Sous le communisme, les jeunes Roumains sortaient le jeudi soir. Ces soirées dansantes, appelées les « jeudis de la jeunesse » et organisées par des clubs de jeunes fondés dans les écoles, les universités ou les usines, ont lancé certains des plus grands groupes de rock et de jazz roumains de l'époque.
Sans surprise, les autorités roumaines n'ont pas soutenu le boom du rock qui a balayé le monde dans les années 1960, mais elles l'ont toléré – du moment qu’aucun groupe ou musicien ne sortait du rang. En fait, le régime communiste, qui a duré de 1947 à 1989, a accidentellement créé un espace pour que les jeunes puissent se réunir et écouter leurs sons préférés. Mais à mesure que l'emprise de Ceaușescu sur les libertés culturelles s'est accrue, les artistes ont dû recourir à des stratégies astucieuses pour défier un système de plus en plus oppressant.
En 1969, le Club A, un espace événementiel underground, a ouvert à Bucarest. À l’origine, le club s'adressait aux étudiants en architecture et à leurs invités. Il organisait des concerts de rock, des spectacles de danse moderne, des soirées de poésie, de folk et de jazz. Curieusement, le club est toujours en activité aujourd'hui, et il est toujours géré par des étudiants.
Le groupe Mondial en Concert.
Un an après son ouverture, le Club A a organisé le tout premier festival de musique de Bucarest, qui était techniquement une compétition entre groupes de rock. Le festival a duré six jours et s'est déroulé dans des salles à travers toute la ville.
Alors que les hit-parades américains et occidentaux des années 1970 étaient dominés par Pink Floyd, les Rolling Stones, Led Zeppelin, Deep Purple ou les Beatles, les musiciens roumains avaient pour ordre de jouer uniquement de la musique qui plaisait au « fils le plus aimé du peuple », alias Nicholae Ceaușescu.
Le groupe Olympic '64 joue devant un public de jeunes roumains.
Le leader communiste est rentré chez lui après une tournée en Chine et en Corée du Nord, impressionné par ce qu'il avait vu : des rassemblements de dizaines de milliers de jeunes partisans de l'idéologie communiste. Ceaușescu voulait adopter le modèle asiatique pour la Roumanie, avec la musique patriotique comme élément central du projet. Il savait aussi ce qu'il ne voulait pas : une musique occidentale décadente.
En 1971, l’interdiction de chanter en anglais a été adoptée en Roumanie. Dans son célèbre discours intitulé les « thèses de juillet », Ceaușescu a attaqué les créatifs et les intellectuels, appelant à une réforme culturelle stricte. Il a également exigé que les groupes ne mettent en avant que les aspects positifs de la vie roumaine de l'époque.
Le groupe Phoenix jouant en 1964.
Mais les groupes de rock ont rapidement trouvé des solutions pour contourner les règles. Les chansons étaient écrites avec des paroles basées sur des poèmes classiques, ou sans paroles du tout. Les groupes utilisaient également d'obscures traductions roumaines de tubes étrangers pour échapper au regard des autorités. Si les chansons étaient écrites en roumain, elles utilisaient souvent des mots totalement absurdes qui ressemblaient à l'anglais lorsqu'ils étaient chantés. Les groupes ont également abandonné le terme « rock » (qui était considéré comme subversif) pour se définir plutôt comme des « ensembles musicaux instrumentaux-vocaux ».
Tout cela a contribué à maintenir le rock en vie dans des conditions extrêmement restrictives. Cette époque, immortalisée par les archives du Musée du rock roumain, célèbre non seulement les groupes qui ont défié le temps, mais aussi les espaces qui les ont aidés à s'épanouir.
Plus de photos ci-dessous :
L'ingénieur du son Panteli Stanciu, également connu sous le nom de « Roland ».
Păunița Ionescu et Anca Vijan Graterol du groupe Catena.
Un concert dans un club étudiant.
Le groupe Mondial en concert.
Venus, le premier groupe de rock roumain entièrement féminin, s'est formé en 1967.
Zoia Alecu, une chanteuse, compositrice et parolière qui a rejoint le groupe Sphinx en 1986.