On a parlé à des gens qui semblent ne jamais rien faire dans la vie
Photo : Yuri Arcurs/DigitalVision

FYI.

This story is over 5 years old.

Commandité

On a parlé à des gens qui semblent ne jamais rien faire dans la vie

Que font-ils vraiment de leurs journées?

Cet article fait partie de la série « Les vraies affaires ».

Vous les voyez sur l'avenue Mont-Royal un mardi après-midi ensoleillé, en train de manger un beigne gourmet. Vous les croisez sur Durocher chaque fin de semaine à la sortie des afters. Même s'ils n'en ont pas forcément l'air, ces gens travaillent. Mais que font-ils vraiment dans la vie? À quoi occupent-ils leur journée? On leur a demandé leurs trucs pour gagner sa vie en n'ayant jamais l'air occupé.

Publicité

Alexis, développeur web (travaille autour de 35 h par semaine)

À quel moment as-tu conclu que tu n'entrerais pas dans le « système »?
Depuis toujours. Je pourrais juste pas. Je n'ai pas eu beaucoup de jobs. Avant, j'étais livreur de dépanneur et je faisais du bon argent, cash. La seule raison pour laquelle j'ai changé de branche, c'est que ça me gossait trop de dire au monde que c'était ça, ma job.

Comment gères-tu le travail et le temps off?
Très mal. Je travaille tout le temps et jamais en même temps. Le téléphone sonne à n'importe quel moment. Il faut se forcer pour décrocher. C'est plus ça le problème. Pas de se motiver à raccrocher au travail.

Penses-tu que tu travailles plus fort que quelqu'un dans un 9 à 5?
Non, parce que je sais ce que je fais et je suis efficace. Je suis persuadé que j'accomplis plus en un avant-midi que ce que quelqu'un dans une tour fait en une journée. En fait, ça m'arrive souvent de me demander : qu'est-ce que le monde peut faire pendant huit heures dans un bureau?

Mathilde, accordéoniste et blogueuse culinaire (travaille autour de 35 h par semaine)

Ce n'est pas stressant, de vivre de contrat en contrat?
La journée où j'ai compris qu'avoir un poste fixe, ça voulait dire un salaire fixe, et que ton loyer, ta bouffe, tes vacances devaient être comptabilisés à la cenne près, ça m'a donné le vertige. Je connais des gens avec des « bons » emplois dans une société d'État qui calculent leur tip pour une bière, pour être sûrs d'arriver à la fin du mois. Ça, ça m'angoisse plus que quand j'ai perdu 30 000 $ de contrat en un mois, il y a deux ans.

S'il n'y a potentiellement pas de limite ni aux heures travaillées ni aux revenus potentiels, quand est-ce qu'on s'arrête?
Ça fait environ deux ans que j'ai atteint un niveau où je ne saurais pas vraiment quoi faire avec mon argent si j'en faisais plus. Le but, c'est pas mal juste de maintenir ce que j'ai.

Publicité

Chacun a son prix : à quelles conditions tu abandonnes ton mode de vie et tu rentres dans un 9 à 5?
Si je quitte mon mode de vie, ce serait pour gérer une équipe. Travailler avec beaucoup de monde, c'est le truc qui me manque le plus de travailler dans mon coin. Le salaire et les vacances, ça vient bien après.

STAN, vendeur et chilleur professionnel (travaille entre 10 h et 15 h par semaine)

C'est quoi le truc pour pas trop travailler et bien vivre?
Faut faire de l'argent sur l'internet. That's it. Tu n'as pas besoin de dealer avec personne. Tu n'as pas besoin de te déplacer. Tu sauves de l'essence, du temps. Tout ça te donne le temps et les moyens de chiller.

Quelle est la chose que tu possèdes – matérielle ou non – qui a le plus de valeur?
La liberté, man. La quantité de gens qui vont travailler dans une job qu'ils aiment, c'est à peu près zéro. La seule chose que tu peux espérer, c'est trouver une job qui paye assez, dans laquelle tu es bon et qui te laisse un maximum de liberté pour faire ce que tu veux.

Est-ce que c'est propre à notre génération, le chillage ?
On n'est pas différents de ceux qui étaient là avant nous. Éventuellement, tu veux une famille. Mais pour ça, il faut se commettre et avoir des ressources pour leur offrir le maximum. Mais ça n'arrive pas magiquement. Il faut que tu travailles et que tu fasses des sacrifices.

Donc, c'est un mirage, la figure du millenial flâneur, qui est payé pour voyager partout dans le monde?
Ouais, on se fait mentir, c'est clair. Notre génération profite du travail et des sacrifices faits par ceux qui étaient là avant nous. Ça permet à plein de corporations de faire de l'argent en vendant un mode de vie où tout paraît possible et facile.

Est-ce que tu penses un jour rentrer dans un mode de vie « normal »?
Je suis en train de le faire. J'ai fait mon temps dans cette vie-là. Je suis arrivé à la limite. Ma meilleure amie, qui me trouvait cool quand on était ado, maintenant, elle est médecin. Mon autre ami lisait des livres de droit gros comme la Bible pendant que je voyageais partout dans le monde en faisant des affaires cool. Aujourd'hui, j'habite dans son building et je lui paye un loyer.

Cet article a été publié grâce au soutien de la Banque Nationale