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Crime

En Russie, des charlatans s’en mettent plein les poches avec des projets scientifiques bidons

Le pays du premier satellite artificiel et du premier vol spatial habité se fait arnaquer par des projets scientifiques en carton.
Photo par Mikhail Klementev / EPA

Pendant la Guerre Froide, les chercheurs de l'Union soviétique ont réussi à lancer le premier satellite artificiel et le premier vol spatial habité. Ils ont également maîtrisé la technologie laser et ont conçu des armes redoutées partout dans le monde.

Mais aujourd'hui, certains chercheurs russes s'acharnent à convaincre leurs confrères de ne pas gaspiller leurs millions pour des projets montés par des Raspoutine des temps modernes et autres charlatans aux projets farfelus.

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"On nous demande presque tous les jours d'approuver un nouveau 'bio-régulateur quantique' ou un 'correcteur d'aura'," explique au New York Times Yevgeny Alexandrov, le président de la Commission sur la Pseudoscience et la Recherche Frauduleuse de l'Académie des Sciences de Russie. "On a récemment vu un projet qui revendiquait l'invention d'un 'pistolet gravitationnel'."

Établie en 2013, la commission est chargée de veiller à ce que les autorités russes n'investissent pas l'argent des contribuables dans des projets farfelus.

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"Notre objectif principal est de protéger le budget de l'État russe pour qu'il ne soit pas pillé," explique Alexandrov. "Très souvent, sous prétexte [de financer] de coûteux projets pseudo-scientifiques, des millions de dollars disparaissent. On informe l'État qu'il se fait avoir."

Ce n'est pas une tâche facile.

Des scientifiques arnaqueurs russes se sont par exemple remplis les poches après avoir obtenu des millions pour lancer un "moteur à torsion," censé aider les engins spatiaux russes à quitter le système solaire, un projet qui s'est révélé être un échec. Les forces de police russes font même parfois appel à des techniques venues d'une autre dimension.

"Ils ont dit que les hypnotiseurs et les mystiques occultes peuvent aider à faire avancer les enquêtes criminelles rien qu'en regardant les photos des victimes," note Alexandrov. "Quelle approche médiévale…"

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Aujourd'hui, le travail de la commission est particulièrement difficile, ses moyens se réduisant. Au début de l'année, le Boston Globe a noté qu'une chute importante du prix du pétrole avait engendré des réductions drastiques au niveau des dépenses dans le domaine de la science.

Selon l'Associated Press, les sanctions imposées à la Russie par l'Occident en réponse à l'annexion de la Crimée et à la politique de Poutine à l'égard de l'Ukraine ont également fragilisé le domaine de la recherche.

Les contraintes viennent aussi d'en haut. L'année dernière, la Fondation Dynasty a annoncé qu'elle fermerait ses portes après avoir été inscrite par les autorités sur la liste des "agents de l'étranger" — liste qui rassemble les ONG non grata bénéficiant d'un financement étranger en Russie. Selon l'Associated Press, la fondation avait prévu d'investir 8 millions de dollars dans l'avenir des jeunes scientifiques et chercheurs russes.

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Pour Loren Graham, un professeur à l'université de MIT (Boston, USA) et expert de l'histoire des sciences en Russie, la répression menée par Poutine contre les organisations étrangères accélère un déclin du secteur scientifique.

D'après lui, en imposant ces mesures, le président de la Russie encourage les déclarations de découvertes scientifiques délirantes, dont le seul intérêt est de chanter les louanges de la patrie.

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"C'est un problème qui dure depuis 20 ans en Russie. On a des fous furieux qui prétendent avoir fait de grandes découvertes qui vont bousculer tout ce que l'on croit savoir sur la science," nous écrit Graham, par mail. "L'importance donnée par Poutine au nationalisme a donné un nouvel élan aux pseudo-scientifiques qui prétendent avoir surpassé la 'science occidentale'."

Alexandrov réserve ses critiques les plus vives pour Viktor Petrik — un ancien proche de Boris Gryzlov, l'ancien président de la Douma d'État de Russie — qui a traîné la Commission sur la Pseudoscience et la Recherche Frauduleuse en justice pour diffamation.

Petrik dit avoir inventé un filtre à charbon capable de purifier l'eau. Son projet : installer ses filtres — qui portent le nom du ministre russe de la défense, Sergei Shoigu — un peu partout en Russie. Petrik voulait même décorer ses filtres avec des autocollants promotionnels du parti "Russie Unie" de Poutine. Seul problème, non seulement ses filtres ne marchent pas, mais des recherches ont révélé qu'ils étaient même dangereux. Petrik a depuis perdu les bonnes grâces de la classe politique russe.

"Ce qui est dément," note Alexandrov, "c'est que Petrik était plus ou moins le principal conseiller scientifique du Parlement russe."

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Suivez John Dyer sur Twitter: @johnjdyerjr