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Crime

La violence se propage au Burundi, le Rwanda alerte sur un risque de génocide

Quelques jours seulement après l’assassinat du fils d’un célèbre défenseur des droits de l’homme burundais, le président du Rwanda Paul Kagame a appelé à ne pas retomber dans la violence ethnique qui avait touché les deux pays dans les années 1990.
Photo par Mike Hutchings/Reuters

Le gouvernement du Burundi a répliqué aux propos du président du Rwanda voisin, Paul Kagame, après que ce dernier a interpellé son homologue burundais Pierre Nkurunziza en alertant sur le risque de génocide. Ces derniers échanges interviennent alors qu'une escalade de la violence au Burundi fait craindre que cette crise ne se transforme en violences à grande échelle. Les troubles ont commencé en avril avec la décision de Nkurunziza de se présenter à un troisième mandat, en changeant la Constitution, depuis le pays est plongé dans une crise politique sur le fil d'un conflit dur entre parties civiles.

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Quelques jours seulement après l'assassinat du fils d'un célèbre défenseur des droits de l'homme, Kagame s'est exprimé ce week-end en appelant le Burundi à ne pas retomber dans la violence ethnique qui avait submergé les deux pays dans les années 1990, et a déclaré que son voisin devrait avoir « appris les leçons du passé ».

Des commentaires « indécents et injustes », a déclaré à Reuters lundi le conseiller média du président du Burundi.

Les propos de Kagame interviennent après des mois d'interrogations sur la question de savoir si le président du Rwanda devrait ou non intervenir plus sérieusement dans la crise en cours de l'autre côté de sa frontière. Kagame a choisi de tenir son discours ce week-end en kinyarwanda, une langue régionale, plutôt qu'en anglais, semblant vouloir envoyer un message de l'autre côté de la frontière.

La majorité des gens au Burundi, dont Nkurunziza, sont Hutus, alors que les Tutsis ne représentent que 14 pour cent de la population. Durant le génocide du Rwanda en 1994, la majorité hutu du pays a tué 800 000 Tutsis et Hutus modérés. Les tensions entre les Hutus et les Tutsis ont également provoqué une guerre civile au Burundi, qui a duré de 1993 jusqu'à un accord de paix qui a pris effet en 2005. La plupart des observateurs se sont montrés prudents et n'ont pas voulu exagérer le rôle des divisions ethniques dans la crise actuelle au Burundi, la crise étant politique, mais les inquiétudes concernant les divisions sous-jacentes existent toujours. Kagame et Nkurunziza ont tous deux gagné en notoriété en tant que chefs rebelles pendant les années 1990, avant d'assumer des positions gouvernementales à la fin du conflit.

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Désarmement forcé

En plus de critiquer Kagame, le conseiller média burundais Willi Nyamitwe a également tenu à souligner le succès, d'après lui, du processus de collecte d'armes forcé, déclenché par le gouvernement la semaine dernière. Celui-ci avait fixé la date limite du 7 novembre, date à laquelle les gens devaient avoir remis leurs armes s'ils ne voulaient pas être considérés comme des criminels.

« Le gouvernement collecte actuellement toutes les armes parce que le président a donné une date limite. […] Tout se déroule de manière pacifique », a dit Nyamitwe, affirmant qu'il n'y avait aucune violence et que le processus était en cours.

Après que le président Nkurunziza, 51 ans, a fait part de son projet de se représenter, des critiques s'étaient élevées pour dire que cette démarche était illégale. La limite de deux mandats est inscrite dans la Constitution, qui a été établie en 2005 après une décennie de guerre civile. La Cour suprême du Burundi a finalement autorisé Nkurunziza à se présenter à nouveau, décrétant que cela était légal puisque pour son premier mandat, il avait été nommé et non élu démocratiquement.

Sa campagne de réélection victorieuse a déclenché des affrontements dans les rues de Bujumbura, entre les opposants de Nkurunziza et ses adeptes, avec une répression violente des opposants par la police, largement fidèle au président. Plus de 15 000 Burundais ont fui vers le Rwanda, la Tanzanie, la République démocratique du Congo et d'autres États voisins.

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Assassinats politiques

Vendredi, Welly Nzitonda a été déclaré mort, seulement quelques heures après avoir été détenu par les autorités. Son corps a été retrouvé dans le quartier de Mutakura, dans la capitale du pays, Bujumbura. Nzitonda était le fils d'un défenseur des droits de l'homme, Pierre Claver Mbonimpa. Il fait désormais partie de la liste des victimes d'assassinats politiques qui ont eu lieu au Burundi depuis les élections de juillet. Le gendre de Mbonimpa avait été assassiné en octobre et des hommes armés avaient tenté de tuer le militant lui-même en août.

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Après la mort de Nzitonda, le Département d'État américain a publié une déclaration exprimant une grave préoccupation à propos de la situation politique et sécuritaire au Burundi, affirmant qu'il était prêt à encourager tout dialogue visant à résoudre la crise.

« L'assassinat de Nzitonda est le dernier événement de ce cycle de violence qui oppose les forces de sécurité du gouvernement, les groupes d'opposition armés et les gangs criminels », indique la déclaration. « Nous sommes particulièrement inquiets à propos de la rhétorique provocatrice déployée ces derniers jours par certains responsables du gouvernement et des mesures de répression planifiées du président Nkurunziza ce week-end, qui pourraient augmenter le risque de déclencher une vague de violence massive au Burundi. »

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9 personnes mortes dans l'attaque d'un bar samedi

Les violences ont perduré ce week-end lors des activités de collecte d'armes du gouvernement, avec l'attaque dans la nuit de samedi d'un bar par des hommes armés, dans un quartier de Bujumbura nommé Kanyosha, causant la mort de neuf personnes.

L'attaque de Kanyosha est un signal de la violence montante dans la capitale. Ce quartier — un bastion du groupe rebelle FNL — se trouvait pris sous le feu pour la première fois depuis le début de la crise, selon Cara Jones, une spécialiste du Burundi et professeure de sciences politiques au Mary Baldwin College. Jusqu'à présent, la violence s'était concentrée autour des bastions de l'opposition, comme les quartiers de Cibitoke et Mutakura, dont beaucoup d'habitants étaient impliqués dans les premières manifestations.

« Beaucoup de gens s'inquiètent du fait qu'il s'agisse d'une indication claire de la diffusion de la violence », dit Jones. « [C'est] quelque chose de très différent et de très préoccupant. »

Lundi matin, certains médias locaux faisaient état de trois autres cadavres, retrouvés dans les rues de Bujumbura. La découverte de morts dans la capitale est devenue presque quotidienne, avec près de 200 personnes tuées ces derniers mois.

« C'est la continuation d'une tendance très inquiétante », dit Jones. « Tout conduit à une sorte de point d'ébullition terrible. »

Selon elle, des groupes armés sont également en train d'émerger, avec des allégeances peu claires à l'opposition. Ils commencent à se retourner contre le régime alors que les attaques en représailles augmentent. Même si imposer des sanctions sur le plan international est une tactique que des experts comme Jones soutiennent, elle reconnaît que cela comporte des risques, notamment celui d'aliéner Nkurunziza et de mettre son gouvernement au pied du mur.

« Il faut punir, mais en même temps ne pas aliéner le gouvernement burundais », dit-elle. « Il ne faut pas pousser tout le monde dans une sorte de position de non-retour. Il semble que c'est ce vers quoi nous allons. »

Suivez Kayla Ruble sur Twitter : @RubleKB