Dans l’univers merveilleux et étrange du rayon asiatique

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Dans l’univers merveilleux et étrange du rayon asiatique

Œufs de cent ans, méduse en sachet et jus de chrysanthèmes : on s’est baladé dans les rayons des épiceries de Belleville à la recherche des aliments les plus chelou et exotiques.

On ne remerciera jamais assez les différents flux migratoires qui permettent aujourd'hui à n'importe quel gus parisien de manger (à peu près) la même chose qu'un habitant de Guangzhou ou d'Hanoï : une simple balade dans l'un des deux plus gros « quartiers chinois » de la capitale – Belleville ou le XIIIe arrondissement – est l'occasion d'un voyage gustatif à peu de frais et permet, par exemple, de choper la plupart des ingrédients de base d'un dashi japonais ou encore, d'une soupe Phở vietnamienne.

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Et pour cause : parcourir les rayons des épiceries asiatiques peut être un truc assez dépaysant, surtout pour les papilles occidentales les plus coincées. De la difficile épreuve du décryptage des étiquettes à l'analyse approximative des aliments inconnus qui peuvent potentiellement constituer votre repas, faire ses courses dans une épicerie asiatique prend parfois des allures de défi. Si vous pensez connaître les bases, sachez qu'il existe un univers parallèle dans lequel vos œufs sont naturellement de couleur marron et l'herbe pousse en gélatine.

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Étant moi-même assez néophyte en ce qui concerne la nourriture asiatique, j'ai voulu trimballer mon cabas dans quelques adresses de Paris pour y choper les produits qui m'apparaissaient attirants, exotiques ou tout simplement hyper chelou. Et mon point de vue d'Occidentale lambda m'a permis de piocher dans un vaste choix. À tous ceux qui considèrent déjà les gâteaux à la pâte de haricot rouge comme un peu « borderline », n'hésitez plus à plonger dans l'inconnu : ces adresses regorgent de victuailles capables de satisfaire tous les estomacs. Voici la liste des aliments que vous ne trouverez pas ailleurs et qui ont éveillé ma curiosité.

Les œufs de canard centenaires

Epicerie asiatique oeufs centenaires

Toutes les photos sont de l'auteur.Tintin et le Lotus Bleu

On commence par le truc tellement cliché que même Hergé l'a foutu dans : les œufs centenaires. Petit point technique avant dégustation, ces œufs sont le résultat d'une fermentation à base d'argile de chaux, de cendre et de sel. Techniquement, ils ne sont donc pas « pourris ». Après, j'avoue, l'idée qu'ils sortent du cul d'une cane de l'enfer m'a vaguement effleuré l'esprit. En déballant les œufs de leur boîte de polystyrène, un sentiment de malaise persistant me fait m'interroger sur les limites de mon ouverture d'esprit. Puis, viens la question pratique : comment les bouffer ?

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Visiblement, la méthode ressemble à celle utilisée pour les œufs durs – la mayonnaise en moins. Les œufs de cent ans peuvent être servis en salade mais on les consomme généralement « nature ». C'est ce que j'ai fait. Tout d'abord, l'odeur n'est pas très prononcée. Elle ressemble à celle d'une huître fraîchement pêchée. La coquille grisâtre cache un petit œuf marron à l'extérieur et gris à l'intérieur. Son cœur, d'abord crémeux, vire au suintant assez rapidement. En bouche, le goût n'est pas très fort et ce n'est pas aussi salé que je l'imaginais mais le cœur gris est vraiment plus écœurant qu'un œuf classique. Il se transforme même en une matière bien répugnante. Bref, c'est un œuf en beaucoup plus lourd avec un petit arrière-goût marin. Honnêtement, je me suis débarrassée de la boîte immédiatement après.

La méduse en sachet

Epicerie asiatique meduse sachet

Je concède une certaine aversion pour les méduses. Cela vient peut-être d'un traumatisme. Ayant passé mon enfance sur la côte du Morbihan, il arrivait parfois que la baignade soit interdite à cause de ces bestioles qui arrivaient en banc pour venir ensuite s'échouer sur la plage. Sachant que les méduses sont composées à 98 % de flotte et ont une texture mi-ferme, mi-visqueuse, j'étais assez sceptique quant à leurs valeurs nutritives. En Asie, la méduse est plutôt présente lors de repas de fête, en salade avec des légumes ou des fruits. Sur l'emballage, on peut lire qu'elle « purifie les poumons et augmente la pureté du sérum dans la coagulation du sang ». Pourquoi pas. Visiblement, elle a été pêchée dans la zone n° 61 de l'océan Pacifique.

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J'ai d'abord cru que l'animal était vivant. En ouvrant le paquet, on retrouve cette odeur de bords de mer vaseux. À l'intérieur, deux autres sachets remplis de condiments vous attendent pour venir agrémenter votre préparation : un poudreux et un huileux. Franchement, l'odeur n'a fait qu'empirer avant de devenir insoutenable. J'ai opté pour une salade accompagnée d'algues et de sésame noir. J'ai tenté d'en saisir le goût mais visiblement, la méduse n'en a absolument pas. Sa texture étant épaisse, il faut vraiment bien mâcher. Si on s'y fait, sa consommation devient assez aisée. Si, comme moi, vous êtes rancunière, l'expérience sera beaucoup moins jouissive.

Le chou mystère

Epicerie asiatique pot kimchi

J'ai trouvé ce pot en terre cuite placé tout en bas d'un rayon, dans un coin, derrière quelques boîtes de conserve, l'étiquette à peine lisible à cause de la poussière. À l'évidence, quelqu'un ne souhaitait pas qu'on tombe dessus. Cette énigme est faite à base de chou chinois coupé en petits morceaux, d'ail et de gros sel, dans un mode de conservation traditionnel. C'est extrêmement salé, donc il vaut mieux commencer par le rincer. L'odeur est ensuite vraiment agréable. Elle va parfumer tous vos plats, que ce soit dans un wok de légumes ou dans un ragoût de viande. Je crois que je serais même capable de l'offrir – en romançant un peu la manière dont je l'ai découvert, certes, quitte à dire qu'il s'agit d'un mets ancestral connu pour posséder des vertus miraculeuses sur la libido, le genre d'histoire qu'adorent les Occidentaux alors qu'on parle, tout compte fait, de chou chinois dans du sel.

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Le simili abalone

Epicerie asiatique gluten frit et sauce huitre

Cette conserve était très intrigante. Je ne pensais pas qu'on pouvait faire frire le gluten avant de le vendre et je n'avais jamais entendu parler d' « abalone » donc encore moins de sa contrefaçon. C'est à ce moment précis qu'un habitué de l'épicerie m'est venu en aide. Il m'a expliqué qu'il s'agissait d'une imitation d'un crustacé que l'on consomme en Australie (et qui ressemble par ailleurs à de l'ormeau). Ce qui explique pourquoi vous pouvez aussi trouver des plats à base de tofu tentant de se faire passer pour canard ou du bœuf dans le même rayon. Il a rajouté : « Je vous conseille de ne pas manger ça, ce n'est pas bon pour la santé, il vaut mieux acheter du tofu frais en barquette ». Et m'a même filé une astuce : « Moi je le fais chauffer dans une poêle, je rajoute un peu d'eau et je termine, au dernier moment, par de la sauce aux huîtres thaïlandaise. Vous pouvez aussi mettre un peu d'ail si vous aimez ». J'ai testé la recette du monsieur et j'ai poêlé ces éponges avec un filet de sauce aux huîtres thaïlandaise avant de les parsemer d'ail moulu. Cela doit être très dur de choisir de se passer de crustacées pour les remplacer par cet aliment mou, juteux et pas spécialement bon pour la santé – que cette dernière soit physique ou morale.

Le soja noir salé

Epicerie asiatique soja-noir

Lorsque j'étais petite et que je posais la question « Qu'est-ce qu'on mange ? », dans la majorité des cas on me répondait « Des briques à la sauce cailloux ». Ça me faisait bien rire. Peut-être parce que je n'avais jamais imaginé que quelqu'un allait un jour tenter de suivre cette expression à la lettre ? J'ai quand même trouvé très belle toute cette frustration enfantine concentrée dans un bocal. Si on retrouve le soja noir dans n'importe quelle épicerie asiatique (sous forme de lait, d'huile ou confit), c'est aussi parce qu'il est connu pour diminuer les symptômes de la ménopause. Je crois que ça résume pas mal de choses.

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Quelque chose qui ressemble à des buns rose fluo au lotus

Epicerie asiatique buns-lotus

Parfois, je me dis que je suis à deux doigts de réaliser les fantasmes de milliers de petites filles en vivant comme une star de la J-Pop et en me nourrissant de gâteau arc-en-ciel. Il n'y a probablement qu'au Japon qu'on considère ce type de couleur comme « naturelle » dans les aliments. J'ai acheté ces buns surgelés. Je les ai fait cuire 15 minutes à la vapeur. Ce sont des petites brioches farcies à un truc qui ressemble à de la crème de marrons. J'avais vraiment un doute sur la saveur du lotus et je ne suis malheureusement toujours pas fixée. La texture est plutôt moelleuse donc vous ne risquez pas grand-chose à part de vous retrouver avec du rose fluo plein les dents. Bref, la belle vie comme dans un rayon filles de chez Joué Club.

Du jus de chrysanthèmes

Epicerie asiatique boisson-chrysentheme

Ne vous fiez pas aux apparences, à l'intérieur de cette brique jaune d'où semblent darder les rayons de soleil, vous trouverez une boisson à base de chrysanthèmes. En Chine, le chrysanthème véhicule des valeurs de respect et d'honnêteté. On la nomme également « fleur de l'automne ». En France, on en voit surtout au bord des tombes. C'est à la fois mignon et navrant d'assumer autant sa dépression en sortant ce jus à l'heure du goûter. On utilise le chrysanthème contre le rhume, son thé étant considéré comme une boisson énergisante. Revers de la médaille, il est aussi susceptible de vous empoissonner. Peu de chance que cela arrive avec cette brique dont le contenu a autant le goût de lotion florale démaquillante que de saccharose.

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L'herbe en gelée

Epicerie asiatique gelee-d'herbe

Œuf fermenté, méduse en salade et herbe en gelée. En fait, l'Asie est probablement le continent le mieux préparé en cas de pénurie alimentaire. Je me suis fait une sorte de dessert post-apocalyptique en ajoutant des raisins secs. J'ai pris ça pour du Flamby et je me suis évidemment plantée. Cette gelée n'est absolument pas sucrée. Elle aurait même un arrière-goût de cachou ayant pris un peu trop la flotte. En Chine, on la mange découpée en petits cubes et saupoudrée de sucre avec éventuellement une boule de glace sur le dessus.

La poudre de sésame noir

Epicerie asiatique black-sesam-cereal

À moins de me retrouver dans une profonde détresse ou dans le Sichuan, je ne vois pas pourquoi j'irais me préparer un bol de bouillie de sésame noir. Pourtant, c'est un produit très sain pour le corps – en l'occurrence pour le système digestif – et très populaire en Asie. Cette poudre se mélange simplement avec de l'eau bouillante, comme un potage lyophilisé ou du porridge. Bilan de mes sensations par ordre chronologique :

1) Ce n'est pas mauvais 2) Ce n'est pas très sucré 3) L'odeur de sésame est peut-être trop forte 4) On dirait un peu du sable avec de la bave quand même

La pâte sucrée aux arômes de banane

Non, il ne s'agit pas d'une barre de LSD. Ce dessert artisanal chinois à la texture de la pâte d'amande. Pas de danger sauf si vous êtes accro à l'arôme artificiel de banane, le même que celui des Haribo. Je ne comprends pas très bien comment on peut manger au-delà de 5 % de ce gâteau tellement « l'essence de banane » (un ingrédient mentionné sur l'étiquette) laisse un goût chimique particulièrement prononcé et me brûle le pharynx.

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Les billes de tapioca au taro et au lait de noix de coco

Epicerie asiatique bille tapioca taro

C'est l'occasion de manger des boules violettes gluantes noyées dans une gelée blanche – si ce n'est pas déjà fait. J'ai décidé de prendre ce plat en version surgelée et de le réchauffer deux minutes aux micro-ondes, pour apprécier le manque cruel de saveur. Et une question me taraude : est-il possible de fabriquer un arôme artificiel à partir d'un aliment qui n'a concrètement aucun goût ? Désolé, mais je n'ai pas réussi à saisir la complexité du taro. Avec ce dessert, vous tomberez en réalité sur une soupe à la noix de coco émincée et aux boulettes pâteuses de couleur gris mauve.

Le dessert laiteux ou Saïgonais

Epicerie asiatique desserts vietnamiens

Du lait de coco, des algues en filaments, des haricots mungo, du vermicelle de manioc, des graines de lotus et des billes de tapioca. Tout ça pour avoir la vague impression de manger un yaourt qui a traversé une rivière pendant plusieurs jours. C'est assez sucré avec un fort goût vanillé et la texture est assez agréable. Je commençais presque à l'apprécier jusqu'à ce que je tombe sur une graine de lotus. Je ne vous fais pas de dessins. Ça c'est fini mal. (À gauche sur la photo)

Le dessert visqueux ou Cơm rượu nếp cẩm

De loin, cela ressemble à des petits oursins molasses. En ouvrant la boîte cela m'a rappelé la petite pharmacie de ma mamie. Il y a comme une odeur de compresse, mais agréable. C'est l'alcool de riz qui provoque ces effluves. Je me suis dit que ça allait être pas mal, que la couleur aubergine du riz noir donnait envie. Et ça a l'air moins élaboré que les deux autres. En réalité la première bouchée m'a direct calmée. Les boules se sont cassées et éparpillées dans le jus. La texture est très spongieuse car le riz a beaucoup trop macéré dans l'alcool à mon goût. (Au milieu sur la photo)

Le dessert trois couleurs ou Sương Sa Hột Lựu

C'est si excitant de manger des cheveux de Flubber. Et c'est totalement le repas que j'imaginais manger un vaisseau spatial avec des peuples ni mâles, ni femelles, ni hermaphrodites. Le rituel pour ce dessert est assez particulier. Il est vendu avec deux sachets, un avec de l'eau et l'autre avec du lait. Il suffit ensuite de faire une tambouille des trois. Mais les textures n'ont tellement rien à voir entre elles – rien n'est homogène – que c'est plus perturbant que la couleur fluo (?). Je ne comprends pas l'intérêt de faire baigner ça dans un jus. D'ailleurs, je ne comprends pas l'intérêt de ce dessert tout court. Pourtant il est visiblement très consommé en Asie et se vend dans la rue et dans les restaus. Dans la recette traditionnelle, on ajoute des châtaignes d'eau. (À droite sur la photo)

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De ces plus ou moins classiques des épiceries chinoises, quelque chose me dit que ces versions vendues en supermarché sont très différentes de celles qu'on trouve sur place. Cette expérience aura été particulière. Et même s'il en faut peu pour qu'un Occidental qualifie un ingrédient d'« inhabituel », la gastronomie asiatique regorge encore de mystères qui ne demandent qu'à être bouffés.

Vous pouvez trouver toutes ces victuailles aux adresses suivantes : Paris Store - 10 Boulevard de la Villette, 75019 Paris / Tang Frères - 48 Avenue d'Ivry, 75013 Paris / Le Président - 120-124 Rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris