu'on espère entendre crier "Dimitri", "Olivier" et même "Laurent" ce dimanche face à l'Islande. Une tâche un peu plus compliquée qu'il n'y paraît.

« On fait des pré-réunions 3 ou 4 jours avant le match avec les gens de la fédé. On prépare le conducteur parce qu'il y a des annonces à faire avant le match, puis pendant, puis celles à la mi-temps et aussi à la fin », explique Max. Pour chacune des annonces, il a un temps limité, et un texte imposé ou co-écrit avec les responsables de la FFF. « Si on me donne 30 secondes je ne dois pas dépasser. » Sauf quand il y a un cas exceptionnel. Par exemple en 2013 lors du match retour des barrages entre les Bleus et l'Ukraine. « Normalement je répète le nom du joueur trois fois. Mais avant le match la fédé m'avait dit que je pouvais envoyer du bois. Du coup sur le deuxième but de Sakho (celui du 3-0 qui envoie virtuellement les Bleus au Mondial), j'ai lâché les chiens. J'étais déchaîné, j'ai fait répéter son nom 5 fois mais j'aurais pu le faire 10 fois tellement le stade était chaud », raconte le speaker, des étoiles encore plein les yeux.

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Max adore les selfies.

Pour garder son calme, Max s'entraîne avant chaque rencontre. Il arrive au stade quelques heures avant et fait des répétitions. Parce qu'à l'inverse des speakers des clubs, il n'officie que quelques fois par an. Alors il faut retrouver ses marques, son ton, et se faire parfois aux températures locales. Parce que le veinard ne se coltine pas que les matches qui ont lieu en France. Il suit l'équipe de France partout où elle va et rencontre des collègues dans le monde entier. « J'ai pas spécialement été impressionné par d'autres speakers. Je fais attention justement à ne pas imiter les autres speakers ou ne pas les copier pour garder ma personnalité et mon style. »

Et pour cause, deux défis se sont présentés à lui à ses débuts. Remplacer Jean-Pierre Paoli qui était là depuis 25 ans, sans qui on n'aurait jamais vécu ce grand moment de TV ou Chirac annonce le nom des joueurs avec le décalage horaire, et devenir « la voix des Bleus ». Pas une mince affaire, même pour celui qui a été la voix des jeunes pendant 5 ans quand il animait le Star System sur Fun Radio. Une expérience qui l'a forcément aidé à gérer son stress pour sa première fois. C'était lors d'un match des espoirs et la fédération de foot cherchait un nouveau speaker. « Il fallait trouver le bon ton, s'habituer au décalage avec le son. Et puis surtout savoir si le job me plaisait. J'ai coché les trois cases. » Une prestation convaincante plus tard, Max est choisi pour reprendre le flambeau et vendre du rêve aux supporters bourrés au Tourtel Twist, la bière sans alcool dégueulasse servie dans les stades.

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Pourtant, avant de commencer, celui qui s'appelle Franck en réalité jure n'avoir jamais pensé à faire ce boulot. Alors même qu'il a toujours adoré le foot. Son père « est un des 1000 premiers abonnés au PSG » et lui-même a commencé à aller au Parc à l'âge de 8 ans à la fin des années 70. Mais auparavant, il « n'avait jamais fait attention au speaker. Ça faisait juste partie du décor ». Aujourd'hui, il est très ami avec Michel Montana qui officie à la porte de Saint-Cloud. Et il donne même les compos et les buteuses parisiennes à ses heures perdues.

Mais ses plus grandes émotions, c'est avec les Bleus qu'il les a eues. Son plus récent moment d'exaltation reste le match d'ouverture de l'Euro face à la Roumanie. Si pendant 89 minutes personne n'a pris son pied, la frappe libératrice de Payet a fini par faire basculer le stade dans la folie. « C'était absolument dingue. Et moi en tant que speaker j'en ai profité, j'ai joué avec. » Une façon pour lui de communier avec le public et faire durer le plaisir un peu plus longtemps. « Je suis conscient de la chance et du privilège, et je fais mon travail avec beaucoup de plaisir. Tout en faisant attention à mes prestations parce que c'est important de s'appliquer », raconte Max.

Max annonce la composition des Bleus face à l'Irlande en huitième de finale.

De l'application, il a dû en avoir aussi le 13 novembre. Ce soir-là, une dizaine d'abrutis plongent Paris et la France entière dans l'horreur. Aux abords du Stade de France, alors que les Bleus affrontent l'Allemagne, et que François Hollande est en tribune présidentielle, trois terroristes se font exploser. Les détonations sont entendues jusque dans le stade, mais, à ce moment-là, personne ne se doute de ce qu'il se passe. Le Stade de France était la première cible, mais grâce au courage des stadiers, les kamikazes n'ont pas pu rentrer à l'intérieur de l'enceinte. Quelques instants plus tard, le convoi de l'horreur attaque les terrasses de Paris puis le Bataclan. Et les gens commencent à s'inquiéter pour leurs proches en ville, mais aussi ceux qui étaient au Stade.

Alors que le match se poursuit (les joueurs ne seront pas tenus informés des évènements), les spectateurs reçoivent des messages. Max doit les rassurer au plus vite. Il a raconté cette soirée tragique dans les colonnes de Libération.

« On a dépassé la 70e minute de jeu, et j'apprends la gravité des incidents. Le circuit est précis : les dirigeants de la Fédération française de football et le PC sécurité vont me transmettre un texte pour une annonce finale. On va me livrer un texte précis, qui évoque des incidents extérieurs, des parkings ouverts et d'autres fermés, et les sorties par lesquelles il faudra évacuer. On me donne la feuille, je dois la lire à la virgule près, au mot près. Il faut absolument évacuer le stade sans qu'un mouvement de foule ne se crée ».

Au coup de sifflet final, les joueurs accourent vers les vestiaires pour aller aux nouvelles de leur proches. Le speaker, lui, doit faire son annonce au plus vite. Toujours dans Libé : « Je lis mon annonce, et c'est assez dingue : le silence est religieux, un blanc traverse le stade. Je n'ai jamais été préparé à ce type de situation (…) J'ai bien compris l'importance du message et du ton, qui n'est pas celui très grave des hommages aux disparus lors des avant-matches. Il ne faut pas affoler les spectateurs, être sobre, audible, bien choisir son vocabulaire, ne pas faire le rigolo. Les gens ont bien compris que le mal était fait, mais il faut leur faire comprendre que, justement, tout est sous contrôle, sécurisé. Les spectateurs, à ce moment-là, et je m'inclus dedans, sont dans une situation paradoxale : dans le stade, on rêve d'être dehors, libre de nos mouvements, et même de courir loin. Mais dehors, on se dit qu'en fait, on était peut-être plus en sécurité à l'intérieur. »

Max assiste alors à l'envahissement de la pelouse. Avec les pompiers, il apporte de l'eau aux familles et tente de les réconforter. Et répète, inlassablement son texte. « Beaucoup de gens m'ont dit que ma voix les a aidés et les a rassurés », explique-t-il après coup. Plus de sept mois après ces évènements, difficile encore d'oublier. Ou de panser ses plaies. Rien de tel qu'une victoire à l'Euro le 10 juillet, pour aller de l'avant et montrer que notre seule couleur c'est le bleu. Nul doute que ce jour-là s'il y a des buteurs Français, Max aura le droit de répéter leur nom 10 fois. Et ça sera orgasmique.