Tawsen interview
Culture

La Vida Lockdown 6 : Tawsen n’a pas de câble pour brancher son micro

« J'ai reçu du matériel mais vu que je m’y connais pas, j'ai pas commandé les câbles et je peux rien brancher. »
Gen Ueda
Brussels, BE

Peet, Lous, Caballero, etc. ; retrouvez toutes les retranscriptions de nos lives Instagram : « La Vida Lockdown ».

On avait déjà parlé de lui récemment à l'occasion de la sortie de son dernier clip tourné au Maroc ; le million de vues plus tard, parce qu’on l'aime bien, qu'on croit en son succès et qu'on en a pas pour l'instant marre de le voir partout, on a capté Tawsen en live lors d’une énième semaine de confinement.

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VICE : Quoi de neuf depuis la dernière fois ? Content des retours ?
Tawsen : Je trouve ça dommage qu’on ait sorti le clip le premier jour du confinement, où absolument tous les médias de la terre entière parlaient du coronavirus. Il y a des gens qui veulent ma chute et qui veulent pas que je perce… Mais je suis quand même très content.

C’est un complot ?
En tous cas, je pense que tout le monde peut affirmer que rester deux mois à la maison, c'est pas bon pour l'industrie. Les streams baissent, les vues baissent. Pour écouter de la musique, faut être dehors.

En plus, toi, contrairement à d'autres rappeurs avec qui on a parlé, t'as pas de quoi enregistrer à la maison.
Voilà, mais… mais… j'ai reçu du matériel ! J'ai un micro et un truc de protection. Mais vu que je m’y connais pas, j'ai pas commandé les câbles et je peux rien brancher.

Du coup, tu peux juste prendre des photos devant ton micro et faire genre ?
Ouais c'est tout, mais comme c'est ramadan, je vais pas faire cette photo-là maintenant. J'attends que ça termine, puis je vais faire semblant

« Il y a des gens qui veulent ma chute et qui veulent pas que je perce… Mais je suis quand même très content. »

La pandémie a retardé tes projets ?
Je devais rentrer en studio il y a un mois. Je devais terminer mon troisième EP avant le ramadan, qui est une pause, surtout pour quelqu’un de musulman comme moi.

On s'était dit qu’entre « Habibati » et le ramadan, on allait compléter ce qu'il reste à faire. Et on a rien pu faire. On avait aussi annoncé une mini-tournée de premières parties en France, et ça a été annulé. Je suis pas sorti de chez moi pendant le confinement à part pour mettre les poubelles dehors.

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T’étudiais aussi ?
On peut en parler au présent hein ; je suis encore aux études. Mais le supérieur a été délaissé, genre : « Débrouillez-vous, chaque unif avec ses solutions », donc c'est un peu chiant. Surtout si t'as pas l'âme d'un étudiant. Chaque fois que j'ouvre mon PC, je vois que les gens sont perdus.

T'envisages de ralentir le rythme des études pour la musique ?
Pas du tout. Je fais un pas par-ci un pas par-là ; les deux ensemble. Pour l'instant ça va. Au moment où je vais devoir accélérer la cadence niveau musique, ce sera peut-être différent. Je suis en 3ème année en communication/pub. Je veux vraiment avoir un truc à côté de la musique. Il faut que je fasse cet album… Euh, ce diplôme.

Toi, tu commences à vraiment être confus entre études et musique.
J'suis un hybride, t’inquiète.

Disque d'or ou diplôme ?
Disque d'or. Totalement. J'ai déjà un autre diplôme de toute façon.

« Les cases, c’est pas nous qui les mettons, c’est les gens ou les médias qui écrivent les gros titres. »

À l'école ça se passait comment ? T'es arrivé ici en 2008 et j’ai vu que t'avais appris le français avec Sexion d'Assaut.
Et avec Harry Potter. J'avais pas encore beaucoup de potes dû à un manque de communication. Mon vocabulaire s’est amélioré en lisant et en écoutant. Mais Sexion d’Assaut, c’était pas fait exprès ; j'avais un vieux Samsung qui coulissait et, quand je prenais le métro pour aller à l'école, un pote m'envoyait toujours des sons en Bluetooth, genre ceux des « Chroniques du 75 ».

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Il s’est passé combien de temps entre ton apprentissage de la langue et les débuts dans la musique ?
J'ai commencé en sixième secondaire, donc six, sept ans plus tard.

T'as souffert du fait que les gens ont visiblement du mal à te catégoriser ? On t’a vu pour la première fois dans « Rentre dans le cercle » avec Sofiane, puis dans un registre plus suave dans les clips.
Est-ce que j'avais ? On peut encore en parler au présent. Je suis arrivé dans « Rentre dans le cercle » en chantonnant et juste après, j'ai enchaîné en mode sentimental, dansant, ouvert. Les cases, c’est pas nous qui les mettons, c’est les gens ou les médias qui écrivent les gros titres. Dans mon cas, ça concerne deux cases.

« Tawsen, le petit prince du raï/r’n’b » ou « Le nouveau prodige de la pop urbaine », c’est ça ?
Voilà.

Il y a quelqu’un qui demande en commentaires pourquoi tu détestes les médias.
Je les déteste pas ! Disons juste que, rien que pour ça : mettre dans des cases. Parfois, je me demande aussi ce qu'il leur faut pour qu’on soit plus exposé·es alors qu’on sort des projets, qu’on fait des concerts remplis. 1 million de vues en plus, 2 ?

Tu suis beaucoup tes stats ; tu te dis pas que ces stats couplées à l'engouement de ta communauté suffirait à évaluer ton talent, plutôt que le nombre d'articles sur toi dans les médias ?
Oui et non. À un moment donné, tu ne peux plus toucher une personne à l’autre bout du monde parce que ton pote a partagé ton clip, et que son pote l’a fait aussi. Quand je sors un truc et que c'est viral, il y a quand même un moment où le cycle se finit. T'as besoin des médias. À mon niveau, j'ai besoin des médias ou d'autres personnes pour être plus exposé. Je veux agrandir mon cercle.

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Tu penses que dans l'album tu vas rester fidèle à toi-même et rester ultra solo ?
Déjà, solo dans le troisième EP. Dans l'album, je vais semblant qu’il y aura des collabs.

« Je veux vraiment pas être l’artiste qui fait plaisir au gens et rentrer dans une case, cette fois créée par les gens qui me suivent. »

Le public attend des featurings. On dirait qu’il ne jure que par ça.
J'ai pas envie de péter juste parce que je me suis lié à tel·le ou tel·le artiste ; je veux pas être le mec qui a fait un feat avec “big star". « Il est cool ce morceau » ; OK, mais tu connais les autres ? Mais c’est vrai que dans les commentaires, les gens en parlent beaucoup. Dans mon cas, on me demande souvent d’en faire un avec El Grande Toto ou Soolking. Restez connecté·es, qui sait ; mais non, je veux vraiment pas être l’artiste qui fait plaisir au gens et rentrer dans une case, cette fois créée par les gens qui me suivent.

Je regarde les chiffres pour voir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas. On voit sur scène ce que les gens aiment. Mais ça fait partie du processus de création. C’est sûr, je vais pas refaire dix fois la même chanson que les gens n’aiment pas, mais de là à juste faire plaisir…

Comment t’entres en contact avec ta communauté ?
Mon truc, c’est les stories, les posts. J'essaie un peu Twitter mais c’est la jungle. La blague peut mal passer. Moi c’est Insta et Youtube. J'ai commencé à communiquer en anglais parce que je reçois des trucs en allemand, néerlandais, suédois.

Du coup, tu fais ton troisième EP en français et l'album en anglais, c'est ça ?
Absolument ! Pas. J'aurais aimé avoir un accent hyper fluide mais pour l'instant pas d'anglais : « Yes baby come on, you ready from the stand » (????, ndlr.) On vise les Grammys. Si ça marche pas en français, italien ou arabe, on va chanter en anglais.

Les gens ont de toute façon du mal à te catégoriser, ça ne fera que renforcer ta complexité.
Ouais, je vais arrêter de me plaindre et jouer encore plus là-dessus pour que les gens se disent : « Qu’est ce qu’il a ce type ? »

On va se revoir avant ça.
Je pense aussi, on a le temps.

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