Clélia Odette Rochat Belles Mômes
Société

La beauté des nudités mûres

Dans sa série « Belles Mômes », la photographe Clélia Odette nous rappelle que c’est beau de vieillir.
Souria Cheurfi
Brussels, BE

Y’a plusieurs types de covoiturages : le covoit’ où vous ne parlez à personne car ces quelques heures de route sont votre seule chance de récupérer quelques points de vie, le covoit’ ou vous ne parlez à personne car les interventions et/ou la sélection musicale de la personne au volant sont douteuses, puis, aussi, le covoit’ où vous rencontrez des gens pas trop relous et où ça papote. 

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Clélia Odette (24 ans), photographe d'origine franco-suisse vivant à Bruxelles, a un jour eu la chance de se retrouver dans le bon covoit’. En plus d’être devenu un cool souvenir, il est aussi le point de départ de sa série Belles Mômes. « Par hasard, j’étais assise entre une retraitée et une gynécologue qui ont abordé le sujet de la ménopause. Moi, je commençais juste à être révoltée par l’ampleur du sexisme, mais je n’avais jamais abordé la question de l’âge chez la femme, et je n’en avais que très peu entendu parler », se souvient-elle.

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Clélia nous raconte que dans la voiture, cette femme à la retraite s’est mise à pleurer car elle avait l'impression de ne plus servir à rien depuis qu'elle avait atteint la ménopause. Elle ne se sentait plus désirée : « Son mari l'avait trompée avec une femme plus jeune et elle s’était fait refaire la poitrine et tirer les rides pour se sentir un peu mieux physiquement. » Cette conversation a marqué la jeune photographe qui est sortie degoutée de la voiture, étrangement triste d’être une femme dans cette société. 

« Des femmes merveilleuses que je ne connaissais pas m’ont ouvert leur porte et se sont livrées à moi. »

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Malgré la différence d’âge entre la photographe et ces femmes, la question de la vieillesse préoccupe déjà Clélia : « Vu cette course perpétuelle vers la jeunesse, je ressens déjà la pression de ne pas avoir le droit de vieillir et ça peut me stresser. » Elle est consciente que le problème est plus présent chez les femmes de plus de 50 ans, c’est pourquoi elle leur a dédié son travail. 

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Clélia a donc décidé d’aller à la rencontre d’autres femmes plus âgées, mais s’il n’est pas évident de trouver des femmes de 50 ans et plus, ça l’est encore moins de leur demander de se déshabiller devant un appareil : « J’ai eu énormément de refus. C’était démotivant. J’avais même mis des annonces dans la rue. En plus, j’ai commencé ce projet pendant le Covid. » Au final, c’est grâce au bouche à oreille qu’elle s’est débrouillée. Les premières rencontres ont eu lieu dans un atelier de modèle vivant, auquel Clélia a pu avoir accès en y posant elle-même nue. Elle y a fait la rencontre de Sylviane, la première femme à avoir accepté de poser pour elle. Ensuite, plus elle accumulait de photos, plus elle avait du matériel à montrer pour rassurer les modèles : « Je pense qu’on peut voir que mes images n’ont rien de dévalorisant. » 

On pourrait croire que les femmes de 50 et plus ne traînent pas trop sur Instagram, ou du moins ne l’utilisent pas de la même manière, pourtant, la plateforme s’est aussi avérée utile. Clélia y a en effet découvert le monde des influenceuses Silver (au cheveux blancs), qu’elle a évidemment contactées.

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Pour ce qui est de les mettre à l’aise, c’était pas facile facile non plus. Autant pour la photographe que pour les modèles. Mais les discussions finissent par faciliter le processus ; ça raconte un peu leur vie, leur rapport à leur corps et aux autres, ça parle de leurs partenaires amoureux·ses ou sexuel·les, voire de sujets plus tabous comme la sécheresse vaginale ou la ménopause. Et doucement, la confiance s’installe. « Des femmes merveilleuses que je ne connaissais pas m’ont ouvert leur porte et se sont livrées à moi. C’était une expérience incroyable. »

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Toutes n’ont pas posé nues ; Clélia est à l’écoute de leurs envies : « Je leur demande où elles aimeraient que je les prenne en photo et comment, quelles parties de leur corps elles n’aiment pas, ou au contraire, celles qu’elles aimeraient mettre en valeur. » Et d’un point de vue plus technique, elle a opté pour un appareil argentique Rolleiflex, qui l’oblige à baisser la tête au moment de prendre la photo. La photographe ne devant pas regarder les modèles dans les yeux, le moment était moins intimidant pour ces dernières. 

En ressortent des photos révélant la beauté de chacune - leur charisme, leur regard, leurs expériences, leurs rides d'éclats de rire, leurs expressions, leur singularité, leur charme -, mais aussi des amitiés : « Certaines d’entres-elles sont devenue des amies et ça, c’est chouette. »

Vous pouvez suivre Clélia Odette sur son Instagram et soutenir son projet ici.

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