FYI.

This story is over 5 years old.

Nouvelles

La fille qui a quitté l’Europe pour combattre l’État islamique

Elle trouve que les soldats du groupe État islamique (EI), contrairement aux troupes de Bashar al-Assad, sont « faciles à tuer ».

Joanna Palani avait seulement 22 ans quand elle a quitté sa vie confortable d'étudiante au Danemark pour se joindre aux forces armées kurdes sur les lignes de front de la guerre en Irak et en Syrie. Elle trouve que les soldats du groupe État islamique (EI), contrairement aux troupes de Bashar al-Assad, sont « faciles à tuer ».

L'appel à la guerre sainte contre les « infidèles » a convaincu plus de 27 000 combattants étrangers venant de 81 pays différents de rejoindre la Syrie et l'Irak — la vaste majorité d'entre eux combattent désormais aux côtés de l'EI. Joanna Palani, elle, est partie combattre aux côtés des Kurdes, d'abord avec les Unités de protection du peuple (Yekîneyên Parastina Gel, abrégé en YPG), puis avec les peshmergas, la branche armée du Gouvernement régional du Kurdistan. Les peshmergas (littéralement « ceux qui affrontent la mort ») ont joué un rôle important dans le renversement de Saddam Hussein et dans la capture d'Oussama Ben Laden, et remportent lentement des batailles importantes face à l'EI en Irak.

Publicité

Joanna, 23 ans, étudie la philosophie à Copenhague. Cette fille et petite-fille de combattants peshmergas est née en 1993 dans un camp de réfugiés de l'ONU à Ramadi, en Irak. Sa famille a fui son pays durant la guerre du Golfe et a emménagé à Copenhague lorsqu'elle était petite. Elle y a mené une « vie normale et confortable ». Ses passe-temps favoris étaient la lecture et le tir. Après avoir touché son premier fusil en Finlande à l'âge de neuf ans, elle en est devenue obsédée.

« J'adore ça, déclare-t-elle, c'est ma vie. Il est tout à fait normal pour une Kurde d'apprendre à utiliser des armes. » Joanna rit beaucoup quand elle raconte son histoire et m'appelle « M'dame ».

En 2014, elle a quitté le pays pour rejoindre les Kurdes en Syrie. Elle voulait les aider à vaincre l'EI et Bashar al-Assad. « Le 14 novembre 2014, je suis partie en Irak, puis à Rojava, en Syrie. Je suis restée avec les YPG pendant six mois, puis avec les peshmergas les six mois suivants. J'ai combattu pendant un an. »

En novembre 2014, l'armée de Bachar al-Assad avait déjà à son actif trois longues années de meurtres arbitraires de civils. Elle avait accumulé une multitude d'armes et de munitions, dont des armes chimiques utilisées contre son propre peuple. Quant à l'EI, il confirmait son expansion dans le nord de l'Irak.

La première expérience de Joanna sur la ligne de front a été pour le moins brutale. Alors qu'elle patrouillait aux côtés d'un combattant suédois, ils ont été attaqués par un tireur d'élite qui avait repéré la fumée d'une cigarette. Il a tiré une balle pile entre les deux yeux de son camarade. Elle se souvient que la cigarette de ce dernier se consumait alors qu'il était mort, et que son sang se répandait sur son nouvel uniforme.

Publicité

« Je lui avais bien dit de ne pas fumer, il ne m'a pas écoutée. Je n'étais pas prise au sérieux en arrivant là-bas, avoue-t-elle. Mais ça a changé après la première attaque. »

En Syrie, elle s'est découvert un don pour tirer au bon moment et garder le silence au bon moment — selon elle, les deux qualités essentielles d'un bon soldat. Son combat contre l'armée d'Assad allait être le plus difficile de sa carrière. Elle avait eu vent d'attaques au chlore, aux bombes barils et même aux bombes aérosol — toutes interdites par le droit international. Le régime d'Assad est jugé responsable de la mort de 81 000 civils. Il fait désormais l'objet d'enquêtes pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

« Les combattants de l'EI sont très faciles à tuer, Madame, déclare-t-elle en riant. Ils sont très bons pour se sacrifier eux-mêmes. Mais les soldats d'Assad sont de vraies machines de guerre. »

Joanna raconte avec fierté son rôle dans la formation des jeunes combattantes kurdes. « Les jeunes filles sont incroyables. Elles sont euphoriques lorsqu'elles reviennent du front. Elles sont vraiment courageuses, bien plus que je l'étais à leur âge. »

Mais même si son père et sa mère à Copenhague craignaient pour la vie de leur fille, Joanna a trouvé le bonheur au combat. « Je n'ai jamais eu envie de rentrer chez moi. Pour être honnête, j'ai eu peur par moments. J'espérais survivre. Mais je n'ai jamais voulu rentrer chez moi. Je savais que j'étais au bon endroit. » Sa carrière militaire semblait florissante. Puis, l'année dernière, elle est rentrée voir sa famille. « Les peshmergas m'avaient accordé 15 jours de vacances. Quand je suis arrivée au Danemark, la police m'a envoyé un courriel pour m'informer que mon passeport n'était plus valide et qu'il me serait retiré si je tentais de quitter le pays. Je risquais six ans de prison. J'ai déçu beaucoup de monde. Je formais des filles au combat. Ça revenait à les laisser tomber. » Elle en veut énormément au gouvernement danois de lui avoir confisqué son passeport en vertu de lois destinées à empêcher les jeunes pro-EI de prendre part au conflit — ce qu'elle décrit comme une « trahison ». Elle a dû choisir entre renoncer à son passeport ou attendre à Copenhague que la loi soit modifiée pour ne plus être vue comme une combattante djihadiste. « Je dois me souvenir de ce que j'ai vu au combat et des gens que j'ai laissés là-bas », me dit-elle en songeant à ce qu'elle peut faire. « Ces petites filles, les esclaves sexuelles, je ne peux pas les ignorer, en tant qu'être humain, mais surtout en tant que fille kurde. Ce n'est pas parce que j'ai une vie tranquille au Danemark que je peux ignorer ce qu'ils font à ces filles au Kurdistan. » Mais elle est tout aussi réticente à l'idée de perdre les libertés que l'Europe lui offre. Pour l'instant, elle est coincée à Copenhague. Au lieu de combattre avec ses « sœurs » peshmergas, elle étudie à contrecœur la philosophie au Danemark, où le gouvernement paie pour ses études universitaires. « Je suis une fille kurde européenne. La plupart de mes convictions et idées sont européennes. Je n'aurais pas pu vivre au Kurdistan plus d'un ou deux ans — en tant que femme, ce n'est pas l'idéal pour moi. Je donnerais ma vie pour l'Europe, pour la démocratie, pour la liberté et pour les droits des femmes. J'ai l'impression d'avoir été trahie par ceux pour qui j'étais prête à sacrifier ma vie. »