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Saupoudrer l’Antarctique de neige pour régénérer la calotte glaciaire

Des scientifiques ont étudié ce qu’il se passerait si l’on transformait l’eau de l’Antarctique en neige et qu’on l’utilisait comme un canon à neige.
snow cannons blasting a melting ice sheet
Kelly Cheng Getty / ETham Photo Composition: Jason Koebler

Le changement climatique s'accélère et les scientifiques proposent constamment de nouvelles solutions plus radicales les unes que les autres pour y remédier. La dernière en date consiste à utiliser des canons à neige pour asperger la calotte glacière et ainsi re-geler la banquise.

L’élévation du niveau de la mer menace les communautés côtières du monde entier et aggravera probablement la crise migratoire déjà très importante. La fonte des glaciers de l'Ouest-Antarctique jouera un rôle clé dans ces mouvements migratoires puisque certaines villes les plus peuplées au monde seront sûrement recouvertes par des mètres d’eau.

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Dans une nouvelle étude publiée dans Science Advances, des chercheurs de Potsdam Institute for Climate Impact Research ont modélisé ce qu’il se passerait si l’on renforçait la calotte glaciaire avec de la neige.

La fonte des deux glaciers étudiés – le Pine Island Glacier et le Thwaites Glacier – contribue déjà très largement à l’élévation du niveau de la mer. L’eau plus chaude de l’océan a commencé à les faire fondre par le bas causant leurs régressions plus rapidement.

Pour s’assurer de leur théorie, les chercheurs ont commencé par recréer les couches de glace de l’ouest de l’Antarctique en prenant soin de les mettre sous les conditions réelles. Ils en ont conclu que même les programmes de réductions d’émissions les plus ambitieux ne suffiraient pas à arrêter la fonte de ces glaciers. Cesser d’émettre est une étape nécessaire pour réduire au maximum la fonte de la banquise mais celle-ci est déjà prise dans une spirale infernale qui ne s’arrêtera pas seule.

« Les scientifiques estiment pouvoir hisser l’eau à une hauteur moyenne de 640 mètres au-dessus de la mer »

Les chercheurs ont tenté de simuler la fonte des glaciers afin d’essayer de jauger la quantité de neige nécessaire pour réussir à stabiliser la calotte glaciaire. Il faudrait selon eux 7 400 gigatonnes de neige sur une durée de dix ans. Toutefois, toute la difficulté de l’opération réside dans l’unité de mesure. Le Washington Post a une fois décrit le poids de la gigatonne comme « au moins cent millions d’éléphants d’Afrique. »

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Si nous enlevions autant de neige des océans, le niveau de la mer baisserait de deux millimètres chaque année. L’étude s’est focalisée sur le potentiel théorique de geler l’eau des océans et de s’en servir pour revêtir la couche de glace. Cependant, l’application pratique mérite un examen plus poussé. Tout d’abord, une dépense énergétique énorme est requise pour transformer l’eau de l’océan en neige. Les scientifiques estiment pouvoir hisser l’eau à une hauteur moyenne de 640 mètres au-dessus de la mer. Rien que cette opération nécessiterait 145 gigawatts et exigerait à peu près 12 000 turbines éoliennes.

L’eau doit être désalinisée pour être ensuite gelée, autrement les scientifiques risqueraient de créer des lacs glaciaires. Ils accélèreraient alors la fonte de la banquise ou modifieraient l’écoulement des glaciers. L’étude ne prend pas en compte l’énergie nécessaire aux deux processus.

Aussi, la construction des turbines éoliennes et des canons à neige impacterait l’écosystème marin de l’Antarctique : les sons sous-marins, les champs électromagnétiques ainsi que le risque de collision entre les animaux et les machines représentent une menace pour l’habitat naturel.

« Transformer la masse d’eau en neige pour la répandre sur la calotte glacière imiterait le phénomène de précipitation naturelle qui se produit sur la plus grande partie de la banquise. La création de la neige demande une quantité d’énergie considérable et requiert d’importantes infrastructures », ont noté les scientifiques.

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Même si l’idée de recouvrir l’Antarctique de neige semble absurde, l’étude ouvre un débat sérieux et a au moins le mérite d’y faire réfléchir.

« Bien que nos découvertes suggèrent que la calotte glaciaire de l’ouest de l’Antarctique doit être stabilisée par un dépôt de masse, nous considérons les conditions d’interventions cruciales. Les potentiels avantages d’une telle opération ont besoin d’être comparés aux dangers environnementaux, aux risques futurs et au défi technique qu’elle implique », ont écrit les scientifiques.

Sans une action rapide et drastique, les pires scénarios climatiques peuvent devenir une réalité. Ces choix difficiles – entre perturber un écosystème entier et baisser doucement le niveau de la mer – continueront de nous faire face.

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