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Crime

Le pape François a visité le quartier musulman de Bangui — les gens l'ont adoré

Le PK-5, le quartier musulman de la capitale de la République centrafricaine, a accueilli ce lundi le souverain pontife. Il a appelé à la paix et à la réconciliation dans une ambiance de fête.
Photo de Kayla Ruble/VICE News

Le quartier majoritairement musulman de Bangui, la capitale centrafricaine, a reçu ce lundi un étonnant visiteur : le pape François. À son arrivée, des centaines de personnes se pressaient dans une nuée de poussière pour s'engouffrer dans la cour où s'était installé le pontife.

Le pape est arrivé dans un pick-up, debout dans la remorque. Dans cette papamobile particulière, François a fait le tour du PK-5, le quartier musulman de Bangui aux prises à de récentes tensions. Des femmes et des hommes musulmans ont accueilli le pape à l'intérieur d'un complexe dans lequel on trouve à la fois la principale mosquée de la ville et un camp de déplacés internes (forcées de quitter leurs maisons à cause du conflit qui fait rage dans le pays depuis 2013).

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En mars 2013, le groupe armé des Séléka, à tendance musulmane, a fait fuir du pouvoir le président François Bozizé. Le 5 décembre 2013, les combattants rebelles dits "anti-balaka", à tendance chrétienne, ont envahi la capitale et entamé une répression brutale contre la population musulmane. Lors de sa visite de deux jours en République centrafricaine (RCA), le pape a prêché un message de paix et de réconciliation — redonnant un peu d'espoir au pays.

À lire : Visite à haut risque pour le Pape François en République centrafricaine

Une femme essuyait ses larmes, alors que d'autres tenaient une bannière souhaitant la bienvenue au pape de la part des musulmans réfugiés de Bangui. Un groupe d'hommes brandissait des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Oui au dialogue interreligieux ». François s'est ensuite adressé à un groupe de croyants rassemblés dans la mosquée. Il a invité les chrétiens et les musulmans à vivre ensemble.

« Chrétiens et musulmans, nous sommes tous des frères, » a déclaré le pape. « Chaque personne qui se dit croyant est un homme ou une femme de paix. »

Dans la cour à l'arrivée du pape. (Photo de Kayla Ruble/VICE News) 

Des habitants du PK-5 attendent devant la mosquée espérant apercevoir le pape. (Photo de Kayla Ruble/VICE News) 

Les musulmans représentent environ 15 pour cent des 4,7 millions de personnes qui vivent en RCA, et 15 000 d'entre eux habitent dans le PK-5, qui a été isolé du reste de la ville par des combattants anti-balaka. Peu de gens quittent le quartier — soit pour leur propre sécurité, ou à cause des restrictions. Nombre d'enfants n'ont pas la possibilité d'aller à l'école parce qu'il faudrait quitter le quartier. Des musulmans de toute la capitale ont été contraints de s'installer dans le PK-5 après le début de la guerre. Aujourd'hui, des milliers d'entre eux vivent dans le camp de déplacés internes installé à la mosquée.

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Après un petit moment d'agitation dans la cour du complexe camp-mosquée de réfugiés, un jeune musulman nommé Abakar Babikir a brandi une croix en métal et a proclamé son amour pour le pape. « Je vous aime pape François », a crié Babikir en anglais. « Je vous aime vraiment, » disait le jeune homme qui raconte que son père avait eu le crucifix qu'il brandit aujourd'hui lors de la visite du pape Jean Paul II en 1985.

Babikir explique que sa mère est musulmane et qu'il a donc suivi sa foi. Le message d'unité et de paix du pape le touche. « Le pape a dit que les chrétiens et les musulmans devraient s'aimer et s'entraider, » explique-t-il.

À lire : Un dimanche dans Bangui avec le pape François

Le jeune habitant du PK-5 se dit inquiet pour la jeunesse centrafricaine, arguant que des familles avaient été séparées ou que les enfants n'avaient pas eu l'occasion de recevoir une éducation digne de ce nom. « Ils n'ont personne pour s'occuper d'eux. Ils peuvent rapidement devenir les combattants des prochains conflits, puisqu'ils n'ont pas d'espoir. »

La visite du pape a permis aux habitants du PK-5 de se rendre dans d'autres quartiers de Bangui. Des musulmans marchaient avec leurs enfants ou empilés sur des motos en suivant la papamobile qui se rendait au grand stade de la ville, où François a donné une grande messe avant de retourner à Rome.

Le pape François a fait un tour du PK-5, debout sur la remorque d'un pick-up encerclé par des gardes de sécurité. (Photo de Kayla Ruble/VICE News) 

Une foule enthousiaste a continué à suivre le pape quand il s'est rendu de la mosquée au stade de football de Bangui pour donner son ultime messe pour son voyage dans le pays. (Photo de Kayla Ruble/VICE News)

Cette liberté de mouvement rappelle une époque où musulmans et chrétiens vivaient côte à côte et en paix. La plupart des Centrafricains et des leaders religieux n'hésitent pas à dire que les groupes armés ont utilisé la religion comme un outil de manipulation.

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Fatou Asham, une habitante du PK-5, veut un retour à la sécurité et à une vie où les musulmans pourront à nouveau rendre visite à leurs amis ou proches qui sont chrétiens. « La vie ici est vraiment dure, » explique Asham. « Je suis prête à pardonner parce que toute cette violence, c'est du passé. Nous devrions oublier et passer à autre chose. »

Si la population appelle de ses voeux la paix, cela n'assure cependant pas une réconciliation aisée. Les élections présidentielles et législatives sont prévues pour le 27 décembre prochain. Mais la bonne volonté des leaders religieux et politiques ne peut pas garantir que les groupes armés vont déposer les armes. Le médiateur Bihari Daouda a annoncé qu'il allait organiser une rencontre avec les différents camps dans les prochains jours pour commencer à travailler à une solution. Pour Daouda, le succès d'une telle initiative passera par la collaboration avec les groupes armés.

« Le but est que les deux groupes [séléka et anti-balaka] aient une compréhension commune de la situation, parce que ce sont eux qui se battent, » a déclaré le médiateur.

Le besoin d'intégrer toutes les parties dans le processus de paix a aussi été évoqué par le pape, qui a abordé le problème des armes lors de sa visite. « À tous ceux qui font un usage injuste des armes dans ce monde, je leur lance cet appel : déposez ces instruments de mort », a lancé le pape.

Suivez Kayla Ruble sur Twitter : @RubleKB