Un temps des Fêtes mouvementé pour La Meute
Image tirée de la page Facebook de La Meute

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Un temps des Fêtes mouvementé pour La Meute

À l’aube de la nouvelle année à venir, La Meute est encore aux prises avec des disputes internes qui ébranlent les fondements du groupe.

En effet, 2017 se termine sur des chamboulements à l’image de l’année tumultueuse qu’a vécue le groupe d’extrême droite.

Jeudi, deux dirigeants de La Meute ont annoncé leur démission. Éric Proulx, résident du Saguenay, a rompu ses liens avec le groupe, tandis que le porte-parole Sylvain « Maïkan » Brouillette a annoncé qu’il abandonnerait son poste de chef, mais resterait membre.

Des informations voulant qu’un troisième membre de l’exécutif, Stéphane Roch, ait aussi quitté le conseil ont circulé. Mais ce dernier a annoncé sa décision de rester par Facebook Live jeudi soir.

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« Comme vous le savez peut-être, Éric Proulx a décidé de saboter La Meute pour régler un conflit personnel avec moi, a écrit Brouillette dans sa lettre de démission. Je trouve cela lâche et méprisable, mais j'ai la conviction que tant que je serai ici il fera tout ce qu'il peut pour nuire à La Meute. »

Au téléphone avec VICE, Brouillette a expliqué que la crise aurait commencé dans la soirée du 24 décembre. « [Eric Proulx] a pété une méga coche, il s’en est pris à moi, il a déraillé et a quitté La Meute », explique-t-il. Proulx, qui était aussi administrateur de la page publique du groupe et d’une dizaine de pages secondaires de nature administrative liées à La Meute, aurait ensuite exclu les autres chefs de ces groupes, une action que Brouillette qualifie de « prise d’otage » des membres.

Brouillette dit qu’il a décidé d’abandonner son rôle au sein du conseil pour apaiser les tensions.

La cause de cette chicane n’est pas claire : Brouillette n'a pas voulu entrer dans les détails et Proulx n'a pas répondu aux demandes d'entrevue de VICE. Mais, selon les témoignages de membres de La Meute et de leurs proches, il s’agit principalement d’une histoire d’ego et d'abus de pouvoir. Brève récapitulation : La Meute a été fondée il y a environ deux ans. Dans sa courte mais tumultueuse existence, ses membres ont été associés à la campagne pour rejeter un projet de cimetière musulman à Saint-Apollinaire, certains ont participé à une marche de suprématistes blancs à Charlottesville, en Virginie, et un de ses dirigeants a été critiqué pour avoir écrit, à la « blague », qu’il aimerait tirer sur des politiciens.

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Peu de temps après la publication d’un reportage de VICE en janvier dernier soulignant les nombreux problèmes internes qui rongeaient le groupe, le chef fondateur de La Meute, Eric « Corvus » Venne, a démissionné pour des raisons personnelles. Son bras droit, Patrick Beaudry, a ensuite été accusé d'avoir obstrué l'accès à la comptabilité du groupe et a été évincé quelques mois plus tard, divisant le groupe en deux camps. Puis, à la mi-décembre, un reportage erroné de TVA, prétendant qu'une mosquée avait demandé à une entreprise de construction d'exclure des femmes de son chantier, a provoqué une nouvelle controverse au sein du groupe. La Meute, qui avait organisé une manifestation devant la mosquée, a annulé l’événement en apprenant qu’il s’agissait d’une fausse nouvelle. De nombreux membres du groupe, croyant à une conspiration promusulmane de la part des médias, ont condamné cette décision et ont quitté La Meute sous prétexte que le groupe était devenu « trop mou ».

Selon les témoignages recueillis par VICE, un autre coup dur a semé la discorde : un billet récent publié par l'activiste de gauche Xavier Camus, intitulé Un prédateur sexuel parmi les chefs de la Meute? Le billet, que plusieurs membres de La Meute jugent diffamatoire, énumérait une série d'allégations relatives à la mauvaise conduite de Proulx envers les femmes.

« Le comportement machiste et abusif d’Eric Proulx est connu de longue date, mais semble avoir atteint un point de non-retour », écrit Camus.

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L’article comprend plusieurs captures d'écran, des échanges sur Facebook où l’on discute des nombreuses fréquentations de Proulx, qu’on traite de coureur de jupons (mais avec des mots moins polis, mettons).

Le billet a été dénoncé par plusieurs dirigeants de La Meute, dont Sylvain Brouillette, qui s’est porté à la défense de Proulx dans un long statut Facebook. « Notre frère est un homme dévoué à la cause et respecté de ses pairs, dit-il. Soyez assurés que si nous avions un prédateur sexuel dans le Conseil, je l’aurais sorti moi-même sans attendre. »

Brouillette dit avoir mené sa propre enquête et qu’en parlant aux femmes concernées, il a établi qu’elles étaient consentantes, mais que « certaines ruptures ont fait mal ».

Sam*, une personne proche de La Meute qui a demandé de ne pas être identifiée, dit qu’une fois la romance terminée, Proulx avait l’habitude d’expulser les femmes du groupe. « Elles ont toutes été mises dehors de La Meute, pas juste de sa vie personnelle », dit Sam, qui décrit Proulx comme quelqu’un de colérique et d’autoritaire.

Dans une vidéo mise en ligne jeudi soir, Stéphane Roch, le seul membre de l’exécutif original à survivre aux conflits, était moins charitable. « On ne se le cache pas, le problème primaire dans La Meute, qui l’a été depuis le début, c’est, comme on dit, « Don’t fuck with the payroll ». M. Proulx a tendance à prendre partenaire des personnes qui sont dans La Meute, […] je ne nommerai pas de noms, il y en a eu plusieurs, une dizaine. »

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Selon Roch et Sam, il ne s’agit pas d’un scandale sexuel, mais plutôt d’un cas d’abus de pouvoir.

Sylvain "Maïkan" Brouillette, à gauche, et Stéphane Roch, à droite, de passage à l’émission web de Stu Pitt en Novembre (Capture d’écran).

Les luttes intestines et les problèmes de crédibilité qui affligent le groupe semblent avoir eu un effet sur le recrutement : le nombre de membres présumés stagne à près de 43 000 depuis près d'un an. « Présumés », car le nombre a été vivement contesté à plusieurs reprises.

Lors d'une rencontre avec VICE en novembre dernier, Proulx avait reconnu une perte d'élan. « Nous avons perdu près d'un millier de personnes après la petite crise, avait-il dit, faisant référence à la sortie de Patrick Beaudry. Mais les gens commencent à revenir. »

Cette dernière crise sera-t-elle la fin de La Meute? Brouillette ne le pense pas.

« Les chicanes sont des problèmes dans tous les groupes citoyens, j’en ai vu beaucoup qui ont pris naissance et qui ont éclaté. C’est du monde ordinaire qui partent un groupe, qui n’ont pas d’expérience en gestion. » Il ajoute qu’il croit toujours au groupe au sein duquel il prévoit de rester, mais en tant que membre ordinaire.

Sam* prédit plutôt que La Meute va se révéler être une expérience sociale ratée. « Ça va imploser. Le nom de La Meute, je ne suis pas certaine que ça va survivre. »

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